Un réfugié Kényan de 19 ans, John Maïna, s’est pendu à Meudon le 15 février après avoir appris le rejet définitif de sa demande de droit d’asile par la Cour Nationale du Droit d’Asile. Le président de cette instance aurait déclaré que celle-ci n’avait pas eu l’intime conviction que le demandeur serait menacé dans sa vie s’il retournait dans son pays.
Ces honorables magistrats, bien au chaud sous leur hermine et dans leurs certitudes, ignorent peut-être ce qu’est une intime conviction. C’est le vocable sous lequel on dissimule l’absence de la preuve irréfragable qui permettrait d’établir précisément une conviction, une certitude raisonnée. Comment, à des milliers de kilomètres d’un pays dont vraisemblablement ils ne connaissent pas grand’chose, pouvaient-ils apprécier la situation de John ? Je n’exerce pas d’aussi lourdes responsabilités que ces juges mais je n’ignore pas pour autant que le Kénya est en proie à de graves troubles tribaux. Puis-je suggérer à ces sages de tenir sans escorte leur prochaine réunion à Chebyuk, dans le district du Mont Elgon ? Ce serait pour eux l’occasion d’appliquer l’adage selon lequel on ne peut juger équitablement un homme sans avoir marché quelque temps dans ses chaussures. Mais je crains que leurs semelles n’aient jamais été entachées de la moindre poussière : la flotte des voitures avec chauffeur est maintenue immaculée.
De surcroît, ces juges ne se sont pas posé l’unique question valable : avaient-ils la certitude que le demandeur ne serait pas menacé en retournant dans son pays ? Pour ma part, j’ai l’intime conviction qu’ils ont une part de responsabilité dans la mort de ce jeune homme et j’espère pour leur honneur que, comme dirait notre plus illustre fils d’immigré, ils y pensent parfois, «et pas seulement en se rasant».