Cahuzac: le gouffre du mensonge

Publié le 03 avril 2013 par Alexcessif

Histoire d'une descente indécente.
Casting:
Gabriel Galou/ René Lataupe: Edwy Plenel.
La vérité: Victorine Tromplamaur.
La brume: Jean Michel Aphatie.
Le gouffre: Jérome Cahuzac
Le gouffre. Il fallait à Gabriel Galou une bonne dose de courage pour descendre dans les arcanes souterrains de ce tertre surplombant la Vézère lesté de 19 siècles et 7 ans d’obscurantisme. Tenu pour caverne des  maléfices, ce méat, qui n’était pas encore le gouffre de Proumeyssac, avait l’abominable réputation d’un  cloaque d’enfer engloutissant hommes, femmes, enfants et bêtes. Par deux fois une paire de canards y furent précipités vivants que l’on retrouvât, l’une enrubannées vers la fontaine de Frémulot, et l’autre les ailes brûlées du coté de Perdigat lançant des coins-coins désespérés. Il n’en fallait pas plus pour que l’imagination populaire fabrique du mystère. De brûlantes fumées constatées en hiver devinrent des flammes extraordinaires dans les récits rapportés et, en 1765, le « Cro (trou en langue d’Oc) de  Proumeissat, fut promu au rang de volcan par le chanoine de Chancelade. Selon d’autres légendes, les disparitions mystérieuses nourrissaient sans doute un minotaure démoniaque, les râles caverneux provenaient  certainement d’alcôves diaboliques les nuits de sabbat, ses odeurs pestilentielles sortaient forcément de cuisines sataniques, les brumes surnaturelles étaient sûrement les exhalaisons de Lucifer. Les ténébreuses énigmes de ce puits infernal, colportées par le temps s’amplifiaient  et dissuadaient les intrépides d’explorer le présumé territoire de Satan. Dans une réalité plus pragmatique, il servit de trou de justice lors d’une vengeance expéditive des vassaux du seigneur de Limeuil qui l’y précipitèrent, las de ses barbaries et de débarcadère macabre pour les voyageurs en diligences sur la ligne de Sarlat à Bergerac, détroussés et assassinés au cri de terminus-tout-le-monde-descend. Le moyen âge n’avait pas eu les moyens, les temps modernes ne l’étaient pas suffisamment, la renaissance s’occupait d’architecture italienne, le siècle des lumières ne l’avait pas éclairé, la révolution n’y avait rien changé, l’empire empirait et seule la république enfantait des consciences téméraires et exploratrices. Ce  matin du 10 Mars 1907 René Lataupe*  ignorait encore qu’il allait s’en/gouffrer dans les entrailles de Belzébuth avec un bagage et un matériel plus que léger en spéléologie. *(changement de patronyme afin de ne pas nuire au valeureux Gabriel Galou dans cette uchronie) C’était un dimanche et René était en compagnie d’autres agnostiques sauf une! Ne le furent-ils point, incrédules, qu’ils eurent probablement passé la matinée à la messe !  « Je danserai au prochain bal dans les bras de celui qui défieras le diable dans la caverne des maléfices! » lança Victorine Tromplamaur en buvant une rasade de Bergerac au goulot. Les jeunes désœuvrés en mal de sensations, saucissonnaient prés du lieu-dit Drix à une lieue et demie de Bugue sur la Vézère et à quatre lieues de Sarlat. Victorine est la fille du puisatier d’Audrix et sa façon de boire, érotique et innocente, trouble les mâles de son aréopage en surenchère de vantardise. « -Pas de diable sous terre en tout cas! S’exclamât René Lataupe en retournant son magret sous la cendre rougie en lisière du gouffre. - Création du curé pour nous foutre la trouille ! Enchérit Honorin Crédule. - Il nous ferait croire encore que la terre est plate, ajoutât Rocco Pernic - Quand à  Dieu, on s’apercevra un jour que le ciel, aussi, est vide conclut Apollo Treize. - Vous êtes un tas de mécréants, interrompit Victorine et je n’épouserai pas un incroyant» ajoutât-elle. Elle n’a pas tort, Victorine, la religion, bien qu’un tantinet manichéenne, donne des repères et les curés tinrent les premiers registres bien avant ceux de l'état-civil. Les vantards se préparèrent à inverser la vapeur abandonnant leurs convictions pour plaire à la belle. Plus prompt, René accusa le coup, mais rusé et tout à son envie de séduire repris la main sur la thématique démoniaque: « S’il y a un démon là-dessous, ce sera celui de l’aventure ! Je descendrai pour toi, Victorine. Puis, en vaine d’inspiration, il atomisa la concurrence de ses potes en concluant : « - Si je ressors vivant tu sauras que le diable existe mais que je ne le crains pas et plus fort que lui dans tes bras je veux bien croire en son comparse. Une hotte en osier de vendangeur, une corde de chanvre, une chandelle de suif dans une main, une tartine de rillettes d’oies dans l’autre et René Lataupe du Roc de Tayac disparut courageusement dans l’inconnu. Pétrifié dans le danger et la précarité, tel un insecte dérisoire suspendu  à son fil fragile, descendant lentement à la rencontre de la vérité,  il aperçut un ossuaire effrayant dans la pénombre de ces  catacombes, une  fée, une  pieuvre, une  méduse, un lac de cristal et des colonnes de calcite. Depuis les  muses à l’origine des arts,  il y a au début de toute quête une égérie à qui  l’on doit une grande découverte, une enquête où chaque homme parmi les plus courageux redevient un petit garçon trouvant l’invincibilité dans les yeux d’une fille. La cure, vaincue récupéra un peu de prestige grâce à la sémantique religieuse d’un  slogan digne  du Séguéla local : La cathédrale de Cristal ! Par le tempo et l’alchimie géologique, la fée, la méduse, la pieuvre existent. Ce sont des concrétions que l’on peut admirer aujourd’hui grâce à l’ingéniosité des jeux de lumière où entre stalactites et stalagmites, une table couverte de poteries qui attendent, sous la cascade calcaire, d’être  pétrifiées, chaque molécule patiemment médusée, changée en pierre. Le lac souterrain, d’un bleu somptueux, est débarrassé de ses ossements et les brumes surnaturelles s’expliquent scientifiquement par l’échange dedans/dehors du différentiel thermique. Le souffle fétide du rien, Jean Michel. Depuis, René plus que jamais cavernicole est devenu puisatier et visite d’autre cavité sans passer par la case mariage. Sept ans plus tard, la république de 1914, assez peu reconnaissante, envoyât notre puisatier entretenir l’amitié franco-allemande sur le front de Verdun et, c’est avec un courage identique, et une baillonette, qu’il retardât l’accueil des sympathiques touristes de 39/45 venus le temps d’un bail honnête plus conforme à l’hospitalité périgourdine.