Avec l'émergence (lente, mais indiscutable en France) de l'ebook, on assiste à la naissance de nouvelles maisons d'édition spécialisées dans le numérique. Un gros éditeur comme Bragelonne va même jusqu'à créer des contrats qui n'incluent que la distribution numérique, à l'exclusion de toute autre. Ces contrats peuvent être limités dans le temps, ils n'en sont pas moins à examiner avec la plus grande méfiance par les auteurs. Cinq ou dix ans dans l'univers du numérique, c'est une éternité d'opportunités que vous pouvez laisser échapper...
Prestige et validation. Telles sont les deux mamelles que l'auteur en herbe aspire à têter, tant et si bien qu'il serait prêt à tous les sacrifices pour cela. Le prestige d'un nom d'éditeur reconnu, par exemple dans le milieu de la SFFF avec Bragelonne, peut faire tourner bien des têtes.
Imaginez-vous en tant qu'auteur signer un contrat de distribution exclusivement numérique. L'un de vos contacts sur un réseau social apprend que vous êtes édité et enfin reconnu. Votre livre est sorti. Il n'a pas bien vu le côté exclusif de la distribution et se précipite en librairie.
Que va-t-il penser, en s'apercevant que votre ouvrage ne figure pas dans les rayons aux côtés des autres auteurs Bragelonne ? Quand il va savoir que vous êtes publié uniquement en numérique ? "L'éditeur ne veut prendre aucun risque avec cet auteur." Ou bien : "c'est un auteur de deuxième catégorie". Voilà ce qui risque fort de lui traverser l'esprit.
Croyez-moi, même au début de votre carrière, vous ne voulez pas être l'auteur de deuxième catégorie. A moins, bien sûr, de vouloir un aller simple pour le pays de l'Anonymat et de l'Oubli.
Vous me direz, en tant qu'autoédité, mes livres ne sont pas distribués non plus physiquement en librairie.
Certes, mais je touche aussi 70% sur mes ventes d'ebook. Et je vends aussi mes livres en version papier, quoique uniquement en dédicace ou par correspondance.
L'auteur Joe Konrath nous signale dans la partie "commentaires" de son blog que certains contrats proposés par les éditeurs mentionnent 25% de droits sur les bénéfices de l'éditeur. Une manière très retorse de masquer le fait que l'auteur ne touchera en fait que 15% du prix de l'ebook, au final. Ce type de modèle de contrat peut se retrouver en France. Cela paraît fou, mais ce n'est pas de la parano que de le redouter.
Par ailleurs, ce que l'on pourrait appeler les stigmates de l'autoédition sont, grâce à des auteurs comme Joe Konrath, Hugh Howey ou Marie Force aux Etats-Unis, David Forrest ou Jacques Vendroux en France, en train de disparaître plus vite qu'on ne l'aurait cru possible. Vous préférez toucher 70% en publiant directement par KDP Publishing, Kobo Writing Life et les autres ou bien 15 % ?
Pourquoi une auteur comme Marie Force arriverait-elle à faire des bénéfices à sept chiffres (donc, dépassant le million de dollars) avec ses ebooks autoédités si les lecteurs se préoccupaient de la manière dont sont édités les livres ? Cette hantise est une hantise d'auteur.
"Oui, mais la validation ?" me demanderez-vous.
Sans vouloir faire de la psychologie à deux sous, ce besoin de validation remonte à notre petite enfance - d'où la métaphore mammaire du début. Il est utilisé par les parents pour éduquer leurs enfants. Puis, par les enseignants pour sanctionner ou récompenser leurs élèves. Et enfin, par les grands éditeurs pour faire de l'argent.
Tous les gens qui savent relire un roman et le corriger de manière satisfaisante ne travaillent pas en maison d'édition, croyez-moi.
Je vais maintenant vous révéler le secret des auteurs qui commencent à avoir de la bouteille. Les seules véritables personnes habilitées à vous valider, ce sont les lecteurs. Les lecteurs, parmi lesquels peuvent se trouver d'autres auteurs talentueux. Pas les éditeurs. A bon entendeur...