Aujourd'hui, je vais aborder rapidement quelques nouvelles sans importance dans cette France apaisée qui va de mieux en mieux et dont la sortie de crise est déjà programmée pour dans quelques mois. Et comme le lait et le miel coulent en abondance, ce ne sera pas la peine de relier ces éléments dans un ensemble aux accents funestes. Je laisserai l'exercice aux lecteurs.
Par exemple, point n'est besoin de s'étendre sur le fait que l'assurance-vie continue sa décollecte entamée l'année dernière. En substance, les Français ont, pendant l'année 2012, plutôt puisé dans leurs réserves qu'ils ne les ont augmentées. On pourrait, éventuellement, mettre ça sur le dos d'un vieillissement de la population (ce qui pourrait d'ailleurs expliquer une sortie progressive des Français de la bourse, comme je l'évoquais dans un précédent billet) ; mais ce serait aller un peu vite en besogne : le retournement de tendance est assez vif pour accréditer la thèse, plus prosaïque et fichtrement moins bisou-compatible, d'un manque d'argent suffisamment marqué pour que les gens commencent à taper dans leur épargne.
C'est, du reste, l'analyse de la presse spécialisée qui, tout en constatant une hausse purement ponctuelle de la collecte chez les "banquassureurs", collecte liée à un énième changement de fiscalité sur les actions, ne peut que noter aussi la décollecte continue chez les assureurs purs. Cette même presse est aussi contrainte de relater les derniers propos de Christian Noyer, le patron de la Banque de France, qui ne se réjouit pas follement des résultats pourtant excellents de son établissement : certes, la banque engrange du pognon comme jamais, mais c'est à cause des opérations monétaires exotiques et de rendements élevés sur des bons de trésors überpourris dont, il faut bien le dire, personne ne sait exactement ce qu'ils vont valoir dans quelques années (probablement parce que les calculatrices n'ont pas assez de chiffres après la virgule).
Mais ces éléments ne servent, finalement, qu'à brosser le fond du tableau, son arrière-plan, dans les fameuses et nombreuses nuances de gris qui camouflent mal les engins sado-masochistes des premiers plans. À l'évidence, les joyeuses ponctions sur l'épargne sont à l'étude, comme je le mentionnais déjà hier. Et à l'évidence, le gouvernement travaille sur la distance pour faire accepter de telles taxations, ô combien impopulaires.
Mais dans un pays qui a depuis longtemps abandonné toute cohérence, ça ne posera aucun problème : il suffira de présenter la mesure sous l'angle d'une plus juste redistribution et d'y ajouter un couplet ou deux sur les nécessaires économies à faire en temps de disette.
Le rapport Fragonard détaille donc comment s'y prendre et les économies humidement espérées : en tabassant avec doigté les deux premiers déciles (les 20% des familles les plus aisées), on va redresser la branche famille de la sécurité sociale, vous allez voir, y'a que ça de vrai ! Bien évidemment, on ne s'appesantira pas sur le fait que la notion même de famille aisée est régulièrement revue à la baisse ; l'imagerie populaire s'ancrait décidément dans la famille bourgeoise, domestiques en livrée et enfants trop bien peignés, mais les assauts socialistes ont rapidement remis tout le monde dans le même bain : maintenant, le fait d'avoir, dans une même famille, le père et la mère qui travaillent et gagnent un salaire propulsent immédiatement la famille dans les classes aisées. Et pour peu que l'un des deux (ou les deux) frôlent le double du salaire médian, paf, la timbale est décrochée et les voilà riches. Évidemment, pour les domestiques en livrée, la voiture avec chauffeur et les cinq enfants tirés à quatre épingles, vous pourrez repasser, ils sont gobés par les charges sociales, les impôts et les taxes.
Et le plus intéressant, dans cette nouvelle aventure du gouvernement Ayrault, c'est qu'elle ne rencontrera probablement aucune opposition sérieuse, preuve s'il en était encore besoin que l'argument de justice sociale a fait mouche et a complètement paralysé ce qui passe pour une opposition : on découvre par exemple qu'Alain Juppé est d'accord pour moduler les montants des allocations. Ce n'est pas fortuit : petit à petit, les politiciens sortent de la léthargie dans laquelle les ont poussés les lointaines élections, se réveillent lorsque l'odeur de la faisande est forte, et comprennent qu'il faut faire front commun. Non pas pour diminuer les dépenses (Vous n'y pensez pas ! Nous sommes en France, tout de même, un peu de sérieux !), mais bien pour trouver, tous, tous, tous ensemble, toutes les sources possibles de ponctions et de revenus supplémentaires pour un État qui frise l'hypofiscalie, cette maladie grave où l'argent qui rentre de moins en moins ne compense plus du tout l'argent qui sort de plus en plus.
Dans cette course à la fiscalisation tous azimuts, la réaction du peuple est, comme à son habitude, minimale : en substance, les classes moyennes (celles qui ont été commodément rebaptisées "riches" pour la prochaine campagne de tonte) font le gros dos et espèrent voir la tempête passer loin d'elles. Les classes aisées prennent rapidement leurs dispositions pour échapper au problème. Et les classes populaires, pour moitié persuadées d'y gagner, pour moitié de toute façon fort loin de ces considérations politiciennes nanométriques, s'en foutent calmement. Seul bémol : certains s'inquiètent de la taxation des entreprises sur les salaires à plus d'un million d'euros. Oh mais rassurez-vous : nous sommes en France, il ne s'agit pas ici de se demander si cette mesure ne va pas entamer l'attractivité du pays. Que nenni ! Si l'on s'interroge sur la pertinence d'une telle taxe, c'est exclusivement pour les clubs de foot.
Taxation à tout va de la part de la classe politique, pluie d'impôts, rabotages directs et indirects, inquiétude hyper-sélective de la population : pas de doute, ce pays est foutu.
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