[notes sur la création] Gilbert Pastor

Par Florence Trocmé

Je travaille sur des toiles de lin brutes que j'enduis moi-même avec un fond puis tout est mis en œuvre pour arriver à un résultat. Les doigts, les mains interviennent, je dessine et je peins à la fois jusqu'à ce que les premiers personnages puissent sortir d'une sorte de matière et de couleur. C'est la matière qui révèle à mesure les personnages dans la masse du tableau. Je ne commence jamais par un dessin précis, mais je construis et détruis sans cesse pour laisser surgir les formes. Je suis directement tributaire de la matière, elle me donne le chemin à suivre. 
Il y a des jeux de matières qui viennent ou ne viennent pas. Si les personnages interviennent malgré moi, j'essaie de les effacer, mais ils continuent toujours d'exister, d'être présents dans l'épaisseur de la matière. Ils jouent dans la composition et leur présence s'impose parmi les autres. Ils se correspondent simplement, car ils sont dans un lieu, rassemblés. Je n'arrive pas à supporter le concret, il faut qu'il se dilue dans la lumière. 
Je travaille dans une matière uniforme, une couleur neutre, homogène, par des glacis, des recouvrements, des superpositions. 
[Extraits d'un entretien de Gilbert Pastor avec Jean-Pierre Sintive]