Bischwiller, Terre de Textile !

Publié le 03 avril 2013 par Alsagora @alsagora
Dans un sondage récent du CSA, il apparaît que 4 français sur 5 croient encore à la réindustrialisation de la France.
Les français ne se résignent pas à ce déclin de l'industrie de la France que l'on annonce  et que l'on constate dans les médias.  Et ce  qui est surprenant, c'est que ce refus de la fatalité n'est pas clivant politiquement et qu'il est partagé par toutes les catégories de la population.  Les français sont ainsi convaincus que l'on peut inverser la production industrielle, que l'on soit jeune ou vieux, ouvrier, cadre ou créateur d'entreprise. C'est sur ce terrain de la réindustrialisation du territoire, que Volkan KARSAL et Bernard RUCK, sur la Commune  de Bischwiller,  ont construit un vrai  projet industriel de reindustrialisation du territoire,  dans le secteur de la Confection, principalement Haut de gamme et  de Fabrication française.  Rencontre avec les dirigeants du projet !
Parlez-moi de la chronologie du projet 
VK : "J'ai 24 ans aujourd'hui,  et j'ai commencé à travailler à 18 ans dans le nettoyage industriel, le Prêt-à-porter  également, dès 19 ans,  pour des grands groupes. 
Mon parcours m'a amené ensuite  jusqu'aux Galeries Lafayette  sur une fonction de responsable de stand. J'ai pu ainsi me rendre compte au travers de mon expérience dans le secteur du Prêt-à-porter, que nous étions souvent confrontés dans ce secteur à des contraintes fortes au niveau de l'approvisionnement :  souvent  les tailles n'allaient pas, le tissus n'était pas bon, les gens étaient allergiques à certains tissus et les compositions de vêtements, des plus aléatoires.

Au regard de ces contraintes,  sur ces absences détectées, je me suis dit alors, qu'il y avait peut être un créneau à investir,  qu'il y  avait sûrement  de quoi monter un  projet dans ce secteur du Prêt-à-porter. Un an s'est déroulé entre le moment où j'ai commencé à réfléchir à mon projet de création d'entreprise et ma première rencontre avec l'adjoint au Maire de Bischwiller. J'ai  pu ainsi pour la première fois,, parler de mon projet  à la  Mairie  qui a souhaité me recevoir et qui a cru en mon projet, même si celui-ci au départ, semblait totalement fou. 
J'ai pu ensuite partager mon projet avec Henry BEILLET de  Start Hop, Conseil à la création d'entreprise, qui m'a mis en contact avec Bernard RUCK et tous deux m'ont fortement conforté dans mon envie de mener ce projet à terme."...  

C'est un projet industriel dans le secteur Textile ?
VK : "C'est un projet industriel dans le secteur de la Confection, principalement Haut de gamme et  de Fabrication française à Bischwiller. 
Et si le projet semble énorme au départ, vu l'ampleur des investissements qu'il sollicite ; à l'échelon national ou Européen, il est en fait  tout petit."... 

BR :"Fabrication à Bischwiller, comme diraient les indiens, sur la terre des anciens, parce qu'à l'époque, il y avait à Bischwiller une usine de confection de vêtements pour hommes, Haut de gamme, qui fabriquait sous sa marque et sous beaucoup d'autres marques.  Cette entreprise à disparu en 2002 il y a 11 ans.  Vestra  fournissait alors des vêtements à la moitié de l'Europe et jusqu'aux États-Unis. Le terrain que la Municipalité de Bischwiller va nous mettre à disposition, ce sont les anciens terrains de Vestra ;  en fait c'est bien un retour à la terre des ancêtres." 


VK : "Sur ces anciens terrains de Vestra,  nous allons créer une unité de production, un magasin d'usine avec une zone se stockage, un bureau d'étude et de recherche et développement, et l'administration du site.

Nous allons ensuite recruter 150 personnes opératrices ouvrières et 30 personnes pour tout ce qui est administratif et pour la direction."...

Quand on monte un projet de cette ampleur en Alsace,  comment se fait la recherche de partenaires, soit des partenaires de filière, soit des partenaires financiers  ?
BR : Il faut préciser tout d'abord qu'on ne se lance pas dans la Confection dames, qui est une confection très changeante et qui demande beaucoup d'investissements au niveau de la création, et ça nous ne l'avons pas envisagé pour le moment. On se lance uniquement sur de la Confection hommes, pantalons, vestes et costumes sur mesure, jeans hommes et femmes,  donc sur des produits à forte valeur ajoutée. On va donc créer une marque et également travailler en sous-traitante.
Le nom de l'entreprise qui a été retenu,  c'est la Fabrique Française du Vêtement...  

VK :
"On peut déjà dire que la Fabrique Française du Vêtement va créer de l'emploi car nous allons travailler avec  des tailleurs et autres acteurs de la retouche dans toute la France qui vont travailler en collaboration avec nous. Nous allons pouvoir ainsi  développer la mesure industrielle des costumes. On passe par le circuit normal des indépendants en France...  Nous sommes également en développement de partenariat avec une entreprise qui est un grossiste en vêtements, qui s'intéresse à notre projet, qui a comme clients l'équivalent de 1100 boutiques indépendantes en France et qui mettra au fur et à mesure de notre avancée, son réseau de vente à disposition. 
C'est en quelque sorte une   assurance au départ pour un bon développement de réseau et cela constitue une force pour la Fabrique Française du Vêtement."...

VK :
"Il y a des régions françaises où ce réseau des boutiques n'est pas beaucoup représenté et à ce moment là,  le client pourra passer par  l'intermédiaire du site Internet marchand de la Fabrique Française du Vêtement... Par exemple, si vous habitez  dans une région mal desservie, le site vous fournira l'adresse   du tailleur ou du retoucheur du réseau, le plus proche de chez vous et à qui vous adresser pour prendre les mesures du costume... Celui-ci nous transmettra  les données de fabrication et réceptionnera ensuite le costume ainsi fabriqué,  pour un dernier essayage. Le tailleur est commissionné pour le travail ainsi  réalisé et il est en charge du paiement du solde du costume par le client... 
Cela peut créer ainsi des postes d'indépendants,  d'entrepreneurs maillant l'ensemble de la France, le Benelux et la Suisse."
"Je voulais aussi préciser que nous sommes actuellement très sollicités par des entreprises et des bureaux d'études extérieurs, des designers, des modélistes qui souhaiteraient travailler avec nous parce qu'ils ont  également des critères très spécifiques : la qualité, de fabrication française, régionale. Nous sommes tout à fait ouverts à travailler avec d'autres bureaux d'études." ... 

BR :
"L'avantage également, c'est que l'on va pouvoir faire à la fois de la grande  et de  la petite série . On va ainsi pouvoir toucher, les petits créateurs, les designers, les modélistes, les entreprises qui souhaitent faire des séries de 50 à 300 pièces.  Nous somme ouverts à la production également, de ces quantités là." ...
"Pour en revenir à la questions des partenaires, nous avons  des partenaires bancaires avec la Caisse d'Epargne qui s'est présentée spontanément sur ce projet, le Crédit Mutuel également. 
Nous sommes également en contact avec Oseo qui est un partenaire incontournable et la BPI (Banque Publique d'Investissement) sur du financement de Fond de Roulement.
On a aussi  le Pôle Textile d'Alsace qui peut intervenir en partenariat sur du parrainage et nous ouvrir ainsi pas mal de portes, parce qu'initialement nous ne venons pas du secteur textile. Nous avons cependant, l'avantage d'avoir deux conseillers professionnels de la confection qui nous font bénéficier de leurs savoir-faire et de leurs expériences, ce qui constitue une vraie valeur ajoutée indispensable au bon montage du projet.
On a également l'Adira qui nous suit sur ce projet, la Région, le Conseil Général du Bas-Rhin,  avec des rencontres qui sont programmées.  
Et  nous avons aussi rencontré le  Haut commissaire du Cabinet d'Arnaud MONTEBOURG, qui a son bureau à la Direccte à Strasbourg, pour tout ce qui concerne la  formation. Nous allons devoir former   des gens à la production et à la couture, notamment... 
Nous sommes également en partenariat avec L'EM Strasbourg (École de Management de Strasbourg),  pour un travail de réflexion autour de Prospect-Act et sur le Développement économique local." ...

Le montant des investissements ?
VK : Bâtiments : 2,7 millions € - Machines, avec les installations : 3 millions €, pour un cycle complet de production Vestes, pantalons et jeans (hommes et femmes). 
En tout le montant des investissements avoisine les 10 millions € en tenant compte d'un Fond de Roulement nécessairement important." ... 
Comment votre projet s'inscrit-il dans une démarche environnementale et développement durable ?
VK : Je vous donnerai deux exemples qui sont déjà intégrés dans la démarche : l'usine sera chauffée au bois et  on mettra en place, d'office,  un système de récupération et de recyclage des déchets, parce qu'avec les déchets de tissus, on peut refaire du fil... Tout a ainsi une valeur. 
Les normes de qualité sont bien sur  elles aussi intégrées au projet notamment les normes ISO 9001, ISO14001, ISO14040 et ISO14044. 
Et le calendrier ?
BR : Pour le bâtiment, on donne le top départ à fin mai de cette année et  des bâtiments provisoires nous sont fournis par la Ville de Bischwiller dans une pépinière (5 bureaux  mis à disposition, afin que l'entreprise puisse commencer à fonctionner). 
En même-temps,  on mettra en place la filière formation, dans un local de 300 m2 que nous avons déjà repéré, qui servira  à la fois de lieu de formation et à l'issue de la formation,  de lieu  production pour faire du pantalon.  
La fin des embauches est prévue pour cette fin d'année. 
Nous allons aussi profiter de cette année pour être présents sur les salons "Textile" et nous faire connaître.


Co-création, management participatif,  promotion sociale et maillage de réseaux  de partenaires locaux,  sont aussi du programme.
Au-delà d’un projet économique fortement créateur d’emplois, ce projet  c'est aussi une belle aventure sociale  souhaitée par ses deux dirigeants.
Cette dimension sociale du projet est omniprésente dans le discours des dirigeants de la Fabrique Française du Vêtement, parce que gérer sa RSE (Responsabilité Sociétale de l'Entreprise) en amont, n’est-ce pas déjà un bel atout,  pour une entreprise locale en devenir  ?