Hiver froid : la faute à la banquise arctique

Par Memophis

 

INFOGRAPHIE - Le réchauffement de l'océan Arctique pourrait faciliter les descentes d'air polaire sur l'Europe.

Le froid qui sévit dans le nord de la France depuis le début du mois de janvier et qui devrait encore se prolonger pendant plusieurs jours est-il lié au réchauffement climatique? Les épisodes neigeux exceptionnels qui ont balayé à plusieurs reprises le nord des continents américain et européen sont-ils, eux aussi, le résultat de l'augmentation globale des températures? Seules quelques équipes de climatogues avancent cette hypothèse. Leurs scénarios ne sont pas les mêmes, mais tous s'accordent sur le fait que la réduction de la banquise arctique depuis une quinzaine d'années est en train de modifier les hivers dans le nord de l'Europe, de l'Asie et de l'Amérique.

En 1979, début des mesures satellitaires, la glace couvrait environ 7 millions de kilomètres carrés d'océan durant l'été. En septembre 2012, ce n'était plus que 3,4 millions.

Bétail prisonnier de la neige

La réduction de la banquise arctique, qui atteint son maximum en septembre-octobre, accentue le réchauffement de l'océan Arctique. Ce dernier aurait pour effet de ralentir les vents en haute altitude qui tournent autour du pôle Nord, ce qu'on appelle le vortex polaire. «Si le vortex ralentit, l'air froid de l'Arctique peut plus facilement s'échapper et descendre vers les basses latitudes», explique Dim Coumou, de l'Institut de Potsdam (Allemagne)

 

Ce phénomène serait à l'origine des épisodes de grand froid et de fort enneigement qui ont marqué le mois de mars en Europe du Nord et sur le continent nord-américain. Records de froid en Belgique ou dans l'est de la France, jusqu'à 10.000 têtes de bétail prisonnières de la neige en Irlande du Nord, 25 morts en Pologne en mars avec des températures descendues jusqu'à - 24 °C la nuit…

La théorie est séduisante. «Le mécanisme est intéressant, mais, de là à dire qu'il est dû au réchauffement climatique, c'est aller un peu vite en besogne», estime Robert Vautard, du LSCE (laboratoire des sciences du climat et de l'environnement, CEA-CNRS). On n'a pas assez de recul pour avoir des données statistiques suffisantes et il faudrait ­faire des simulations massives sur plusieurs modèles. Les nouveaux scénarios du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), présentés en septembre prochain, n'indiquent d'ailleurs pas de modification radicale de la circulation atmosphérique en hiver dans l'hémisphère Nord.

La météo de l'Europe de l'Ouest est beaucoup plus chaotique que celle de la Russie, par exemple, avec son climat continental

Pour le chercheur du LSCE, il n'est pas pensable de prévoir quel temps il va faire en mars en prenant seulement en compte l'étendue de la banquise au mois de septembre. La météo de l'Europe de l'Ouest est beaucoup plus chaotique que celle de la Russie, par exemple, avec son climat continental. Elle dépend des différences de pression entre la dépression située autour de l'Islande et l'anticyclone des Açores, ce qu'on appelle l'oscillation nord-atlantique, plus connue sous le nom de NAO (North Atlantic Oscillation, en anglais). En hiver, deux cas de figure (on parle de régime) peuvent se produire. Soit on est sous un régime de NAO négative (NAO -): les courants océaniques sont orientés vers le sud du continent et, dans ce cas, il fait froid au nord. Soit c'est l'inverse.

Pour Robert Vautard, la situation actuelle n'a rien d'exceptionnel en dépit de températures plus fraîches de 0,3°C que la moyenne. On est dans une situation de blocage sous un régime de NAO négative. «En 2010, il y avait eu un hiver très rigoureux. Or, en regardant de plus près, on avait vu que cet hiver était seulement le quinzième plus froid des soixante dernières années.» Cette année, le blocage donne toutefois l'impression d'être interminable, mais la situation actuelle est classique.

Qu'on se rassure, l'Europe de l'Ouest n'est pas condamnée à un régime de NAO négative, souligne le chercheur. Dans les années 1990, il y a eu tout un groupe d'hivers doux en Europe du Nord. On était alors sous le régime d'une NAO positive, ce qui accentue sans doute notre impression de changement.

À un régime NAO négative fortement marqué s'ajoutent des descentes d'air polaire poussé par un autre courant moins connu: l'oscillation arctique. La grande question, c'est de savoir si ce phénomène va être ou non accentué par la fonte de la banquise, explique David Salas y Melia, de Météo France. Ce n'est pas la seule piste explorée. L'augmentation de température de l'océan Arctique pourrait accroître l'humidité et augmenter l'enneigement, qui, lui-même, pourrait accentuer le froid hivernal.

http://www.lefigaro.fr/sciences/2013/03/28/01008-20130328ARTFIG00737-hiver-froid-la-faute-a-la-banquise-arctique.php