Magazine Culture
Erik Orsenna ne répond pas à toutes les questions dans Sur la route du papier. Celle-ci, par exemple, après avoir énuméré les différentes confitures emportées en vacances :« pourquoi toujours tant de pommes dans les confitures de l’après-guerre ? » Apportons-lui cette information fondamentale : pour la pectine, pardi ! Il est vrai que la question ne concerne pas le sujet de son troisième Petit précis de mondialisation, le papier – et non les confitures. Sur le papier, en revanche, il ne laissera guère de points d’interrogation sans explication. Comme dans les volumes précédents, consacrés au coton et à l’eau, le romancier se fait enquêteur. Il court le monde et course les spécialistes. A l’arrivée d’un long voyage, il donne un livre bourré de renseignements restitués sous forme d’histoires puisées dans ses rencontres. La forme la plus agréable, et probablement la plus efficace, de la vulgarisation. Les anecdotes s’enchaînent, de la France à la Chine, du Brésil au Canada et à l’Indonésie en passant par le Nord de l’Europe. A Echizen, au Japon, M. Sugihara, Trésor Vivant, lui montre le résultat du travail de douze générations et admire « cette force qui vous pousse à entreprendre jusqu’ici un aussi long et de nos jours aussi périlleux voyage ». A Grenoble, s’armant de courage, parce qu’il n’est pas toujours facile de poser des questions de néophyte à ceux qui savent tout, il demande qui est cet Eric dont il entend parler sans cesse dans l’univers du papier recyclé, et dont le prénom, presque identique au sien, le trouble : « Éric mesure la quantité d’encre qui demeure dans le papier recyclé malgré tous les traitements et lavages qu’on lui a fait subir. » Un Eric à 0 est une page parfaitement blanche, terreur de l’écrivain… Au terme de recherches passionnantes dans lesquelles sa naïveté fait de lui un des principaux personnages, il est presque rassuré. Nous aussi : le papier a encore une longue vie devant lui, et les romanciers ne sont pas responsables de la déforestation.