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Les 5 leçons d'une affaire Cahuzac

Publié le 02 avril 2013 par Juan
Nous pensions qu'il était condamné avant tout procès puisque ce dernier avait déjà eu lieu dans la presse et notamment chez Mediapart.
Jérôme Cahuzac a patiemment attendu le lendemain du 1er avril 2013 pour avouer qu'il avait bien détenu un compte bancaire à l'étranger, pour 600.000 euros, et depuis longtemps ("une vingtaine d'années").
Il l'a avoué sur son blog, une demi-heure après être sorti du bureau du juge qui venait de le mettre en examen:
Par lettre du 26 mars 2013, j’ai demandé à Messieurs les juges d’instruction Roger Le Loire et Renaud Van Ruymbeke de bien vouloir me recevoir afin que, délivré des obligations de ma fonction, je puisse enfin donner les explications qui s’imposent au regard de la détention à l’étranger d’un compte bancaire dont je suis le bénéficiaire depuis une vingtaine d’années.

J’ai rencontré les deux juges aujourd’hui. Je leur ai confirmé l’existence de ce compte et je les ai informés de ce que j’avais d’ores et déjà donné les instructions nécessaires pour que l’intégralité des actifs déposés sur ce compte, qui n’a pas été abondé depuis une douzaine d’années, soit environ 600.000 €, soient rapatriés sur mon compte bancaire à Paris.

A Monsieur le Président de la République, au Premier Ministre, à mes anciens collègues du gouvernement, je demande pardon du dommage que je leur ai causé. A mes collègues parlementaires, à mes électeurs, aux Françaises et aux Français j’exprime mes sincères et plus profonds regrets. Je pense aussi à mes collaborateurs, à mes amis et à ma famille que j’ai tant déçus.

J’ai mené une lutte intérieure taraudante pour tenter de résoudre le conflit entre le devoir de vérité auquel j’ai manqué et le souci de remplir les missions qui m’ont été confiées et notamment la dernière que je n’ai pu mener à bien. J’ai été pris dans une spirale du mensonge et m’y suis fourvoyé. Je suis dévasté par le remords.

Penser que je pourrais éviter d’affronter un passé que je voulais considérer comme révolu était une faute inqualifiable. J’affronterai désormais cette réalité en toute transparence.
Rapidement, François Hollande a fustigé l'homme et ses mensonges si récents en des termes qu'une République irréprochable doit louer et applaudir:
Le président de la République prend acte avec grande sévérité des aveux de Jérôme CAHUZAC devant les juges d’instruction concernant la détention d’un compte bancaire à l’étranger. C’est désormais à la Justice d’en tirer les conséquences en toute indépendance. En niant l’existence de ce compte devant les plus hautes autorités du pays ainsi que devant  la représentation nationale, il a commis une impardonnable faute morale. Pour un responsable politique, deux vertus s’imposent : l’exemplarité et la vérité.

Plusieurs "leçons", à chaud, peuvent être tirées de cette (lamentable) affaire:
1. Rarement scandale de ce genre n'aura été aussi rapidement traité. Cahuzac avoue avant tout procès. Hollande réagit aussi rapidement. La gauche de gouvernement a-t-elle compris quel bénéfice elle avait à agir vite ? Après les 3 mois de "Mediapartie" intensive, voici un ministre démissionné puis qui avoue, l'affaire semble quasiment classée. L'Elysée a bien fait de couper dans le vif.
2. L'une des raisons de cette rapidité est sans doute la précision chirurgicale de l'affaire: un compte en Suisse, rien de plus et c'est déjà suffisant. D'autres affaires - plus graves, plus lourdes, plus ambitieuses - ont fini par s'enliser à force de rebondissements et de polémiques.
3. Faut-il reconnaître ce "droit au soupçon" ? Evidemment, quand l'issue conforte l'accusation, on se réjouit que le soupçon ait permis cette révélation de la vérité. Mais insistons quand même, pour la gloire et les principes: nous persistons à écrire qu'il faut que l'accusateur soit irréprochable dans son positionnement. Si l'accusateur est soupçonné voire - pire - reconnaît un agenda politique personnel, il alimente la cause de l'adversaire. Mediapart nous a fait peur parce que le site semble incapable de reconnaître cette contradiction qui pourtant le dessert.
4. Vivons-nous un tournant vers une américanisation supplémentaire de nos moeurs politique ? A quand les confessions en direct, la larme à l'oeil en prononçant l'inévitable "j'ai menti".
5. Cahuzac s'est dit dévasté. Combien sont-ils celles et ceux capables d'endurer tel choc médiatique ? L'affaire étant réglée, au moins médiatiquement et sur l'essentiel, la Justice pourra-t-elle reprendre un cours normal et serein ? Pas sûr. C'est allé trop vite pour que certains se sentent rassasiés.


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