Tyler Hamilton.
Hamilton. En général, un livre sur la mémoire, le souvenir et le traumatisme qu’elle ressuscite, surgit d’une claire définition. Mais quand on lui demande si l’exercice cathartique fut psychologiquement bénéfique pour cheminer vers la rédemption, l’ancien cycliste Tyler Hamilton, quarante-deux ans, cheveux longs et tenue décontractée, réfléchit longuement, marque comme une surprise et s’étonne presque de sa propre réponse. «J’ai toujours honte. Honte de moi, honte de ce que j’ai fait, honte de ce que nous avons fait. J’ai beau être passé aux aveux, je ne suis pas débarrassé de ce poids.» Bien avant la publication de "la Course secrète" (Presses de la cité), en vente depuis quelques jours, Tyler Hamilton fut l’un des accusateurs de Lance Armstrong. L’un des tout premiers même, avec Floyd Landis. Et pas n’importe lequel : il fut l’un des intimes, l’un des amis, l’un des équipiers des premiers temps les plus fidèles, l’un des confidents aussi.Et puis un jour, en 2010, Tyler se retrouva devant les enquêteurs de l’Agence antidopage américaine (Usada). «Avant d’avouer, j’étais pris dans une spirale, je me dopais, je mentais, je me taisais. L’omerta a toujours pesé sur le cyclisme. Une fois devant le grand jury de l’Usada, je me suis retrouvé acculé. Si je m’étais tu, j’aurais sombré dans l’alcool ou fini en prison, comme Marion Jones.»
Profil. Dans son livre-choc, où il détaille la part sombre de sa vie de cycliste, Tyler Hamilton raconte tout. Les produits dopants. Les poches de sang livrées pendant les Tours de France. Les mœurs et les combines mafieuses de l’US Postal, mais également les habitudes des autres équipes qu’il fréquenta après avoir quitté l’armada d’Armstrong. Et puis ses contrôles positifs, sa descente aux enfers. «Personne ne m’a mis un pistolet sur la tempe!, insiste-t-il. Je savais ce que je faisais. Ça n’a rien à voir avec un embrigadement, c’est un processus insidieux, organique. Il m’a fallu mille jours pour passer à l’acte du dopage ; pour d’autres, deux mille ont été nécessaires ; pour d’autres encore, vingt-cinq seulement.» L’ex-lieutenant ne donne pas de leçon. À ceux qui jugeraient un peu vite, il leur recommande d’essayer de comprendre: «On passe sa vie à travailler dur, et quand on est à deux doigts de réussir, on vous présente un choix : ou bien vous jouez le jeu, ou bien vous abandonnez et vous rentrez chez vous. Vous, vous feriez quoi?» Dans son livre, il écrit: «En 1997, je m’étais retrouvé à deux doigts de participer au Tour. Je considérais comme un honneur le fait que le médecin de l’équipe me l’ait proposé, et j’ai senti que je devais choisir entre marcher dans la combine ou bien abandonner pour de bon.» Et lorsqu’on lui demande pourquoi il manqua de lucidité, il répond: «C’est une alchimie complexe. J’aurais sans doute pu continuer à être propre si je n’avais pas offert le profil idéal du futur dopé. Arrive un moment où le coach, les médecins, le leader de l’équipe tournent autour de vous. Ils vous testent par petites touches. Si le coureur est vraiment réticent, il est laissé de côté. Au contraire, celui qui a un potentiel psychologique “favorable” est surveillé de près, conseillé, canalisé. J’étais un client parfait.»
Tyler Hamilton, devant Lance Armstrong,
du temps de l'US Postal.
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 29 mars 2013.]