"Recul du pouvoir d'achat en 2012 : chômage, salaires et impôts en cause"
Le titre claque et sonne juste, à la une du Parisien. Et oui, en 2012, sans accuser personne - quoique - le pouvoir d'achat des Français a reculé l'an dernier. Un peu plus loin, en une du Monde, on lisait que le recul
était "historique". Techniquement, c'est vrai, c'est la première fois depuis très longtemps que le pouvoir d'achat recule en France.
L'INSEE, à l'origine de cette "révélation", lâche plusieurs explications: la hausse du chômage, celle des impôts
décidée en 2011, la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires (4 milliards par an), la modération salariale (sous la pression de la crise). Ces menaces avaient toutes été identifiées
l'été dernier, par le même institut.
Et le Figaro a l'explication
facile: "les réformes fiscales adoptées par la majorité depuis l'élection de François Hollande. (...) La hausse des cotisations sociales salariales et la suppression des exonérations sur les heures
supplémentaires ont aussi contribué à grignoter le pouvoir d'achat des salariés."
Au final, le pouvoir d'achat a reculé de ... 0,4% en 2012.
1. Vous avez bien lu... 0,4%... C'est-à-dire pas grand chose si l'on en reste à cette statistique maigrichone. Le Parisien évoque quand même une
"chute". Et l'on sait que l'inflation est restée également faible. La mesure, et les conclusions trop rapidement tirées, sont imprécises et mensongères: elle est tristement calendaire.
Mais dans le passé déjà, le pouvoir d'achat avait baissé, plus fortement. En 2008, avant le déclenchement de la Grande Crise, l'INSEE s'inquiétait d'une baisse de 0,8% du pouvoir d'achat entre juin 2007 et juin
2008... Vous avez bien lu: 0,8%.
2. Même quand il progresse, le fameux pouvoir d'achat moyen de nos concitoyens progresse peu: 3,2% au plus de la décennie en 2002. On pourrait
comparer ces évolutions avec celle du CAC 40 - un indicateur comme un autre de la valorisation des actions en Bourse. La première comparaison nous colle le tournis. Le CAC40 fait le yoyo
nécessaire à toutes les spéculations.
Mais il y a cette année une belle énigme qu'il faudrait éclaircir.
3. Cette statistique masque la réalité de la vie chère. La véritable mesure du pouvoir d'achat devrait distinguer les biens et services de nécessité du reste. Et c'est là d'abord
que l'analyse pêche par manque de précisions.
4. Les explications de cette dégradation sont ensuite sacrément insuffisantes pour comprendre le problème: comment mélanger la fin de défiscalisation des heures supplémentaires
(pour 2,5 milliards d'euros d'effet d'aubaine supprimés) avec le relèvement de l'ISF dès 2012 (2 milliards d'euros) ? "On aimerait bien y voir clair et qu’on nous donne enfin autre chose que
des moyennes : qui est touché, qui, ce qu’on appelle la crise touche-t-elle réellement ?" s'interroge, comme nous, la sociologue Marie
Duru-Bellat sur son blog
hébergé par Alternatives Economiques
D'après l'INSEE, relève-t-elle, "cette baisse s’explique avant tout par la hausse des impôts, puisque la masse salariale n’a pas connu de contraction ; ce serait donc les personnes les
plus fortement imposables qui seraient les plus frappées ; pourtant, on connaît la hausse importante du nombre de chômeurs, qu’on imagine touchés de plein fouet. S’agit-il des mêmes
personnes, on peine à le croire !" Et oui, c'est la belle arnaque sémantique de ces derniers jours: tous les Français auraient été frappés par un coup de matraque fiscal qu'il
fallait imputer à Hollande. Vraiment ? C'est joliment faux.
Il n'y a que deux hypothèses pour expliquer cette baisse du pouvoir d'achat.
Si la baisse du pouvoir d'achat frappe les plus faibles voire les classes moyennes, alors il faut se rendre à l'évidence. C'est encore la faute à Sarko. Car les hausses d'impôts
décidées l'an passé sont dues à l'équipe Sarkozy pour une belle partie de l'année - gel du barème de l'impôt sur le revenu, relèvement de cotisations, et relèvement général de la TVA réduite de
5,5 à 7%.
Si la baisse du pouvoir d'achat concerne les franges fortunées, alors oui,
avouons la chose, c'est la faute à Hollande. Car les hausses d'impôts depuis l'été (revenus, ISF, etc ) ont effectivement frappé les plus riches. Et la hausse hollandiste de la TVA - 7 milliards
d'euros n'a pas porté - elle est pour 2014. Et alors, une autre interrogation s'impose jusqu'à troubler: à quoi bon se lamenter d'une perte de 1% du pouvoir d'achat d'un cadre sup' ?
A quoi bon ?