(mais ça c'était avant)
Iris ne savait pas vraiment pour qui elle était. La blonde, la brune, elle trouvait à chacune des avantages, des inconvénients (on dit aussi qualités, défauts). En fait, pour être honnête elle n'en aimait aucune. Elle les détestait même. Ces filles à moitié nues, exhibant grossièrement leurs corps loin d'être grossier, qui se donnent ainsi en spectacle.
« Attention Mesdames et Messieurs, le combat de bouse entre WonderBotox et Supergirl va commencer ! Notre cow cow girl va sonner le premier round ! »
Elle était contre l'une et l'autre, elle n'était pour aucune, elle se plaisait juste à les voir se rouler dans le purin, à les voir se salir d'injures siliconées, à se planter des bistouris dans le dos, à colporter les pires ragots. Elle se plaisait à pouvoir en penser tout le mal qu'elle voulait, à pouvoir s'affaler dans le canapé en tant que spectatrice critique et avertie (« consternant ce concept n'est-ce pas ? »), observer des filles artificielles se battre pour un agriculteur bio qu'elles sont d'accord pour trouver beau mais idiot. Et regardez-le, lui, béat, qui y croit, qui a du mal à faire son choix, un œil posé sur chacune. Iris ne pourrait supporter d'être humiliée de la sorte, même si elle était cher payée ! Iris avait un honneur, une fierté ! « Quiconque en doute, de m'approcher se garde ! »
Mais en réalité ( triste, sans doute..?) :
L'amour ne luit jamais dans l’œil qui la regarde ;
Elle pourrait quitter sa mère sans périls.
La laide ! On ne la voit jamais que par mégarde ;
Même contre un désir sa disgrâce la garde,
Pourquoi les jeunes gens l'accompagneraient-ils ?
Les jeunes gens sont fats, libertins et féroces.
La laide ! Pourquoi faire et qu'en ont-ils besoin ?
Ils la criblent entre eux de quolibets atroces,
Et c'est un collégien que, dans les bals de noces,
On charge de tirer cette enfant de son coin.
Pauvre fille ! Elle apprend que jeune elle est sans âge ;
Sœur des belles et née avec les mêmes vœux,
Elle a pour ennemi de son cœur son visage,
Et, tout au plus, parmi les compliments d'usage,
Un bon vieillard lui dit qu'elle a de beaux cheveux.*
Et tandis que Laure buvait des romans délavés à l'eau de source afin de réhydrater son cœur vidé par les larmes, Iris noyait sa laideur dans l'indifférence « géné-réalisée ».
(* : extrait de La laide)