Le songe d’une nuit d’été : Shakespeare en guest dans un épisode de Scoubidou…

Publié le 02 avril 2013 par Cbth @CBTHblog

Je ne le cache pas, ma première motivation était Lorànt Deutsch. Drôle, intelligent, brillant, qu’attend-il pour m’épouser ? Oui bon, une femme et un enfant sont de bonnes raisons de refuser apparemment! J’arrête là mon éloge de midinette et je passe à la suite. Je ne suis pas futile (enfin pas tout le temps) au point de m’arrêter à cette seule bonne raison : on ajoute à cela que je commence seulement à découvrir Shakespeare et que j’apprécie, surtout pour le côté comédie. Une transposition contemporaine a aussi de quoi me faire plaisir. Et puis, j’avoue avoir aimé Clara Sheller, et qu’une Mélanie Doutey au regard séducteur sur une affiche m’interpelle.

Me voilà donc devant le théâtre de la porte Saint-Martin, à la tombée de la nuit, avec une enseigne magnifique, mettant en valeur le fronton de ce théâtre où je suis si souvent venue ado. Molière hantait ses murs à l’époque et aiguisait mon goût pour le jeu. Sur les conseils d’une amie, j’ai lu la pièce la semaine d’avant : beaucoup de personnages, beaucoup d’imbroglios amoureux, comme souvent chez le dramaturge anglais. Et bien m’en a pris. Je voulais me libérer du texte pour goûter pleinement la mise en scène.

Comme pour le ciné, petite accroche, histoire de vous donner envie : Hyppolyte et Thésée s’apprêtent à convoler en juste Noces. Thésée, duc d’Athènes régit un certain nombre d’affaires et se retrouve confronter à trois jeunes gens, pris dans un triangle amoureux : Hermia et Lysandre s’aiment, mais le père d’Hermia l’a promise à Demetrius. La loi est claire : Hermia doit épouser Demetrius ou mourir, voire pire, finir au couvent . La nuit suivante, Hermia et Lysandre s’enfuient dans la forêt, poursuivis par Demetrius, informé de cette fuite par Héléna, folle d’amour pour lui…Ca va tout, le monde suit ? Ajoutez à cela une troupe de « bas de plafond » répétant une pièce pour le mariage du duc et de sa belle, une reine des fées autoritaire et charmeuse, un Puck farceur et gaffeur, un soupçon de magie… Il y a un bordel dans cette forêt! Et ce n’est que le début …

L’adaptation dans les années 70 (Comme « Much ado about nothing » monté à Londres dont parlait Mélanie ici) et la mise en scène de Nicolas Briançon servent tout à fait le texte de Shakespeare. Ce songe est sur le fil en permanence entre comédie et tragédie, et c’est ce qui se passe sur scène : on est pris entre rire et émotion. C’est aussi bien tourné en ridicule par la pièce jouée en dernier acte par les artisans d’Athènes : elle est dite courte et fastidieuse, tout comme l’histoire se veut dramatiquement drôle. Ainsi, transportée dans le contemporain, la problématique autour du rapport amoureux est mise en avant. Fin des 60’s, on redéfinit la notion de couple et une liberté nouvelle s’empare des choix des uns et des autres, notamment chez les femmes. Trahison, vengeance, amour pur et fort, malentendu et passion : nous sommes dans un soap ! C’est tragique et comique, comme peuvent l’être nos premiers amours adolescents.

Une troupe pas banal, une pièce dans la pièce…

Il y a aussi la pièce dans la pièce, qui permet de se moquer des codes du théâtre tout en amenant une bouffonnerie qui relâche d’autant plus la tension. Cela se moque des dramaturges de l’époque, Shakespeare y compris, avec un tacle pour le final de Roméo et Juliette. C’est aussi ce qui est en train de se nouer sous nos yeux qui est raillé… Alors, c’est donc un soap réfléchi ! Pas banal, vous me direz .^^

Et puis, on ajoute à cela, la force de l’imaginaire si bien expliquée par la tirade finale de Puck. Ce songe, mêlé de poésie et de magie, nous entraîne dans le royaume des fées. A notre convenance, nous pouvons décider d’y croire ou de tourner la tête. Mais avec un Puck si vif et si enquiquineur, qui voudrait rester pragmatique ?

Une Titiana subjuguée par une tête d’âne..Tout va bien

La troupe de Nicolas Briançon présente pas mal de têtes d’affiche. Alors ai-je payé le prix fort uniquement pour ça ? Au final, non. Oui, ils sont connus. Oui, on met en avant Lorànt Deutsch et Mélanie Doutey dans la promo. Mais une fois sur scène, c’est juste un bonheur de les suivre. Nous avons droit à un couple Hyppolyte/Thésée très people ; un autre, rock’n’roll et sexy en diable avec Titiana et Obéron, tous deux joués par Nicolas Briançon et Mélanie Doutey. Yves Pignot en Bottom est vraiment très bon dans l’outrance et la bouffonnerie. Puck (Lorànt Deutsch) est farceur et agaçant à souhait, pas de fausses notes. Et mon coup de cœur va à Marie-Julie Baup, qui nous compose une Héléna femme-enfant excessive, boudeuse, très ado irritante de haut vol. Bravo !

M-J Baup, impeccable Héléna (Mme Deutsch à la ville, il a bon goût )

Enfin, la réussite de l’adaptation vient aussi du décor totalement déjanté mais extrêmement bien utilisé (des barres de pole dance au milieu de la forêt, un pouf en moumoute rose en guise de lit de la reine des fées…), des costumes sortis d’un épisode de Chapeau melon et bottes de cuir ou de Scoubidou, et des clins d’œil musicaux très judicieux (Aaaah, Barry White et Ennio Morricone ). Pas mal de chorégraphies aussi rythment vraiment bien le tout. Shakespeare se retournerait-il dans sa tombe ? Je ne crois pas. Une fois de plus, je suis sidérée par sa modernité et par son avance sur son temps… Et comme dit Puck, si cela vous a déplu, vous n’aurez qu’à croire qu’il ne s’agissait que d’un songe et passer vite à autre chose…

So 70′s and crazy !


Roseline

Le songe d’une nuit d’été de W. Shakespeare, adaptation et mise en scène de Nicolas Briançon et Pierre-Alain Leleu, avec Nicolas Briançon, Mélanie Doutey, Lorànt Deutsch, Yves Pignot, Davy Sardou, Marie-Julie Baup…

Théâtre de la Porte Saint-Martin A partir du 1er février