Joe Casey et Charlie Adlard récidivent dans le polar avec l’énigmatique et violent Codeflesh.
Après avoir collaboré ensemble sur sur Corps de Pierre, le touche-à-tout plutôt talentueux Joe Casey (passé du super-héros au récit plus personnel, de Marvel à DC en passant par Image) et Charlie Adlard (qui retrouve une occasion d’échapper un peu à Walking Dead), se retrouvent pour un nouveau polar intitulé Codeflesh. Derrière ce nom mystérieux se cache un nouveau justicier au masque blanc avec un simple code barre (pas si éloigné que ça du Rorschach de Watchmen finalement) qui s’est donné pour vocation de traquer les criminels qui ne se présentent jamais aux convocations en justice. Et lorsqu’il ne porte pas le masque, Cameron Daltrey est un simple agent de probation blasé par ce système judiciaire. Cette double vie est donc pour lui difficile à gérer, d’autant plus quand les criminels et son ex-copine le font douter sur ses motivations.
Dans la lignée de ce que peut proposer Ed Brubaker dans Criminal, Joe Casey nous propose donc un pur polar posant une véritable question sur la justice et la culpabilité avec des personnages plus complexes qu’on ne pouvait s’y attendre malgré leur aspect bourrin. Ainsi Cameron développe une véritable addiction pour la violence et l’adrénaline que lui procure cette seconde vie. Il devient alors de plus en plus inhumain et seuls deux personnes dans le monde normal tentent de le raisonner sans vraiment y parvenir. Figure assez pathétique du justicier, nous comprenons ses motivations mais surtout les doutes qui arrivent quand les criminels commencent à se révéler plus humains que lui.
L’auteur évite en effet tout le manichéisme habituel du récit de super-héros (malgré le masque et les vilains aux super-pouvoirs) en nous présentant des criminels qui acceptent leurs erreurs et finissent par les assumer, heureux de leur vie de criminel. Il permettent alors à notre anti-héros de se voir tel qu’il est. Ainsi, un criminel mourant dans ses bras suite à un cancer a un véritable effet sur lui et le remet en question. Le récit devient alors le portrait parfois touchant d’un homme à la dérive.
Toutefois, l’articulation de la narration peut parfois perturber. En effet, les différents chapitres qui composent Codeflesh font tous environ 12 pages, soit la moitié des comics standard. Du coup, on ressent parfois un manque dans les histoires que l’on aurait voulu plus longues pour développer davantage les personnages annexes à Cameron. Un format trop court créer une ambiance et nous immerger complètement dans les enquêtes et qui donnent parfois à Codeflesh un côté plus anecdotique qu’il ne l’est en réalité et c’est bien dommage.
C’est d’autant plus dommage qu’il est agréable de voir le dessinateur Charlie Adlard faire enfin autre chose que sur Walking Dead. Ses dessins plutôt bruts de décoffrages encrés donnent une toute autre dimension à son trait qui se rapproche du Sean Phillips de Criminal ou Incognito mais de manière plus dynamique pour vraiment faire porter les raclées que donne Codeflesh à ses ennemis qu’il doit ramener dans le droit chemin.Si Codeflesh est intéressant à suivre, en particulier pour le parcours chaotique de son héros masqué, ce n’est toutefois pas un polar qui marquera le genre puisque passant après la référence qu’est le duo Brubaker/Phillips.