Un petit billet à la limite de la philo pour cette semaine. J’ai eu l’idée de ce thème suite à une séance de coaching particulièrement intéressante avec une cliente. L’accompagnement sur la (re)découverte de ses valeurs en fut l’origine. Parmi les valeurs souvent citées par mes clients (et par moi-même), la Liberté est celle qui figure au top du classement. Être libre, se sentir libre, libre de penser, libre de s’exprimer, libre de choisir, etc., la Liberté est riche de sens pour beaucoup d’entre nous. Pourtant, en creusant un peu le sujet, je me suis rendu compte que la notion de Liberté n’est pas forcément la plus ajustée dans le domaine du coaching et du développement personnel. Démonstration…
Liberté, Autonomie, Indépendance, il y aurait de quoi en perdre son latin avec des mots dont le sens est aussi proche que les dents du haut le sont de celles du bas (comparaison improbable
). Voici quelques expressions prononcées par mes clients :- “J’ai besoin de plus d’indépendance dans mes relations”
- “Comment puis-je acquérir plus d’autonomie dans mon travail ?”
- “La liberté est ma valeur prioritaire. Je n’aime pas me sentir contraint”
Mais de quoi parle-t-on ?
Commençons donc par définir ces quelques mots. Étant donné que ces notions se retrouvent dans un grand nombre de domaines différents (politique, économique, éducation, philosophie, sociologie, psychologie, etc.), je prends le partie, ici, d’observer ces notions sous un angle proche de la psy et de la philo (disciplines cousines du coaching et du développement personnel). En faisant des recoupements de différents dictionnaires, voici ce qui ressort :
- La liberté se définit comme l’état d’une personne libre, non contrainte ayant la possibilité d’agir selon ses propres choix et sans être liée par un engagement.
- L’indépendance se présente comme l’état d’un système qui ne dépend que de lui-même. Il peut s’agir aussi de l’attitude d’une personne qui accepte difficilement de se conformer à certaines règles morales établies et habitudes sociales.
- L’autonomie, quant à elle, est la faculté d’agir par soi-même en se donnant ses propres règles de conduite, sa propre loi. Eric Berne, le fondateur de l’analyse transactionnelle définit l’autonomie comme “la faculté à parcourir la vie en faisant des choix clairs et en les assumant, à avoir conscience de ses propres besoins et à savoir les satisfaire”.
Liberté et Indépendance sont dans un bateau
Ce que je constate avec ces quelques définitions, c’est que la Liberté et l’Indépendance relèveraient plutôt d’un “état”. Vu de ma fenêtre, je considère un “état” comme une notion binaire; C’est 0 ou 1, blanc ou noir. En gros pour la liberté et l’indépendance, c’est “on l’est” ou “on l’est pas”.
Vous est-il déjà arrivé de vous sentir “un peu” libre ou “beaucoup” libre ? Ce genre de formulation n’a pas vraiment de sens. Peut-être me direz-vous que vous vous sentez “plus libre” qu’un individu en prison. C’est un constat physique, OK. Pour autant, considérez-vous un individu en prison “moins libre” qu’un habitant « libre » d’un pays soumis à un régime totalitaire dont même la liberté de penser est mise à mal ? Pas sûr.
Et dans l’autre sens, notre propre liberté est toute relative si nous considérons toutes les contraintes “obligatoires” qui nous font vivre en société ou nous lient à toutes sortes d’institutions ou organismes (Sécu, URSSAF, Caisses de retraites, impôts, assurances, etc.). De ce point de vue, nous pourrions considérer que les membres d’une tribu d’un peuple racine du fin fond de l’Amazonie seraient “plus libre” que nous. Pas si sûr non plus, si nous considérons les contraintes qui leur sont imposées par les occidentaux, notamment en terme de territoires annexés.
Bref, tous ces exemples (et un peu de lectures qui donnent mal à la tête
) me font penser que la Liberté est une notion complexe qui ne va pas de soit.En ce qui concerne l’indépendance, vous constaterez que ce mot n’existe que par la négation de sa racine. Ainsi, une personne qui recherche l’indépendance sera tout autant focalisée (voire plus) par le fait de “ne pas être” dépendant. L’énergie déployée pour “ne pas être” est considérablement importante et le risque principal à courir après quelque chose que nous ne voulons pas est simplement l’épuisement.
Sur la notion d’indépendance et d’un point de vue développement personnel, il existe quatre stades de maturité (que certains appellent autonomie) :
- Le stade de la dépendance où l’individu présente des difficultés à faire une distinction entre ses propres sentiments/émotions et ceux d’autrui. La tendance est alors à la fusion, à la symbiose avec l’autre, avec toutes les conséquences plutôt négatives que cela engendre.
- Le stade de la contre dépendance qui correspond un peu à la phase rebelle de celui ou celle qui était en phase de dépendance quelque temps plus tôt.. Le comportement n’est pas plus ajusté car souvent synonyme de “ras-le-bol”, “envoi-tout-péter”, “reproches-à-tout-va”, etc.
- Le stade de l’indépendance qui, à priori, est le stade ultime que beaucoup recherche. Pourtant, comme je le disais plus haut, si cette quête d’indépendance devient une fixation, le risque encouru est alors l’épuisement. Épuisement dû en grande partie l’exacerbation d’un individualisme peu épanouissant d’un point de vue relationnel.
- Le stade de l’interdépendance où la personne se place dans une logique de coopération, de réciprocité ou encore de co-création. Elle peut très bien être en symbiose tout en étant consciente de ses limites et de ses choix. Il s’agit du stade le plus proche de ce que je considère comme l’autonomie.
Vers plus d’autonomie
L’autonomie est, pour moi, la notion la plus ajustée vue sous l’angle du coaching et du développement personnel.
Déjà, comme la définition citée plus haut l’indique, elle n’est pas un état mais une faculté, un processus. Aussi, elle est en perpétuelle évolution. Nous pouvons la développer, l’appréhender de différentes manières, revenir en arrière dans certaines circonstances, faire des progrès considérables dans d’autres. Bref, l’autonomie se révèle être une dynamique plus circulaire que linéaire ou binaire.
En coaching, le chemin vers plus d’autonomie s’effectue la plupart du temps sur les deux aspects qui font le fil rouge de ce blog : le rapport à soi et le rapport à l’autre.
- L’autonomie dans le rapport à soi : Il s’agit ici de s’affranchir au mieux de nos fonctionnements limitants. Fonctionnements eux-mêmes engendrés par notre tendance à interpréter la réalité au travers de nos filtres de sélection, de généralisation ou de distorsion. Mieux se connaître, avoir une meilleure conscience de soi, choisir ses réactions en fonction du contexte ou encore se sentir aligné avec ses valeurs permet aussi de cheminer vers plus d’autonomie.
- L’autonomie dans le rapport à l’autre : La qualité relationnelle est la principale conséquence heureuse du chemin vers plus d’autonomie. Vous allez peut-être me demander ce que j’entends par qualité relationnelle ? Et bien il s’agit d’initier, maintenir, entretenir et se positionner dans des relations saines avec les personnes qui font parties de nos différentes sphères de vie. Pouvoir communiquer sur nos besoins, se positionner en dehors de toutes sortes de “jeux” psychologiques, être responsable de nos paroles et actions ou encore partager nos émotions avec authenticité, tout ceci contribue à la qualité relationnelle et sont des marqueurs concrets d’une progression sur le chemin vers plus d’autonomie.
Bon pour le billet court je reviendrai la semaine prochaine
A la semaine prochaine.