Je le jure,
Je sais bien
Que je voyais lorsque j’étais un arbre,
Je me souviens combien m’étonnaient
Les étranges ailes des oiseaux
Qui me passaient devant,
Mais je ne me souviens plus
Si les oiseaux devinaient
Mes yeux.
En vain je cherche maintenant les yeux des arbres.
Je ne les vois peut-être pas
Parce qu’arbre je ne suis plus,
Ou bien sont-ils descendus sur les racines
Dans la terre,
Ou peut-être,
Qui sait,
Ce ne fut qu’une illusion
Et les arbres sont aveugles depuis toujours…
Mais alors pourquoi donc
Lorsque je passe tout près d’eux
Je les sens
Me suivre du regard,
Un regard bien connu,
Pourquoi, lorsqu’ils frémissent et clignent
De leurs milliers de paupières,
J’ai envie de crier –
Qu’avez-vous vu?…
***
Ana Blandiana (née en 1942) – Octobre, Novembre, Décembre (Octombrie, noiembrie, decembrie, 1972) – Traduit du roumain par Luiza Palanciuc