Pour son premier numéro, Le Pont, revue publiée par Les Joueurs d’Astres Editions, invite ses lecteurs à approcher le grand voyage vers l’Iran, un Iran des mots, des livres, du passé et du présent. Xavier Philiponet fait le premier pas : un voyage à l’âge de 20 ans, avec une caravane et des amis, puis sa rencontre avec la poésie d’Omar Khayyâm, Hafez, Gibran, Rûmi. Emma Peiambari fait le voyage dans l’autre sens : venue d’Iran, elle raconte la rencontre avec l’étranger, ce « miroir inversé », notant l’étrange de l’autre qu’on découvre, et creusant les mots des dictionnaires.
Parmi les articles qui suivent, il y a cette approche de l’autre dans les manuels scolaires iraniens, une étude remarquable et rigoureuse de Saeed Paivandi, et le « deuil sans fond de l’exilé iranien », de Nader Vahabi, analysant le paradoxe entre distance et proximité.
Parmi les nouvelles contenues dans cette revue, j’ai particulièrement apprécié celle de Jacques Thomassaint, « La roulotte », où s’articule l’idée d’une île protégée du continent et qu’un pont va y relier : rencontres, méfiance, attirance, et enfin la liberté qui était impossible arrive… Il y a aussi « Bostanabad », de Foad Saberan, qui pourrait trouver sa place parmi les villes invisibles dont Italo Calvino a fait un livre.
Et il y a le dossier consacré à Omar Khayyâm, mathématicien, poète, du XIe siècle, dont les auteurs invités dans la revue disent plus la complexité que le simple goût des plaisirs qu’on trouve à son invitation répétée à boire du vin. Une approche systématique de Hassan Makaremi permet d’accéder aux différentes strates des Quatrains. Le récit d’un songe, tiré d’un livre de Xavier Philiponet, permet d’approfondir la pensée du poète à travers trois questions : « L’immoralité est-elle cruciale à tout devenir ? », « L’intuition est-elle le mariage de la raison et du divin ? », « L’innocence est-elle, comme la nature, vouée à puiser en l’instant sa perle féconde, à nourrir cette dernière, à la ciseler et ainsi muter ? ».