Difficile pour moi d'écrire à nouveau après Body Kouros. Cet article avait un côté "sacré", et le fait de l'avoir écrit m'a, pendant un temps, donné l'impression d'un vide.
Pourtant je n'ai jamais autant senti : en parfumeries, à Grasse, en échantillonnage ...
Mais rien ne me faisait vraiment envie, même les marques que j'affectionnais me semblaient tombées dans la fadeur : Chloé tout d'abord, avec son See insipide à mon nez, puis Hermès, avec un Jour un peu trop dépouillé pour moi.
J'allais justement partager ces frustrations, quand soudain je repensais à un jus Hermès dont j'avais assez peu parlé : 24 Faubourg.
Cependant c'est un jus que j'affectionne, et qui possède de vrais traits communs avec les grands féminins d'Hermès comme Calèche. Mais je ne saurais expliquer pourquoi jusqu'à présent, l'envie d'en parler ne s'était pas manifestée.
24 est un Hermès discret, qui rend hommage aux valeurs et aux racines de la marque.
Qualitatif dans sa construction comme dans son flaconnage, il mériterait davantage de mise en avant par la marque.
Mais j'admets à regret qu'il va un peu à contre courant des tendances actuelles de patchoufruit à tout va ou de jus délavés.
En effet, quand j'ai découvert par hasard 24 Faubourg, c'était en 2008. Pourtant il a été lancé en 1995, c'est dire s'il est peu connu. J'avais obtenu via ma fonction d'alors, un sac entier d'échantillons divers et variés, allant de flankers (déjà eux) sans trop d'intérêt à de petits joyaux de la parfumerie.
En partageant mon expérience olfactive avec ma mère, elle tomba sur 24 Faubourg, que je n'avais pas encore senti. Elle le vaporisa sur son poignet et me dit qu'il était "tellement class" celui là !
Curieuse, j'ai fait l'expérience et j'ai pu constater qu'en effet, c'était un très beau parfum, et totalement dans la veine de ce que ma mère portait à l'époque.J'adorais l'odeur mais lui donnais l'échantillon car elle l'aimait beaucoup.
Puis 24 resta dans un coin de ma tête, jusqu'à ce jour de début mars de cette année.
Je revenais d'un voyage professionnel sans fin et terminais mon trajet via Paris.
Alors que j'attendais mon TGV, j'en profitais pour aller me parfumer et accessoirement sentir un peu chez une enseigne que je ne porte pas beaucoup dans mon coeur.
Dans cette enseigne, il n'y a visiblement (sauf rares exceptions) que 2 accueils possibles. Soit on vous saute dessus à peine arrivée pour vous vendre à tout prix la dernière daube L'oréalienne car vous êtes "dans la cible". Soit à l'extrême on vous laisse en plan pendant quasiment une heure, ce qui laisse l'avantage à nous autres perfumistas, de pouvoir sentir librement.
Ce fut le deuxième cas de figure qui se présenta.
Je ne savais absolument pas quoi porter pour ce trajet en train, et ils n'avaient pas Prada, je partis donc à la recherche de mon compagnon de voyage.
Je faillis me laisser tenter par le 19 de Chanel mais finalement, optais pour Un jardin sur le Nil et sa fraîcheur musquée confortable. Simple mais efficace.
Avant de retourner à mon tableau d'affichage, je jetais un dernier coup d'oeil au rayonnage, et soudain, je vis Calèche et à son côté, 24 Faubourg.
Je saisis les flacons et vaporisais sur une touche les deux parfums que j'aimais tant.
J'ai ainsi pris le temps de comprendre le mystère de 24, ce chypré au charme suranné mais pourtant tellement attachant.
En tête, 24 nous accroche avec ses notes fraîches. La bergamote apporte son côté chaleureux et aguicheur, l'orange ensoleille le tout. Puis rapidement, nous sommes catapultés dans un coeur floral jasminé et solaire aux notes de néroli, tubéreuse et une pointe d'iris classieux à souhait (si vous me lisez régulièrement, vous savez l'intérêt que j'ai pour cette facette). Un instant, je crois sentir une note familière d'Oscar d'Oscar de la Renta, un très joli jus soit dit en passant.
Il me semble deviner une touche d'aldéhydes bien dosés, qui parachève ce sentiment d'élégance extrême.
Ce sillage profondément féminin a achevé de me reconquérir.
Ravie, je mis les touches dans mon sac de livres et repartis vers le tableau des départs.
Rentrée à la maison, exténuée, je m'émerveillais de nouveau de ces deux beaux parfums.
24 était définitivement un chypré, cela se sentait déjà au démarrage, mais après quelques heures cela s'accentuait évidemment : patchouli mousseux, santal, un peu d'ambre et de vanille conféraient à ce jus cet aspect fatal que j'apprécie dans cette famille olfactive.
Je décidais alors qu'il me fallait l'avoir, le porter, ce que je fis sans trop tarder. Et je ne le regrette absolument pas : l'orangé de l'étui, une des couleurs fétiches d'Hermès, est bien retranscrit dans ce jus à l'écriture intemporelle et bigrement féminine. La facette fleurs blanches et solaire bien assumée l'ancre dans un territoire assez universel et le rend confortable.
Mais quand on voit la note qu'il a sur des sites comme Osmoz, on comprend pourquoi il est si peu représenté en boutique : mesdames le trouvent trop "mémé". Pourtant pour moi, entre le Chanel 5 et 24 Faubourg, le ton est le même, emblématique de la parfumerie française. Qui sait, si cela continue ainsi, un jour le 5 cessera d'être dans le Top 10 et nous devrons nous contenter de parfums qui ne valent pas le prix. Je ne le souhaite pas, mais j'ai un peu peur.
Je crois savoir que 24 Faubourg a toujours ses afficionadas, pourvu que cela dure.
Sa disparition serait bien dommage ...
A tester sans tarder si vous reconnaissez dans ces valeurs ! ;-)