Un petit livre d’une soixantaine de pages, du genre de ceux que l’on achète pour passer un bon moment tromper son impatience parce que l’attente oisive vous est impensable, vous avez tellement de belles choses à découvrir. Vous avez pris ce qui n’était encore qu’un objet entre vos mains, l’avez ouvert à la première page, l’avez parcourue d’un œil distrait, qui au bout de quelques mots s’y est vu happé.
Et j’ai plongé. Plongé dans cette écriture ciselée, sans emphase, tout en délicatesse. Plongé dans ces narrations de faits ordinaires, de ces suicides anonymes, ces désespoirs dont on ne connaitra jamais la, les causes, de ces corps pulvérisés, de ces accidents de personne, personne disparue à jamais, aux restes recouverts de sciure, personne dont il ne reste rien, rien d’autre que le souvenir de la gêne occasionnée, de l’indifférence générale. Et ce mépris, cette colère qui la poursuit jusque dans la mort.
Et l’on s’interroge sur le suicide, ce meurtre par procuration, cette négation de soi-même, ce désir d’anéantissement, ce besoin d’effacement. Et les questions, les pourquoi une telle violence, les questions que l’on ose se poser de peur de trouver la réponse au fond de soi, tapie au cœur de l’antre de ses démons.
Alors que j’ai refermé le livre, que j’en avais terminé la lecture, j’ai entendu la pluie qui s’écrasait sur mon toit, étrange hommage aux désespoirs déchiquetés sur des voies ferrées.
Suite à un incident grave de voyageur
Éric Fottorino
Gallimard
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