AMERICANA NORDIQUE – La biographie de The DeSoto Caucus est surprenante. C’est celle de trois Danois pures souches qui ont décidé de passer dix ans dans le sud-ouest américain (l’Arizona) pour étudier la musique traditionnelle du pays. Ce faisant, les trois hommes ont rejoint le contingent d’un bon professeur en la matière : Howe Gelb des Giant Sand. De tournées en tournées dans le vaste continent, les Danois ont commencé alors à composer leurs propres morceaux pour finalement éditer un premier album. Depuis, le groupe a progressé et, riche de son expérience, il nous offre aujourd’hui un deuxième opus auquel se joint un nouveau membre. Le combo qui passe du chaud au froid constamment réussit-il cependant à combiner son héritage nordique et américain sans devenir schizophrène ?
Musicalement, The DeSoto Caucus se situe ainsi dans un style connu mais qu’il traite avec brio et originalité. Chacun de ses titres nous raconte une histoire où l’on est à la fois plongé dans un monde désertique et désemparé tout en contemplant un ciel mâtiné d’aurores boréales. Cet album est un peu comme le lieu d’une impossibilité réalisée: celui où le désert d’Arizona rejoindrait le ciel danois. Avec pour dénominateur commun, peut être, un feu de camp, que ce soit dans la neige ou le sable.
De facto, les chansons du combo se prêtent volontiers à être écoutées autour d’un feu. Elles sont à la fois tristes et mélancoliques, elles décrivent des échappées sauvages et désespérées façon rodéo. Elles sont pleines de nostalgie, de regrets et d’un peu d’amertume. Chaleureuses aussi. L’ambiance se veut intimiste et chaude comme après une tempête de neige ; quand des compagnons de routes s’arrêtent en chemin pour souffler, le cœur plein de vague à l’âme. Ainsi entre ces deux mondes, cette intimité jaillissant de l’isolement au milieu de nul part et qui constitue le point d’équilibre et de rencontre des deux univers.
Pour traduire cette dichotomie, le groupe recourt à une formule rythmique simple en apparence mais extrêmement complexe en réalité. Comme fondement à sa musique, les scandinaves ont choisi de s’en tenir à l’essentiel, à la sobriété, mais de manière subtile. Il s’agit pour eux de dire beaucoup en peu de mots. L’effet est renversant : en réduisant la batterie à son plus simple appareil, mais en la laissant exprimer sa complexité, le groupe obtient un groove puissant tout en légèreté. Le tempo est en effet presque toujours très lent mais la rythmique extrêmement accrocheuse.
En s’appuyant sur cette base solide, le quatuor peut se permettre ainsi de donner à ses chansons tant ce côté folk nordique et intimiste que le côté americana plus dynamique. Il n’a plus qu’à ajouter une guitare relevée d’une « disto » très propre ainsi qu’une guitare sèche qui se contentent d’égrainer quelques accords répétitifs. Cette combinaison capture l’auditeur et constitue un mélange épatant. De surcroît s’ajoutent encore en toile de fond, de l’orgue, de la basse, du xylophone et du vibraphone qui participent à ce mixage réussi du chaud et du froid. On est véritablement emporté. Les titres, quoique répétitifs dans leur structure, défilent les uns après les autres sans que l’on s’en rende compte.
The DeSoto Caucus réussit donc l’exploit de faire le grand écart entre deux continents pour nous en offrir le meilleur qu’il a choisi selon ses goûts. OFFRAMP RODEO est un de ces albums que l’on écoute avec plaisir au début puis avec passion. Chacun des titres se livre progressivement à nous sans que l’on sache pourquoi jusqu’à ce qu’enfin un univers métissé se révèle pour notre plus grand bonheur. Un disque qui n’a l’air de rien mais qui est excellent en vérité par sa maîtrise, sa sensibilité peu commune et sa sobriété. A vraiment découvrir.