Il est des livres que l’on prête et qui se perdent, mais que jamais l’on oublie, car ils nous poursuivent bien au delà de l’instant où on les referme.
Depuis quelques années déjà j’appréciais l’écriture limpide et poétique de Françoise Lefèvre, lorsque j’ai découvert « Le petit prince cannibale ». Elle racontait son amour et son combat pour son enfant dernier né diagnostiqué autiste, cet enfant soufrant, un combat qu’ils vont mener à deux, envers et contre tous, envers et contre l’incompréhension et les critiques, envers et contre les regards suspicieux et méprisants.
Et puis cet enfant cannibale phagocyteur d’énergie, auquel il faut redonner vie, mettre au monde une seconde fois, contre l’avis des psy et des médecins qui le disent perdus, bon pour l’asile, cet enfant qui demande tant sans même prononcer un mot, cet enfant qui crie, refuse, qui vole les instants précieux et vitaux à Françoise l’écrivain. Françoise qui a entrepris la narration de la vie de Blanche la cantatrice. Françoise qui entremêle le réel et la fiction pour ne pas se perdre et se ressourcer.
Mère d’un jeune enfant moi-même à l’époque de la lecture de ce livre, je ne pouvais qu’être profondément troublée . Longtemps je me suis demandé ce qu’il était advenu de cet enfant, Sylvestre comme Françoise le nommait.
Ce soir j’ai allumé la télévision. Un bel homme parlait de son enfance autiste, de ses questionnements sans fins auxquels il n’a pas trouvé de réponse. Cet homme au regard clair et profond, au sourire charmeur, au langage fluide, j’ai su sans doute aucun que c’était lui, le fils de Françoise, lui qui parlait sans fausse pudeur de l’amour salvateur de sa mère. Lui sur lequel pour lequel elle avait écrit en le nommant Sylvestre, lui qu’à sa demande a rebaptisé et ainsi extirpé de sa gangue de souffrance, lui l’artiste, le créateur, le père en devenir, lui qui a son tour a pris la plume pour témoigner, un livre hommage, un écho flamboyant à celui de sa mère « l’empereur c’est moi »
Le petit prince cannibale
Françoise Lefèvre
Actes Sud
L’Empereur c’est moi
Hugo Horiot
L’Iconoclaste
Classé dans:humeur