Aujourd’hui j’avais envie de remettre au gout du jour un article – écrit il y a un peu plus d’un an maintenant chez mes anciens collègues de Total Manga – sur Peace Maker, un seinen chez Glénat sur le thème du western. Car cette série ne cesse de me plaire, de tome en tome.
Le western, tout le monde connait. Il faut dire que les films ne manquent pas : Et pour quelques dollars de plus, Impitoyable, ou les plus récents True Grit ou Django. Le cinéma japonais n’est pas en reste (Sukiyaki Western Django, Le bon, La brute et le cinglé,…) mais les mangas ou animes traitant du sujet ne sont pas légions : Trigun, Désert Punk, Grenadier, Belle Star.
Ces quelques œuvres, qui commencent à dater, s’approprient souvent les codes ou des outils du western pour mieux le transformer, en space opéra comme Cowboy Bebop par exemple. C’est plutôt un retour aux sources qu’entreprend Ryouji Minagawa (ARMS, Spriggan) avec Peace Maker, un seinen qui fait parler la poudre depuis septembre 2011 et dont le tome 9 vient de sortir. Au Japon il est toujours en cours avec 10 volumes et il est publié dans les pages du magazine Ultra Jump (Bastard !!, Gunnm Last Order) de la Shueisha.
Duels au colt et loi du plus fort, épopées sauvages matinées de steampunk, destins croisés pour des cowboys pas ordinaires, voilà ce qui vous attend si vous vous décidez à chausser les santiags. Vous voulez en savoir plus ? Ok pied tendre, el chocobo-gringo profite de la sortie du volume neuf pour vous inviter au saloon.
Amateurs du lait de chèvre s’abstenir…
It’s a good day to die
Dans l’ouest, tout le monde connait le légendaire Peace Emerson et sa botte secrète : le Spot Burst, un tir multiple qui ne connait pas d’égal. À son fils, Hope, il lègue cette technique et un Colt au nom controversé : le Peacemaker (le Pacificateur en VF). Avec un tel héritage, Hope Emerson est devenu, malgré lui, l’un des gunners les plus redoutés du Far West. Il ne veut pourtant de mal à personne et refuse d’employer son talent pour obtenir la gloire ou l’argent, surtout au prix de la vie de ses adversaires.
Mais rien n’y fait, sa renommée est déjà faite et tout le monde le recherche. Certains comme Beat Gabriel espèrent bien le vaincre pour prouver leur valeur, alors que d’autre, à l’image de Kyle, espère profiter de son potentiel pour faire fortune. Cependant Hope, Beat et Kyle vont se souder autour de Nicola, une enfant retrouvée miraculeusement indemne après le massacre d’un village par une bande de mercenaires, les Crimson Executers. Ces tueurs sanguinaires, mandatés par le millionnaire Philip Crimson, s’intéressent de très près à cette orpheline et sont prêt à tout pour la récupérer. Mais qui est-elle et quel est le terrible secret qui pèse sur ses jeunes épaules ? Et pourquoi la meilleure gâchette des Crimson Executers porte lui aussi le nom Emerson ?
Le manga, ce nouveau western…
Avec des débuts en 2007 au Japon, Peace Maker cherche donc à adapter le mythe du western à travers un manga. On y trouve – sans surprise mais avec plaisir – tout ce qui fait le charme du grand ouest : ses villes poussiéreuses et leurs chevaux, ses pistolets à la ceinture et ses gunfights où seul les plus rapides survivent. Néanmoins Ryouji Minagawa ne se contente pas d’un copier-coller et propose une version personnelle, dynamique et moderne.
L’adaptation se fait d’abord sur le plan visuel. Le western est pour tout le monde synonyme de cinéma, et le mangaka en a certainement subit l’influence. Tel un storyboard, les planches des Peace Maker se composent de différents plans tous disposées linéairement, tranchant avec des cases aux formes multiples qui sont l’une des marques de fabrique de la bande dessinée japonaise. Plus calqué sur le modèle cinématographique, Minagawa alterne les plans larges qui fourmillent de détail et les plus serrés qui cadre le regard intense des cowboys, sur le point de dégainer. On constate également un certain goût et un certain talent pour les contre-plongées et les perspectives déformées qui permettent d’intensifier l’impression de vitesse.
Pour en finir avec le coup de crayon : on ne retient rien de particulier du chara-design, classique, mais on apprécie le graphisme avec des noirs très denses et des dégradés très bien utilisés. Le tout est bien mis en valeur par le papier légèrement granuleux de l’édition Glénat, de qualité.
Il dépoussière le Far West de la fin du 19ème avec quelques touches de steampunk qui cadrent parfaitement dans le décor, puis il choisit de dépasser les frontières américaines dès le début du second tome, pour un voyage mouvementé qui va nous emmener dans un Moyen Orient imaginaire. La transposition des cowboys au beau milieu du désert peut paraître étrange mais des mangas comme Désert Punk ont d’ores et déjà prouvé que le western n’est pas obligatoirement une histoire américaine. Cette richesse des décors est aussi une bonne occasion pour profiter d’une grande variété de duels, un autre point fort du titre.
En effet, chaque combat est différent de son prédécesseur. Tout commence par des faces à faces classiques, agrémentés de différentes techniques et astuces pour faire le mouche le premier, puis on passe ensuite à la vitesse supérieure : maisonnette assiégée par une gatling, bateau de croisière où les colts affrontent les bombes, battle royale en pleine nuit dans un village fantôme, évasion de prison ou attaque d’une place forte… L’imagination débordante de Minagawa est canalisée par un vrai souci du détail qui engendrent des décors digne d’un film à budget, où chaque lieu possède une ambiance et une âme propre. Le tout garantit aux combats une crédibilité solide… Et au lecteur une immersion très agréable.
Une histoire sans défaut alors ? Presque… Parlons un peu de notre héros.
I’m a pooooor lonesome cowboy ♫
Peace Maker est classé dans la catégorie seinen. De part son intrigue complexe et son univers impitoyable et adulte, l’appellation se tient. De plus, entre les massacres de villages par les Crimson Executers et les duels à tout va, le parcours de Hope et de ses compagnons est jonché de cadavres.
Mais pendant que tous les cowboys envoient leurs ennemis ad patres, le gentil cowboy ne veut de mal à personne. Notre héros est dans la lignée de tous les héros – loosers du manga : pauvre et pitoyable en surface avec un talent incroyable mais dissimulé, qui fait de lui le meilleur quand les circonstances l’exigent. Il refuse chaque duel mais s’y retrouve constamment acculé, pour venger un compagnon blessé ou secourir une jeune fille prisonnière. Et devinez quoi ? Lorsqu’on s’en prend à ses amis, Hope voit rouge, quasi-littéralement, et révèle alors tout son talent. Mais là encore il se contente de blesser ses adversaires, à une ou deux exceptions près. Un peu léger dans ce monde féroce.
Hope est donc beaucoup trop prévisible, surtout pour un seinen. Il manque d’aspérité ou de présence… En un mot de charisme. On peut difficilement lui reprocher d’avoir des principes, bien entendu, mais ces derniers devraient lui permettre de tracer sa route plutôt que de se laisser balloter par les évènements…
Pendant toute la première partie de l’histoire Hope se fait ainsi voler la vedette par des personnages secondaires beaucoup plus inspirés, comme Beat, qui brille de mille feu Du côté des ennemis, on alterne avec plaisir entre les tueurs vils, lâches et sanguinaires et d’autres moins manichéens, fidèles à des valeurs mais qui se remettent en question dans la défaite. Les seconds rôles compensent finalement le premier mais au cours du volume 7 l’histoire prend alors un tournant inattendu…
En effet, malgré les apparences, Peace Maker ne va pas se conclure de si tôt. Cet opus fait pourtant monter la tension à son maximum. Jamais les auras des duellistes n’ont été aussi imposantes, les regards aussi intenses, les issus aussi… Tragiques. Plutôt que de tomber dans la facilité et de proposer une happy end rafistolée, Ryouji Minagawa enrichit son histoire, créé un background solide pour la suite et referme, d’une page noire, son premier arc. C’est un rideau maculé de sang qui tombe avant d’entamer une ellipse de 5 ans où ceux qui ont survécu reviendront transformés.
Peace Maker confirme donc, avec le temps, son statut d’excellent seinen et tête d’affiche du western manga. Il faut dire que la concurrence est pour l’instant maigre dans ce domaine, même si l’arrivée en juillet de Green Blood aux éditions Ki-oon s’annonce prometteuse. Mais maintenant que Peace Maker est bien installé dans la place, il a toutes les armes pour ce nouveau duel !
Fiche descriptive
Auteurs : Ryouji Minagawa
Date de parution : 21 septembre 2011
Éditeurs fr/jp : Glénat / Shueisha
Nombre de pages : 210
Prix de vente : 7.60€
Nombre de volumes : 9/10 (en cours)
PEACE MAKER © 2007 by Ryoji Minagawa / SHUEISHA Inc.
Plus d’informations sur le site de Glénat, où vous attend notamment un trailer