J'aime bien ma maman. Elle a ce don pour réussir à la fois à jouer la mère complètement normale ("Et les assiettes, elles s'installent toutes seules dans le lave-vaisselle ?") et l'amie gênante par excellence ("Coucou, ça va ? T'as vu, il fait beau ! Et sinon, t'as mis une capote avec ton copain ?"). Voilà. C'est tout ma mère. Parfois, elle oublie que j'ai vingt ans. Parfois, elle ne se rend pas compte qu'il y a des choses qui ne se disent pas, comme ça, en plein milieu d'une phrase, sans prévenir.
La dernière en date concernait le fait de "coucher tôt" avec mon copain. Non, je n'ai pas foutu le sujet sur le tapis, ma mère y arrive très bien toute seule, ne vous inquiétez pas pour elle. Le simple fait de me voir me préparer pour un week-end avec mon nouvel amoureux lui a donné l'inspiration nécessaire à sa remarque gênante. Et alors que je regardais l'heure, prête à y aller et à passer deux belles journées magiques, elle a décidé que ça serait bien, une petite leçon de morale à la "Ah, moi, de mon temps...".
L'objet du crime ?
Comme ça, sans crier gare : "Vous couchez quand même vachement tôt aujourd'hui". Plusieurs réponses me sont passées par la tête :
"Non, pitié, ne va pas plus loin, tu n'es que ma mère, on ne peut pas faire ça."
"J'ai l'entrecuisse qui crie famine et on est en 2013... What else ?"
"Heu, QUOIIII ?"
J'ai cligné des yeux quelques secondes, me demandant si elle avait bien dit ce que je l'avais entendu dire (oui, elle l'avait dit). Non pas que je ne sois pas d'accord. Oui, on couche tôt. Ce qui me choque, c'est qu'on en parle. Bah, la vie sexuelle des gens, leur choix de vie, concernent-ils les autres ? L'autre, en l'occurence, c'est ma mère, et bien sûr que ma vie la concerne (je me permets même de la lui raconter, tiens). Mais mon vagin, c'est mon vagin, merde. Pas le sien, pas celui de la voisine ni de ma grande tante. Le mien, mon mien à moi. Et j'en fais ce que je veux. A partir du moment où on sait que les MST existent et que les spermatozoides sont susceptibles de planter une graine en nous, il n'y a plus besoin d'en parler, on est avertis et c'est à nous de gérer. Ma mère n'est pas là pour aller mettre une capote à mon copain, ni pour me tenir par la main pendant que je prends la pilule, quand même, ça serait vachement glauque. Je considère que c'est pareil pour ce sujet : elle n'est pas là pour tenir un calendrier sur ma vie amoureuse et juger de la trop grande précocité de nos relations sexuelles (surtout qu'elles n'ont même pas lieu sous son toît)(surtout que je ne suis plus une pucelle débutante, maintenant)(surtout que c'est gênant, tout simplement).
Elle ne connait pas vraiment ma situation avec mon copain. Mon copain habite loin. Mon copain a sa vie. Je vais me construire la mienne aussi. On s'aime, mais les promesses, finalement, ce n'est pas pour tout de suite. Le train, ça coûte cher. Tout ça implique donc que nous ne nous verrons pas tous les samedis soirs pour aller se bouffer un burger au Buffalo. Ce n'est pas facile à vivre. Et, la chose la plus importante : nous avons envie l'un de l'autre.
Il ne me force pas. Je ne le force pas. On en a envie. Pourquoi on attendrait ? Pourquoi se priver de quelque chose d'agréable, sous prétexte que c'est pas beau de coucher à seulement un mois de relation ?
C'est beau parce qu'on s'aime. C'est beau parce qu'on est consentants, et adultes.
La seule chose que je lui ai répondu, un peu par provocation je l'avoue, c'est : "Avec Benoît (mon premier et ex-copain), j'ai attendu moins longtemps et je me suis forcée. Là, ce n'est pas le cas, alors nous n'avons pas à en parler".
Elle m'a racontée que mon père, il avait pataugé six mois pour la choper. Même si on sait tous que l'homme est un chasseur, qu'il faut le balader un peu si on veut qu'il s'accroche à nous comme une petite moule à son rocher (quoi que ça reste à prouver, moi-même qui suis amoureuse, je me fous des gifles dès que je recommence à me comporter comme un toutou complètement dévoué, alors je ne vois pas pourquoi l'homme aurait moins de dignité que moi), il n'empêche que TROP attendre pour faire plaisir à l'autre, ça n'est en rien excitant. Si je suis avec un homme six mois et qu'il n'a toujours pas décidé à faire des folies de son corps avec moi, plutôt que de me rendre combattive et conquérante, ça m'énervera et j'en viendrai à me demander ce que je fais là.
Alors, attention. ATTENTION. Je ne dis pas que si l'on attend, c'est nul. Personnellement, j'aurais bien voulu attendre, pour ma première fois. Mon ex-copain a décidé que ça ne se passerait pas comme ça, et bêtasse comme j'étais, j'ai ouvert les cuisses et je me suis laissée faire, pétrifiée à l'idée de le perdre. Une première expérience qui n'a pas été nulle en soi, mais juste non désirée. Là était tout le problème. Ce n'était pas désiré, et qu'on doive endurer un ou six mois d'attente, je trouve que c'est tout ce qui prime. Le vouloir.
Là, avec mon copain actuel, flûte crotte, je le voulais, genre à mort. C'est à dire que les relations à distance ont cette tendance toute particulière à nous faire partir, pour un rien, dans des conversations parfois délirantes sexuellement, comme des drogués en manque. Il n'était pas rare, en rentrant du travail tard le soir après avoir échangé quelques SMS avec mon copain, que je me jette dans mon lit et que je ressente le besoin de... comment dire... faire ce-dont-on-ne-doit-pas-parler-sinon-c'est-trop-vulgaire-attends.
Alors, cette manie qu'ont les gens de se juger sur le délai sexuel en vigueur dans le couple, ça commence à m'agaçer. On n'est pas des cochons, quand même. On a juste envie de se servir de ce que la nature nous a donné, qu'est-ce qu'on y peut au fond ? C'est la faute à la nature, et ces foutus instincts primitifs qui dirigent nos vies. Quand on a envie de faire pipi, on fait pipi. Si on a envie de faire l'amour avec son compagnon, on fait l'amour avec son compagnon. C'est plus simple que ça en a l'air, hein ?
Suis-je une fille facile, parce qu'à peine six heures après avoir rencontré mon petit-ami pour la première fois, je faisais l'amour avec lui ? Suis-je sale et pas belle ? Devrais-je avoir honte ? Est-ce que je le regrette ? Est-ce que c'est mal ?
Non pour tout.
Alors si j'en ai envie, je dis oui. Et pis c'est tout !