La Slovénie est peut-être le futur Chypre, mais il ne faut pas compter sur les Slovènes pour se laisser faire, ils sont déjà prêts. La «vstaja», une insurrection citoyenne qui grandit en dehors des partis depuis novembre 2012 attend de pied ferme les costard-cravates de la Troïka et autres rapaces de mauvaise augure.
A Maribor par exemple, la deuxième ville du pays, les gens se sont mobilisés pour protester contre la privatisation du système de perception des amendes pour excès de vitesse, après celles des transports en commun, de la compagnie de retraitement des eaux, ainsi que des services de crémation des personnes décédées. Le 17 mars, c’est le candidat de l’opposition, Andrej Fištravec qui représentait les insurgés qui a été élu dès le premier tour avec 52,5% des voix contre toute attente.
« « Le pouvoir au peuple », « fini les spoliations », « Bruxelles, sans la dictature du capital »… Les slogans résonnent sous une pluie fine qui s’abat sur Ljubljana, achevant de faire disparaître les dernières traces de neige de l’hiver. Pas de quoi décourager les quelques milliers de personnes qui, samedi 9 mars, ont battu le pavé dans le centre de la capitale slovène. « Je suis venu pour soutenir de nouvelles idées : plus d’écologie, moins de corruption et des élections anticipées », explique Andrej, la trentaine.
Depuis le mois de novembre dernier, les manifestations s’enchaînent dans ce petit pays indépendant depuis 1991, après la dislocation de la Yougoslavie. Aucun parti politique, aucun syndicat n’est représenté dans ces rassemblements spontanés, relayés sur les réseaux sociaux. « Les Slovènes sont les premiers surpris par cette ‘insurrection citoyenne’ », assure le journaliste Borut Mekina. « Mais ils ont désormais pris conscience qu’ils pouvaient changer la société. »
Un «bon élève» rattrapé par la crise
Membre de l’Union européenne depuis 2004, la Slovénie a souvent fait figure de « bon élève » de l’Europe, affichant, tout long des années 1990, des taux de croissance avantageux. Mais la crise économique de 2008 a plongé le pays dans la récession, atteignant – 2,2 % en 2012. Le taux de chômage s’est envolé, jusqu’à un taux de 12% de la population active, surtout chez les jeunes actifs.
« Les grandes entreprises slovènes n’ont jamais fait l’effort d’investir dans l’innovation technologique, seule solution pour résister à la concurrence internationale », soutient Goran Lukič, secrétaire général de l’Association des syndicats libres de Slovénie. « Le gouvernement a taillé dans les budgets de l’éducation, si bien que la chute de l’économie slovène est loin d’être terminée. »
Austérité et corruption
« La classe politique au pouvoir depuis 20 ans est totalement discréditée », martèle Damjan Mandelc, professeur de sociologie à l’université de Ljubljana. « 40% de l’économie du pays est encore dirigée par l’Etat. A chaque alternance, les politiciens se contentent de placer leurs proches à la tête des grands groupes du pays. »En moins d’un an, le Premier ministre Janez Janša a en effet mené des politiques d’austérité dévastatrices : diminution de 10% du salaire des fonctionnaires, coupes dans le budget des hôpitaux, des crèches et des universités, etc. Des réformes qui ont du mal à passer, alors même que Janez Janša, et le maire de Ljubljana, Zoran Janković, principale figure de l’opposition, sont soupçonnés d’être impliqués dans de sombres affaires de corruption.
Vers un parti citoyen ?
Après l’implosion de la coalition au pouvoir et la chute de Janez Janša, un nouveau Premier ministre a été nommé le 27 février dernier pour tenter de former un gouvernement. Alenka Bratušek, membre du parti Slovénie positive, dont est issu le maire de Ljubljana, souhaite mettre en œuvre de grands travaux d’infrastructures pour redynamiser l’économie.
« Elle a aussi promis de revenir sur les plans d’austérité », souligne le professeur de sciences politiques Rudi Rizman, « mais la plupart de ces mesures ont été votées à l’instigation de l’ancien ministre des Finances, le libéral Janez Šušteršič, membre de la Liste citoyenne (DL), dont le soutien sera de nouveau indispensable à la nouvelle majorité… » Alenka Bratušek sera donc certainement obligé de mettre de l’eau dans son vin.
Peu sensibles à ces tractations politiciennes, les Slovènes qui défilent dans la rue souhaitent balayer ces élites accusées de mener le pays à sa perte. « Certains espèrent que ce mouvement de révolte spontanée va se traduire par la création d’un nouveau parti citoyen », expose Borut Mekina, pour qui « cette idée n’est peut-être pas si folle que cela. »
Maribor, berceau du mouvement
Sur la place de la Liberté, dans le centre de Maribor, une ville du nord-est du pays où « l’insurrection slovène » a débuté en novembre dernier et permis d’obtenir la démission de l’ancien maire accusé de corruption, Nives et quelques amis préparent des crêpes pour les badauds qui se rendent au marché. « Les gens nous connaissent. Nous montrons que nous sommes là, à quelques jours des élections », explique-t-il.
Le 17 mars prochain, le candidat indépendant Andrej Fištravec, professeur de sociologie, va tenter d’enlever la mairie de la seconde ville du pays. Crédité de 25% des intentions de vote dans les sondages, loin devant tous les partis traditionnels, Andrej Fištravec a collecté ses signatures de soutien sur Facebook. Son programme ? « Aider les plus démunis, régler les problèmes sociaux, connecter les entreprises et les universités, installer des jardins communautaires au centre de la ville. » ( C’est fait!, ndrl)
Source: RFI
Pour aller plus loin: Le Chili, les Pays-Bas et maintenant la Slovénie sont désormais les trois pays à avoir inscrit la neutralité des réseaux de télécommunications dans leur législation respective, signifiant leur refus de la moindre discrimination des flux en raison de leur origine, leur destination ou leur contenu. Numérama
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