Celles et ceux qui associent Camille Claudel à Anne Delbée ou à Isabelle Adjani devraient aller voir Juliette Binoche dans ce film de Bruno Dumont. Les textes sont de Camille Claudel, de son frère Paul, ou viennent de son dossier médical. Ce n’est pas un biopic. Nous sommes pendant trois jours avec cette femme, dans un asile du Vaucluse où elle sera recluse pour le reste de ses jours, où elle arrêtera de sculpter mais pas d’écrire malgré la crainte qu’elle nourrit en permanence d’être épiée, d’être empoisonnée. Et nous lisons dans ses yeux la tristesse, une tristesse sans fond, une immense solitude que les patients et les soignants ne peuvent atteindre. Parfois, son visage m'a fait penser à celui d'Antonin Artaud. Tout est peine, et rien ne lave cette souffrance. Pas même Paul (Jean-Luc Vincent) dont on se dit, en voyant les images de Bruno Dumont, qu’il est, lui aussi, atteint de ce mal incurable, sauf qu’il n’est pas tombé du même côté que sa sœur. Lui, il a Dieu, l’illumination, et l’absolu, l’absolue et terrible « sincérité ». Elle n’a que les larmes et l’isolement. Il fait froid dans ce film, cette sensation ne me lâche pas, le froid des bâtisses de pierre, le froid des églises, le froid du mistral, le froid d’un banc au soleil d'hiver.