faisons un rêve (I want my joie de vivre back)

Publié le 30 mars 2013 par Aymeric
Les journaux aux mauvaises réputations anti-françaises – comprenez anglo-saxons se plaisent à écrire, avec régularité, sur ce qui nous colle désormais autant à la réputation que le béret basque, la marinière et la 2CV : notre sinistrose à la française.
Que ce soit ici ou , les perfidies d’outre Manche et Atlantique s’appuient sur une même étude, ancienne d’une année  et demi et réalisée par Claudia Senik, professeure à l’université Parsi IV Sorbonne en même temps qu’à la Paris School of Economics.
Dans cette étude on peut lire, par exemple :
"On vérifie empiriquement que la mentalité et la culture jouent un rôle très important. En France, elles expliquent la plus grande part de l’écart de bien être, loin devant les circonstances objectives. On constate également que les Français vivant à l’étranger sont moins heureux que d’autres Européens vivant hors de leur pays d’origine.
Enfin, les immigrés ayant été scolarisés en France avant l’âge de 10 ans se déclarent moins heureux que ceux qui ne l’ont pas été."
En plus de causes à chercher du côté de nos pupitres, l’éditorialiste Simon Kuper se demande si les bouleversement de la mondialisation comme elle va – trop vite, trop fort, trop loin – ne se font pas sentir plus durement en France parce que c’est le pays pour lequel le mode de vie a la plus grande importance.
C’est en effet un curieux et bien navrant retournement de l’histoire que notre fabrique de joie de vivre se soit précisément transformée en son contraire.
Navrant et dommageable car si nous nous rallions un instant à ceux qui font de l’économiste Keynes une sorte de prophète alors nous risquons de mettre les bouchées doubles à nous ronger les sangs.
"Ce seront les peuples capables de préserver l’art de vivre et de le cultiver de manière plus intense, capables aussi de ne pas se vendre pour assurer leur subsistance, qui seront en mesure de jouir de l’abondance le jour où elle sera là."
J.M. Keynes in Perspective économiques pour nos petits-enfants.
Enchainement diabolique où l’angoisse devant les changements qui nous secouent nous éloigne davantage encore de la légèreté hédoniste qui faisait notre marque de fabrique si vendeuse à l’export. 
Les diagnostics s’accumulent, chacun y va de sa potion miracle sans faire mystère de ce qu’elle risque fort d’être amère en bouche.
Nos amis anglo-saxons sont du reste assez généreux de leurs bons conseils avec cependant une certaine tendance à oublier que les semences poussent parfois différemment selon les sols.
D’une manière générale, et bien que les tons employés soient souvent doctes, les solutions ont ceci de commun avec les prédictions qu’elles gagnent en certitudes à être énoncées après-coup.
Les perspectives sont inquiétantes, certes, mais peut-être davantage par leurs inconnues que par leurs promesses.
Le pessimisme fait un abri bien fragile, peut-être que sûr de rien et revenu d’un peu tout, ce vieux pays finira bientôt par retrouver cette badinerie inconséquente  qui longtemps le caractérisa.
Peut-être qu’il ne s’écoulera que peu de temps avant que les  journaux aux mauvaises réputations anti-françaises se sentent obligée de reconnaitre qu’ici pétille de nouveau un Esprit si bien synthétisé en la personne de Sacha Guitry.
"Légers, nous le sommes à l’excès, je n’en disconviens pas. Mais, si nous le sommes à l’excès, c’est que nous sommes excessifs - & nous tomberions alors dans l’excès contraire si nous cessions d’être légers. Or, ne vaut-il pas mieux être excessivement légers qu’excessivement lourds?"
S’interrogeait-il en 1942 dans son De Jeanne d’Arc à Philippe Pétain.
Je perçois votre malaise.
N’y a-t il pas quelques provocation malsaine à s’appuyer sur un ouvrage au titre collaborationniste ?
N’est ce pas paradoxal de convoquer en modèle une figure associée aux heures les moins glorieuses de la nation ?
Bien que plutôt breton je vous ferai une réponse en mode normand : oui et non.
Oui Sacha Guitry, même s’il ne fut pas un collaborateur, a commis l’impardonnable erreur de prendre pour un sauveur un dirigeant criminel qui livra à la mort près de cent mille de ses concitoyens.
Oui, la débâcle et l’occupation qui nous obsèdent encore sont de bien mauvais référents lorsqu’il s’agit de plaider le retour au badinage.
Pourtant Guitry dans ce qu’il peut avoir de meilleur – dans ses films entre autre est une assez parfaite incarnation de ce mode d’existence dont le progressif tarissement nous tue aussi sûrement que bien de nos inadaptations aux mutations du monde.
Pourtant, cette langue vive de désabusions rieuses manque aujourd’hui et je me demande parfois si ce n’est pas le parler haineux des Radio Paris et Je suis partout, la langue de l’assassinat en règle, de la raillerie satisfaite et bouffie de joie mauvaise qui se serait imposé jusque chez certains pourtant fort préoccupés de résistance.