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Dominique de Villepin semble donner le sentiment de croire à une crise politique majeure ébranlant sérieusement la "maison présidentielle". Ses visiteurs le découvrent de plus en plus désireux d'accélérer son organisation logistique.
"Même l'avenir n'est plus ce qu'il était". Cette formule de Paul Valéry est probablement le résumé le plus saisissant de l'état d'esprit actuellement le plus répandu.
L'opinion publique Française est en mal de vengeance pour s'émanciper de fractures qu'elle ne supporte plus.
La première fracture est d'abord entre les Français et l'avenir. L'avenir était traditionnellement porteur d'améliorations. Il est désormais le symbole d'un monde déboussolé sans sortie de tunnel déjà perceptible. L'avenir est perçu comme un demain où il ne serait plus question de bien vivre mais seulement de survivre.
Ce sentiment, pour partie irrationnel, a fait naître une seconde fracture entre les élites et les citoyens. Les élites ont dégagé l'image de ne pas être soumises aux mêmes contraintes que celles du grand nombre. Elles bénéficient de protections particulières qui leur épargnent les pires embûches. Au moment même où la crise ne les frappe donc pas "comme tout le monde", les élites sont manifestement incapables de régler les principaux dossiers de nature à permettre au plus grand nombre de mieux vivre.
Ces deux facteurs ont créé un nouveau "besoin de vengeance".
Là est la vraie fracture majeure. Depuis "l'idéal révolutionnaire", l'inconscient collectif français est structuré autour de l'image du peuple qui peut faire "tomber la tête du Roi".
C'est à ce jour la réalité du "climat citoyen" en France.
Toute la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy a reposé sur cette vague de fond. Jacques Chirac incarnait des décennies de pouvoir, l'usure de l'ancien siècle, l'exception d'une justice qui s'arrête aux grilles de l'Elysée et se contente des ex-collaborateurs qui, eux, n'étaient pas "intouchables".
Face à cette caricature du pouvoir Nicolas Sarkozy représentait l'esprit rebelle. Il n'était pas de "la famille". Bien davantage, il avait le courage de prendre le risque de dénoncer cette situation pour mieux la changer.
Seulement voilà, aussitôt élu, Nicolas Sarkozy tombe dans les travers de cette élite qui ne " vit pas la vie de tout le monde ". Bien davantage, il s'assemble avec des "partenaires" qui ignorent la crise voire même en profitent. C'est le tournant de cette image "bling bling" désormais passée dans l'inconscient populaire.
Puis, nouvelle étape, il incarne le pouvoir qui avait promis la rupture mais qui ne l'a pas faite. Ou qui conduit cette rupture dans des conditions qui inquiètent.
Parce que cette réponse à la rupture entre les citoyens et les élites était le socle du véritable contrat présidentiel 2007, le besoin de vengeance a repris corps.
Ce besoin s'est manifesté lors des élections locales de mars 2008 marquées par le retour au réflexe de gauche, par une abstention historique, par la remontée du Front National. Bref, toute la gamme des manifestations protestataires a été utilisée.
Dans l'ambiance actuelle, la dernière étape de vengeance de l'opinion s'estimant abusée consistera à donner une nouvelle grille de lecture aux évènements récents et à retourner à des personnalités vis-à-vis desquelles elle s'estimera comme ayant eu un comportement injuste. C'est le creuset du retour sur le devant de la scène de deux personnalités directement victimes de Nicolas Sarkozy : Ségolène Royal et Dominique de Villepin. Pour ce dernier, l'enjeu est de se "victimiser" suffisamment. Il est certain que Clearstream est une redoutable bombe à retardement si aucune leçon manifeste ne s'en dégage.
Le changement en France ne vient pas de personnalités neuves mais de personnalités qui ont changé et que l'opinion accompagne dans ce changement perçu, revendiqué et désiré par l'opinion elle-même sécurisée par le deux en un "l'expérience et le neuf".
Dominique de Villepin a donc devant lui une fenêtre de tir encore inconcevable il y a 6 mois.