Ce n'est pas un genre de plaisir superficiel et voyant, que l'on éprouverait à se laisser porter par le vent, comme au sommet d'une vague, dans le ciel, j'évoquerai plutôt le vaste océan qui se déploie entre les continents, en cachant des abîmes invisibles, infinis. Simplement, mon assimilation manque d'énergie. Mais s'y substitue un sentiment de bonheur. L'apparition d'une puissante énergie entraîne la crainte de la voir s'épuiser. Lorsque j'obéis à une certaine stabilité, je n'ai pas à avoir ce genre de souci. Dans son état actuel, mon coeur, qui est plus vague que stable, non seulement est affranchi de la crainte de voir s'amenuiser la violence de ma force, mais il est détaché de la situation banale où l'on s'interroge sur la constance de son esprit. J'entends par vagues tout ce qui est insaisissable, mas non pas faible. Il me semble que des qualificatifs poétiques tels que "feutré" ou "douceureux" expriment fort bien cette sensation.
Je me suis demandé comment la peinture traduirait cet état d'esprit. Mais il est évident que cela ne produirait pas des tableaux ordinaires. Ce que nous nommons vulgairement peinture n'est rien d'autre qu'un procédé qui consiste à considérer comme tels les paysages qui se déploient sous nos yeux, ou bien à les filtrer à travers un regard esthétique, et, dans les deux cas, à transposer la chose sur une toile. On estime généralement qu'une fois que la fleur apparaît comme une fleur, que l'eau se reflète comme une eau, que l'homme s'active comme homme, le travail pictural est achevé. Et, pour se distinguer, un peintre doit faire éclater de vitalité sur la toile l'objet que l'on ressent selon la sensation qu'il lui a inspirée.
Extrait de "Oreiller d'herbes" de Natsumé SOSEKI
Doux week-end pascal !!!
Photos à Ohara (Japon) en juillet 2007