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Rencontre avec Pascal Hachet, l'auteur de l'indispensable 'Manuel de survie pour parents d'ados qui pètent les plombs !"

Publié le 29 mars 2013 par Sébastien Michel
Sur amazon.fr à partir de 6,65 €   Rencontre avec Pascal Hachet, l'auteur de l'indispensable 'Manuel de survie pour parents d'ados qui pètent les plombs !   Manuel de survie pour parents d'ados qui pètent les plombs !" Rencontre avec l'auteur, Pascal Hachet.
Pascal Hachet est psychologue clinicien depuis 23 ans dans l’association Service d'Aide aux Toxicomanes-Picardie (SATO-P). Il y travaille au Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) de Compiègne et au pôle prévention des addictions Le Tamarin, à Creil. Il possède donc une double expérience de la prise en charge institutionnelle des usagers de substances psychoactives (drogues licites et illicites) : sur le versant du soin et sur le versant de la prévention, ainsi que, par extension, des adolescents qui font de la prise de risques excessives un mode de vie et de leurs parents.
Auteur prolixe et engagé, Pascal Hachet a écrit de nombreux ouvrages inhérents à sa pratique de psychologue, dont "Peut-on encore communiquer avec ses ados ?" (In Press, 2004), “Histoires de fumeurs de joints” (In Press, 2005) et "Adolescents et parents en crise" (Champ Social, 2009). Aujourd'hui, il est l’auteur principal du "Manuel de survie pour parents d'ados qui pètent les plombs !" (LLL), pour lequel il a accepté de répondre à nos questions.
1-Hemcel.fr : M. Pascal Hachet bonjour, comment est née l’idée du “Manuel de survie pour parents d’ados qui pètent les plombs !” ?
Pascal Hachet : Bonjour. Cette idée est venue de Vincent Magos, psychologue et directeur de Yapaka, un programme de lutte contre la maltraitance mis en place par le Ministère de la Communauté Française de Belgique. Nos discussions autour du soutien à la parentalité l’ont conduit à esquisser l’architecture de ce livre et à m’en confier la rédaction. Au fur et à mesure de nos échanges, cette écriture est devenue un peu collective, surtout pour les vignettes cliniques. Au-delà de ces considérations techniques, il s’est agi de concevoir pour les parents d’adolescents un petit livre clair à lire n’importe où (sans jargon) et destiné à les rassurer sur leurs capacités éducatives (“vous n’êtes pas “nuls”, même si votre ado prétend le contraire”), à leur proposer des pistes pour “faire aussi bien” mais avec moins d’angoisse et pour, le cas échéant, à leur conseiller de s’adresser à un spécialiste.
2-Hemcel.fr : Vous exercez en tant que psychologue depuis plus de vingt ans. Quels principaux changements en matière de relation parents/ados et d’éducation avez-vous constatés ? Quelles en sont les raisons et les conséquences ?
Pascal Hachet : Rappelons d’abord que dans l’immense majorité des cas, la traversée de l’adolescence se passe bien. La relation parents/ados est parfois mise en crise, mais ces moments de tension et de débordement s’avèrent alors surmontables en famille. Ils débouchent sur des accalmies où chacun prend la mesure du chemin parcouru et se sent “enrichi” d’avoir dépassé des conflits sans les escamoter. On peut donc dire qu’il existe un bon usage du “pétage de plombs” ! Rappelons aussi que les moments d’opposition et de dénigrement parents/ados sont aussi vieux que la civilisation (certains écrits d’Hésiode et de Socrate sont éloquents) et que le moteur psychologique de ces aléas, aussi bien du côté des parents que de l’adolescent, est un tiraillement affectif entre le besoin d’attachement et le désir d’indépendance. Ce désir est exprimé bruyamment - mis en actes - par les adolescents, qui vouent leurs parents en gémonies et évitent leur compagnie. Perplexes et déconfits (“on ne le reconnaît plus. C’est devenu un ours. Qu’est-ce qu’on a loupé dans son éducation ?”), les parents réagissent d’abord par une perte de confiance en eux-mêmes et une peur de ne plus aimés, puis ils reprennent pied et entrent dans la danse : ils posent des limites éducatives et s’efforcent de les faire respecter. Voilà pour les “invariants” de la relation parents/ados.

Ce qui a changé en l’espace d’une génération, c’est surtout le monde où nous vivons ! Le bouleversement des conditions de travail et l’aggravation du chômage de masse rendent difficiles l’exercice de la parentalité : la dérégulation des horaires et le développement des contrats précaires empêchent pères et mères de consacrer à leurs enfants le temps, l’énergie et l’attention dont ils ont besoin pour tantôt les “chérir” et tantôt - le terme est à la mode - les “recadrer”. De leur côté, les adolescents contestent la nécessité d’être studieux à l’école et obéissants envers leurs parents ; ils savent très bien que l’insertion professionnelle des jeunes n’a jamais été aussi difficile et que la traditionnelle “lutte des classes” s’est doublée d’une très inconfortable “lutte des places”. Dans ces conditions, comment faire confiance aux adultes en général ?
Autre changement, les parents doivent composer avec l’utilisation intense par leurs adolescents de moyens de communication et de distraction qui n’existaient pas encore lors de leur propre adolescence : les téléphones portables, les réseaux sociaux sur la Toile et les jeux vidéo. Moins familiarisés avec ces outils, beaucoup de pères et de mères se sentent “hors du coup” et manquent de repères pour discerner ce qui, dans l’usage de ces médias et de ces jeux, est constructif et ce qui ne l’est pas pour leur adolescent. De façon corrélative, ils doivent affronter les conséquences éducatives d’un marketing incroyablement agressif qui encourage un attachement juvénile sans limites aux produits issus des nouvelles technologies, ainsi d’ailleurs qu’aux vêtements de marque et aux aliments et modes de restauration les moins diététiques.
Heureusement, la plupart des adolescents trouvent eux-mêmes ces limites : ils veillent à ce que le temps qu’ils passent au téléphone ou à jouer en ligne n’altère pas à leur sommeil et leurs efforts scolaires, sont indifférents à la tyrannie des “marques” - surtout lorsqu’ils développent des relations affectives gratifiantes avec leurs pairs d’âge - et prennent le soin de manger de façon équilibrée et de faire du sport. Et puis un adolescent qui passe ses soirées devant son écran d’ordinateur ne fait pas courir à ses parents le risque de devoir battre la campagne en voiture s’il a “oublié” de rentrer à la maison à l’heure autorisée, voire d’être obligés de prévenir la police à cet effet.

3-Hemcel.fr : A partir de quand un parent doit-il s’alerter d’un comportement incompréhensible ou d’une situation compliquée qui le dépasse ?
Pascal Hachet : D’une part, lorsque l’adolescent répète un tel comportement malgré les ennuis qui en résultent pour lui, par exemple s’il s’obstine à chercher querelle à d’autres jeunes qui lui répondent invariablement par des coups ; d’autre part, lorsqu’il tend à s’isoler tant des membres de sa famille que des autres jeunes ; enfin, si l’on a l’impression que quelque chose en lui s’est cassé, s’il délaisse brutalement ses loisirs coutumiers et s’il fonctionne en “mode robot”.
4- Hemcel.fr : Que pensez-vous de la réponse célèbre de Freud aux parents épris au doute : « Quoique vous fassiez, ce sera mal, si vous ne faîtes rien, ce sera pire. » ?
Pascal Hachet : Cette affirmation est cohérente avec le pessimisme global que Freud nourrissait au sujet de l’humanité, qu’il pensait vouée à se fourvoyer et à s’épuiser dans une lutte croissante et aveugle entre les “pulsions” issues de l’inconscient et leur répression par les “interdits” issus du processus de civilisation !

Cette réponse de Freud - qui était surtout attentif aux symptômes et aux fantasmes “universels” (tel le complexe d’Oedipe) de ses patients adultes névrosés - suggère aussi une “évacuation” agacée de la question. Heureusement, les “psys” (Winnicott en tête) ont ensuite reconnu le rôle primordial des liens affectifs dans la construction psychique et certains ont axé leurs recherches et leurs pratiques sur la parentalité et sur la psychologie de l’adolescent.
Ceci dit, si je ne suis pas d’accord avec l’idée que les parents “se plantent” de toute façon lorsqu’ils élèvent leurs enfants, l’idée du pire à venir quand les parents ne font rien se vérifie parfois, lorsque les aspirations de l’adolescent ne rencontrent aucun écho, même contradictoire, chez ses parents : le jeune risque alors de multiplier les transgressions et les actes violents - en premier lieu contre lui-même - dans l’espoir secret de faire (enfin) réagir ses parents. Il vaut donc mieux prôner des valeurs et des attitudes (à condition de demeurer dans le cadre de la décence et de la loi) que l’adolescent jugera ridicules ou ringardes que rien du tout.

5 - Hemcel.fr : Selon vous quel genre de manuel de survie pourrait-on imaginer pour les ados de parents qui pètent les plombs ?
Pascal Hachet : Ouh là, un seul monde à la fois ! Cette question est stimulante, mais le sujet est trop vaste pour que je puisse y répondre en détail. A brûle-pourpoint, je dirais qu’un tel livre devrait reconnaître le désir adolescent de faire des expériences parfois “frissonnantes” en dehors du cercle familial, à condition de proscrire la mise en danger (par exemple, les substances hallucinogènes telles que le LSD, “même pas en rêve !”). Un manuel de ce type devrait aussi déculpabiliser les adolescents qui s’acharnent à résoudre les problèmes de leurs parents et qui - assez logiquement - peinent à y parvenir, surtout lorsque père et mère instrumentalisent le désarroi de leurs enfants pour faire accréditer leur version des faits en matière de différents conjugaux (c’est ce que le psychanalyste Ferenczi nommait “le terrorisme de la souffrance”). L’adolescent a le droit de ne pas “sacrifier” ses désirs et projets, même si ses parents vont mal ou se déchirent. Ce n’est pas parce qu’il souffrira davantage qu’eux souffriront moins.
6- Hemcel.fr : Pour finir, quel est le principal conseil qu’on peut donner à des parents un peu perdus, en plus de celui de se procurer le “Manuel de survie” ?
Pascal Hachet : D’y aller “franco” en matière de communication avec leur adolescent, même s’ils se sentent maladroits, et de ne pas “lâcher l’affaire” - même si l’exercice est répétitif et parfois épuisant - lorsqu’il s’agit de faire respecter une mesure éducative pertinente. Echanger avec d’autres parents - par exemple dans le cadre de groupes de paroles - facilite également les choses.
Hemcel.fr : Pascal Hachet, merci.   Retrouvez l'article sur le "Manuel de survie pour parents d'ados qui pètent les plombs" ici: http://www.hemcel.fr/2013/03/parents-dados-souriez-voici-le-manuel.html

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