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François Hollande : Je (ne) vous ai (pas) compris !

Publié le 29 mars 2013 par Sylvainrakotoarison

Jeu de communication politique. Rien de neuf sur le fond, aucun souffle nouveau pour engager un vrai redressement économique…

yartiFH2013032801Initialement prévue pour quarante-cinq minutes, l’intervention du Président François Hollande sur France 2 ce jeudi 28 mars 2013 a finalement duré une heure et quart. Pour ne quasiment rien dire de nouveau. Il était interviewé par David Pujadas que j’ai trouvé, pour une fois, percutant (posant les bonnes questions au bon moment).

Ce n’est pas la première fois qu’on peut le constater mais depuis qu’il exerce ses fonctions de Président de la République, François Hollande n’a jamais imité que son prédécesseur Nicolas Sarkozy dans cette notion de vouloir être jugé sur ses actes et pas sur ses paroles alors qu’il ne cesse de travestir ses propres paroles.

J’ai relevé des phrases typiquement sarkozyennes : « Je suis dans l’obligation de faire. », « La différence, je ne suis pas dans le constat, je suis dans l’action. » etc. François Hollande a même fait du Lionel Jospin en avouant : « D'ailleurs, je ne suis plus Président socialiste. ».

Le boulet de l’héritage a fait long feu

Selon lui, il n’aurait rien fait depuis dix mois qui ne serait incompatible avec tout ce qu’il a dit pendant sa campagne présidentielle. À l’époque, il niait pourtant l’existence même de la crise et avait accusé son contradicteur des plus lourdes charges (un million de chômeurs en plus, 600 milliards d’euros de dette supplémentaire, pourtant dans ces 600 milliards, 400 milliards proviennent de la facture des 35 heures, selon la Cour des comptes etc.).

Aujourd’hui, il est aux commandes du pays depuis dix mois, il contrôle toutes les institutions du pays, les deux chambres du Parlement, le gouvernement, la plupart des collectivités territoriales (régions, départements, villes), et il continue de parler du "boulet" (selon le mot de son Ministre des Finances Pierre Moscovici en réponse polémique à une question du jour du sénateur Vincent Capo-Canellas) de l’héritage. Au fil du temps, il va falloir renouveler l’argumentation.

Mécanique incantatoire

Enfin, il a dû infléchir sa réflexion : ce qu’il n’avait pas prévu, c’était que la crise durât ! C’est sûr, tout son discours de campagne n’était justifié que par une opération du Saint-Esprit, que la croissance fût au rendez-vous de l’année 2013. Il a attendu ces dernières semaines pour reconnaître que ses objectifs budgétaires ne seraient atteints à la fin de 2013, alors que tout le monde, depuis des mois, le lui disait dans l’oreille.

Le pire, c’est que dans le discours hollandien actuel, on retrouve de nouveau les mêmes vessies qui se prennent pour des lanternes : deux années difficiles, et ensuite (sans explication), retour à la croissance et à l’emploi. Infléchissement de la courbe du chômage pour la fin 2013. Par une sorte d’incantation quasi-métaphysique (« parce que je pense que nous aurons de la croissance »).
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Pour cela, il a prétendu en avoir donné les moyens, avec sa petite boîte à outils déjà existante : emplois jeunes, contrats génération, pacte de compétitivité, réforme du Code du travail sur la base uniquement de l’accord entre les partenaires sociaux, les 1 300 euros à chaque foyer pour la rénovation thermique (ce n’est même pas le prix d’une nouvelle chaudière !)… et rien de plus.

Les mesures nouvelles

Ah si. Poussé dans ses derniers retranchements, François Hollande a lâché quelques mesures supplémentaires, mais on voit bien que ce ne sera pas cela qui fera redémarrer l’industrie en France (car c’est de cela qu’il s’agit, il faut produire à nouveau en France si l’on veut recréer des emplois).

Il veut tout d’abord créer un "choc de simplification" pour les entreprises. Ce qui est toujours bon à prendre, certes, mais cela ne donnera aucun moteur, cela enlèvera juste quelques freins à l’activité.

Il veut aussi réformer la formation continue pour permettre à 50% des chômeurs d’avoir accès à une formation au bout de deux mois. Là aussi, c’est toujours bon à prendre, mais encore une fois, une formation permettra de mettre un postulant au niveau requis pour un poste donné, cela ne créera aucun poste supplémentaire.

Il a proposé que pendant six mois, l’argent bloqué pendant cinq ans provenant de la participation des entreprises (cela concerne quatre millions de salariés) soit débloqué librement, sans contrainte, sans condition, sans que les avantages fiscaux ne soient supprimés. Il compte avec cela pour redresser la consommation (qui, rappelons-le a de grandes chances de profiter à des produits d’importation).

Par ailleurs, il a annoncé un assouplissement fiscal pour la transmission ou la cession d’entreprises.

Taxe de 75%

Enfermé entre une promesse électorale très politique (qui est sans doute à l’origine de son élection) et une inconstitutionnalité, François Hollande a trouvé un moyen astucieux de contourner la difficulté pour la taxe de 75% sur les hautes revenus : ce seront les entreprises qui paieront cette taxe.

Notons que si cela peut décourager l’employeur, généralement, c’est à l’employeur que ce genre de revenus est déjà attribué, alors, l’entreprise paiera plus mais il n’y aura pas réduction des inégalités de rémunération avec ce genre de mesure (j’imagine que les laudateurs de Jean-Luc Mélenchon l’expliqueront mieux que moi !).

C’est cependant une porte de sortie honorable pour la personne François Hollande, mais l’image de la France a été sérieusement écornée à cause de ce genre d’annonce (certains investisseurs étrangers pensant que tous les revenus étaient taxés à 75%). Cette proposition avait été en effet balancée en pleine campagne électorale sur TF1, le 27 février 2012, au grand étonnement de son futur Ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, ce qui avait donné une nouvelle impulsion à sa campagne qui s’était essoufflée après la déclaration de candidature de Nicolas Sarkozy.

Objectif déficit à 3%

François Hollande a clairement renoncé à l’objectif des 3% de déficit pour la fin 2013, le reportant à fin 2014, ce qui présage de sérieuses discussions avec la Commission européenne.

Sur les finances publiques, il est venu expliquer qu’il fallait (enfin) réduire la voilure de l’État, avec une formule choc qui devrait faire florès : « Faire des économies, c’est la seule façon de ne pas défaire l’économie. ». D’ailleurs, comme pour réduire le chômage, l’objectif de rééquilibrer les finances publique est bien sûr louable, mais là aussi, le chemin pour y parvenir est très flou, d’autant plus qu’il manque de crédibilité avec le recrutement massif de fonctionnaires qu’il avait programmé.
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Il ne cite que deux mesures pour réduire les coûts : le regroupement des achats de toutes les administrations publiques (cette mutualisation des achats n’est-elle pas déjà réalisée ?), qui devrait dégager 2 milliards d’euros, et la dématérialisation des documents administratifs.

Des métropoles pour réformer les collectivités locales

Pas grand chose de plus ? Si, il y a le seul axe possible de réduction des dépenses publiques, les collectivités territoriales. Aucun changement radical (on ne supprime pas d’échelon car il ne veut rien imposer par le haut), mais …au contraire, création d’une nouvelle entité, dans le cadre d’une nouvelle loi de décentralisation, la "métropole", qui pourrait prendre des compétences à la fois des rassemblements de communes et parfois des départements.

L’idée peut paraître censée, mais si on ne supprime pas en même temps d’autres échelons, cela va créer inévitablement de nouveaux doublons.

Sur les deux chapitres importants de sa prestation télévisée (retour à la croissance et rééquilibrage des finances publiques), François Hollande n’a pas du tout été convaincant et surtout, n’a donné, à part son verbe, aucune voie nouvelle efficace pour réindustrialiser la France.

En revanche, sur les autres sujets, il a été plutôt convainquant (comme le remarquait Jean-Louis Borloo).

Politique sociale

Sur la politique familiale, se félicitant de la bonne natalité en France, il a assuré qu’il ne bouleverserait pas le principe des allocations familiales : pas de fiscalisation et préservation de l’universalité. En revanche, il compte juste faire une modulation des montants en fonction des revenus, ce qui semble raisonnable.
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Sur les retraites, se contredisant à moins de trois ans d’intervalle, François Hollande a déclaré envisager un prolongement de la durée des cotisations.

Les dépôts bancaires

Parce que la question s’est posée à Chypre et qu’elle se posera peut-être dans d’autres pays européens comme la Slovénie, François Hollande a assuré que tous les dépôts bancaires en France seraient absolument garantis, du moins jusqu’à 100 000 euros.

Mali et Syrie

François Hollande a été très convaincant sur son action au Mali, expliquant presque la larme à l’œil les trois objectifs qu’il s’était fixés et qui ont été remplis : stopper l’agression des terroristes, reconquérir les villes occupées par eux, et les déloger de leurs repères au nord du Mali. Il a toutefois reconnu que les otages français encore en vie n’ont toujours pas été localisés.

En revanche, il a été beaucoup plus vague pour la Syrie, tout en voulant rassurer à propos de la fourniture des armes aux rebelles syriens qui n’aura lieu qu’en cas de certitude que les armes n’iraient pas dans les mains d’islamistes, et confirmant que cette certitude n’existait pas pour l’instant. En clair, rien n’est prévu pour éviter la poursuite de ce massacre qui a déjà coûté la vie à cent mille personnes depuis deux ans.

Autres sujets

Sur le mariage pour les couples homosexuels, il a refusé de prendre en compte les manifestations qui s’y opposent et n’a pas été très convaincant, notamment parce qu’on ne connaît toujours pas sa position personnelle sur la PMA. On sait seulement qu’il est défavorable à la GPA.

Sur la politique pénale, François Hollande a clairement émis un signal à sa Ministre de la Justice Christiane Taubira pour qui la suppression des peines planchers est une mesure phare. Le Président de la République a expliqué alors qu’il allait retirer les peines planchers si on trouvait un dispositif contre la récidive. « Et vous l’avez trouvé ? » demanda fort justement David Pujadas. Réponse : « Oui, on va la trouver ! ». En clair, rien n’est fait.

François Hollande a surfé (comme son prédécesseur) sur un faux consensus sur la laïcité en remettant en cause la pratique d’une religion dans des espaces privés. Il a laborieusement expliqué qu’une « crèche associative » n’était pas une « crèche privée » (il faudrait donc lui expliquer que les associations comme les entreprises font partie justement du secteur privé) et en souhaitant une loi de circonstance pour enfreindre la liberté religieuse (au risque de se retrouver en porte-à-faux avec la Convention des droits de l’Homme).
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Sur le cumul des mandats, il a décidé que cela se ferait avant la fin de son quinquennat et qu’un projet de loi serait adopté au conseil des ministres dès le 3 avril 2013.

Il a été convaincant sur les affaires politico-judiciaires, voulant préserver la présomption d’innocence tant pour Jérôme Cahuzac que pour Nicolas Sarkozy, ainsi que sur le "Hollande bashing" (hideuse expression journalistique), rappelant qu’il a le « cuir solide et les nerfs froids », lançant d’ailleurs un avertissement aux ministres dissonants, pour finir par appeler à ses vœux que : « Ma République doit être exemplaire et apaisée. ».

Juste de la communication…

Concrètement, François Hollande a fait un exercice de communication présidentielle, sur la forme, sensiblement équivalent à ceux de son prédécesseur. Sur le fond, rien de vraiment nouveau n’a été annoncé qui puisse redonner espoir dans la réindustrialisation de la France. Il reste avec ses habitudes de campagne, à savoir repousser toujours d’une année ses promesses (diminution du chômage, retour à la croissance, réduction du déficit budgétaire), petit jeu qui pourrait marcher si la mémoire des électeurs était courte.

Non seulement cette intervention n’inversera pas la courbe du chômage, mais probablement pas plus celle de la popularité présidentielle.

Contrairement à ses prestations précédentes, François Hollande s’est maintenant installé dans ses fonctions présidentielles (probablement que la guerre au Mali y a été pour quelque chose).

Mais il n’a redonné aucun souffle à un gouvernement largement dépassé par les événements, incapable d’assumer son autorité au sein de sa propre majorité, ne sachant pas traduire le message désabusé de nombreux électeurs, et surtout, il n’a donné aucune piste d’avenir au redressement français ni à la construction européenne. C’est pourtant dans ces moments-là qu’une volonté politique devrait être exprimée avec force.

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 mars 2013)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Bons baisers de Hollandie.
François Hollande et la Frondeuse.
François le clown ?
Le verbe roi.
La voile et la République, une nouvelle loi ?
La politique industrielle de François Hollande.
Le fantôme de Sarkozy.
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