Pour certains, Jarmush est ce cinéaste un peu Arty de Stranger Than Paradise ou Down By Law, pour d'autres il est le papa de Ghost Dog, film plutôt unique dans sa filmographie. Une chose est sûre, Jim Jarmush, aime ses acteurs et ses films décrivent avant tout des personnages plutôt que des histoires à proprement parler. Sensible, drôle et décalé, c'est Bill Murray qui se charge ici à donner vie à un Don Juan en quête de réponses : Road Movie paternel, c'est parti !
Délicat, immensément drôle et délicieusement amer, Broken Flowers avait décroché le Grand Prix à Cannes lors de sa sortie. Si son scénario pouvait se prêter à toute sorte de traitement, Jim Jarmush à opté pour une hésitante ballade mélancolique en forme de Road Movie sentimental ou paternel, c'est au choix. Broken Flowers est une gigantesque et dilettante interrogation sur la paternité et sur les rencontres de la vie qui la précède. Don Johnston, avec un "t", a réussi sa vie professionnelle, mais n'a visiblement pas trouvé l'équilibre affectif qu'il a, semble-t'il, recherché toute sa vie au travers de ses nombreuses rencontres amoureuses. Riche, il manque l'essentiel à sa vie, la lettre qu'il va recevoir va relancer cette machine en quête de réponses, retrouver la créativité et l'énergie passée qu'il avait déployées pour faire fortune, mais cette fois, le système qu'il tente de concevoir n'est plus informatique, mais humain, de type "moi papa"...
Il n'y avait que Bill Murray (comme à son habitude excellent dans ce type de personnage, mais en a t'il vraiment incarné d'autres ?) pour incarner ce personnage lunaire, déconnecté, fragile à l'intérieur, et imperturbable à l'extérieur. En parfaite symbiose avec une sélection de musiques des mieux choisies, c'est véritablement lui qui supporte ce magnifique et somptueux édifice qu'est Broken Flowers. Absolument parfait en personnage profondément ébranlé, il donne à Don Johnston , avec un "t", toute la fragilité et la distance nécessaire pour le rendre attachant et permettre au spectateur de s'y investir, malgré sa spécificité. Bill Murray est une sorte de Droopy à qui on souhaite la réussite dans sa quête, mais malgré cela on fabrique aussi par nous même (faute que le Bill nous la joue extravertie) l'ancien Don Johnston (avec un "t"), celui qui a quand même collectionné les "cas" ! La mère d'une Lolita, une communicatrice pour animaux, une biker... Peut-être que le personnage de Bill Murray aurait finalement mérité son parcours de bousier... Ce fort bel équilibre entre le visible et l'invisible du personnage, cette imperfection naturelle de l'être humain, trouve sous la caméra de Jim Jarmush, avec le talent de Bill Murray, une forme des plus réjouissante, simple, belle, terriblement douce et sensible et exagérément ludique. Broken Flowers est en équilibre, de ceux qui fascinent, il tient comme par magie alors qu'il ne semble constitué que de petits riens... mais des "petits riens" pourtant essentiels...
Le couple Jarmush-Murray, mélange de distance et de proximité avec des sujets essentiels, avançant toujours "mine de rien", toujours traité avec infiniment d'humour, n'est pas sans nous rappeler le style, lui aussi un peu Arty, d'un Wes Anderson... On y retrouve ce goût du détail, de la mise en scène cadrée, et ce talent pour faire parler les silences... Broken Flowers est indolent, vivant et saturé de sensations aussi fugaces qu'essentielles ! "Mine de rien", cette virée délicieusement douce-amer, en deviendrait presque inoubliable pour le spectateur... Et puis, elle est si merveilleusement mise en musique, toute blindée d'"étiopiques" et autres perles musicales. On adore !
Procurez-vous Broken Flowers ou d'autres films de Jim Jarmush ou avec Bill Murray, Sharon Stone, Tilda Swinton, Julie Delpy ou Jessica Lange