Retour à Howards End

Par Kinopitheque12

James Ivory, 1992 (Royaume-Uni)

Retour à Howards End est la troisième adaptation cinématographique d’un roman d’Edward Morgan Forster par James Ivory. Les deux premières ont été Chambre avec vue en 1985 au romantisme exacerbé, et Maurice en 1987 qui aborde l’homosexualité masculine comme « interdit » post-victorien. Le récit prend toujours place dans l’Angleterre d’Edward VII, s’intéresse aux modes de vie de quelques riches familles et à leurs relations avec les plus pauvres. Comme certains des aristocrates montrés, la caméra est distante et un peu froide mais l’académisme auquel James Ivory nous a déjà habitué convient bien à cette fine étude sociale où se défient raison et sentiments.

Un parapluie distraitement emprunté lors d’une conférence sur « Musique et symbolique » et voilà qu’une sorte d’amitié lie petit à petit Helen Schlegel (Helena Bonham Carter) au tout petit employé et, dans sa première scène, tout mouillé Leonard Bast. Ruth Wilcox (Vanessa Redgrave) est une aristocrate âgée et son fier mari Henry (Anthony Hopkins) est un riche financier. Elle, se prend d’affection pour la sœur d’Helen, Margaret (la très juste Emma Thompson). Ruth meurt et, sur son testament, cède le cottage d’Howards End à Margaret. Le reste de la famille Wilcox, avant que Margaret ne l’apprenne, brûle le testament. Pourtant les Schlegel et les Wilcox ne perdent pas contact et continuent de temps à autre de se fréquenter. Les sentiments des uns pour les autres évoluent : des amours se découvrent, des haines s’entretiennent, déceptions, réconciliations ou renonciations sont autant de fils brodés sur ce canevas des mœurs des sociétés aristocratiques et bourgeoises du début du siècle dernier. Les relations amoureuses sont souvent frustrées ou tourmentées car prises dans les filets d’une société rendue rigide par ses codes et sa morale.

Helen et Margaret incarnent une certaine modernité dans cette Angleterre renouvelée tandis que les Wilcox qui profitent pleinement de l’effervescence capitaliste du moment sont attachés à des valeurs plus anciennes. Ainsi, Ruth Wilcox avoue lors d’un repas préférer ne pas se mêler de politique ou d’économie et se trouver bien aise que l’on ne vienne pas lui demander son sentiment sur les affaires encore dévolues à ces messieurs. Ces déclarations laissent Helen et Margaret coites. Plus loin, lors d’une querelle, Margaret demande à Henry ce qui l’empêche de pardonner une femme dévergondée pour une faute qu’il lui est pourtant arrivé de commettre. Les sœurs Schlegel ont aussi des différents, surtout à propos du pauvre Leonard Bast que l’une protège nonobstant la gêne qu’il occasionne à l’autre. James Ivory évoque là le mépris des nantis pour les classes inférieures « sacrifiées sur l’autel du capitalisme ». Au vue de cette suffisance bourgeoise, les procédés cinématographiques du réalisateur paraissent idoines, comme si, dans ce qu’ils ont de très conventionnels, l’on pouvait trouver correspondance avec les attitudes filmées des classes aisées. Retour à Howards End a obtenu le Grand Prix du 45e festival de Cannes et, l’année suivante, toujours avec Emma Thompson et Anthony Hopkins, James Ivory réalise un de ses plus beaux films, Les vestiges du jour, sur les doutes d’un irréprochable majordome dans l’Angleterre des années 1950.