Le modèle économique des centres de santé mutualistes sur la sellette

Publié le 28 mars 2013 par Damienamselem


La mutualité Française vient de rendre publique voici quelques jours une plaquette présentant le modèle économique prévalant dans ses centres de soins de premier recours. D’après cette plaquette, et les articles qui l’ont relayée dans la presse et sur Internet, la Mutualité Française, puissante représentation des mutuelles relevant du code de la mutualité (différentes des mutuelles d’assurance, qui elles relèvent du code des assurances ) aurait trouvé la solution pour rendre rentables les centres de santé faisant partie de son réseau.  Seul hic, l’USMCS ; la structure syndicale qui fédèrent les professionnels de santé travaillant dans les centres de santé, émettrait quelque scepticisme à cet endroit… Nous tenterons dans cet article et le suivant de faire le point sur ces deux aspects du problème.

Repères

On rappellera d’abord comme éléments introductifs à cet article, que le réseau de centres de santé de la Mutualité Française est unique en son genre : à la différence des réseaux des autres acteurs de la complémentaires santé, c’est en effet bien de lieux physiques dont nous parlons, et s’agrégeant bien juridiquement parlant à la Fédération ; alors que les autres réseaux de santé (Santeclair par exemple) sont des réseaux de soins conventionnés : constitués de partenaires qui signent des conventions avec le réseau (des audioprothésistes par exemple, ou dentistes, ou encore opticiens) ; conventions par lesquelles ils s’engagent à pratiquer tels tarifs par exemple aux adhérents des complémentaires santé du réseau. La Mutualité Française dispose elle aussi d’un réseau de soins conventionnés, qu’il ne faut donc pas confondre avec les réseaux de centres de santé.  La mutualité dispose elle d’un vrai réseau physique d’établissement de santé s’intégrant même pour certains avec le réseau de l’hôpital public, en particulier pour l’exercice de la mission de service public.

Un modèle économique

La Mutualité a donc rendu public voici quelques jour une plaquette qui a déjà fait l’objet de plusieurs articles dans la presse spécialisée, et qui explicite le modèle économique des centres de santé. Avant d’évoquer les réserves de l’USMCS je vais présenter brièvement ici, la composition dudit modèle.  Avant d’aller plus loin, je rappelle brièvement aussi que ce sont plusieurs centaines de centres qui sont concernée par ce modèle ; et que Marisol Touraine a par ailleurs commandé à l’IGAS un rapport à venir sur le modèle économique des centres de santé. C’est sans doute en gardant cette perspective présente à l’esprit qu’il faut interpréter, cette opération de Communication de la Fédération des mutuelles de France.

Les idées forces

Pour résumer les idées forces du modèle, du moins d’après la définition qu’en donne la Mutualité dans sa plaquette :

La combinaison des activités

L’idée derrière ce postulat est que la médecine générale ne serait pas suffisante pour assurer un équilibre financier du modèle à elle toute seule : le modèle consisterait donc  à lui associer des activités excédentaires. Sont citées dans la plaquette la cardiologie, la gynécologie ainsi que l’ophtalmologie. Mais c’est surtout le dentaire qui contribuerait à l’équilibre des comptes, avec des revenus beaucoup plus importants tout particulièrement avec l’orthodontie.

La définition d’une taille critique

Chaque centre doit atteindre un « seuil d’équilibre calculé » qui définit en gros la rentabilité minium  nécessaire à l’échelle d’un centre : Dans sa plaquette la Mutualité évoque ainsi le seuil de 3 fauteuils en omnipratique pour atteindre ce seuil dans un centre dentaire).  Sachant que la décision d’implantation des cabinets et la définition des activité est en théorie le résultat d’un diagnostic à l’échelle du territoire de santé concerné qui a donc pour objet de définir les besoins de centé sur le périmètre choisi.

Accent mis sur le pilotage des centres

La plaquette aborder ensuite la question du pilotage des centres de santé, qui peut laisser quelque peu sceptique quand à la définition de son objet. Parle-t-on ici d’un pilotage destiné à garantir la rentabilité du modèle ou d’un pilotage dont l’objet est de répondre aux besoins de santé identifiés sur le territoire ?  Si l’on se doute bien que les auteurs de la plaquette et les concepteurs du  « modèle économique » nous répondront « les deux mon commandant » ; force est de constater une certaine ambiguïté sur ce point dans la présentation de la plaquette.

Ainsi, si la plaquette mentionne le critère d’une plage d’ouverture « en fonction des besoins identifiés » on lit plus loin que 55 heures sont recommandés dans ledit modèle…  Plus loin on parle d’optimisation de la gestion du tiers payant « pour atteindre quota de 3 euros par passage » on aimerait en savoir plus sur cette optimisation.
Enfin sont abordés sur la plaquette comme élément de pilotage des centres :

  • La délégation de tâches variant selon les spécialités (ophtalmologie, ORL, gynécologie…).
  • Un classique pilotage de l’activité de chaque centre via des tableaux de bord à différentes périodicités.

Enfin l’optimisation des ressources financières du centre de santé

  • Optimisation du remplissage du planning :  ce qui veut dire processus de suivi des rendez-vous avec relances des patients ;
  • Définition de Plages horaires pour des rendez-vous non programmés ;
  • Formation et sensibilisation des professionnels à l’optimisation pour la cotation des actes ;
  • Définition d’un nombre cible d’actes par heure défini pour certaines spécialités.

Respects des ratios de gestion

  • Une masse salariale dont la part dans le chiffre d’affaire doit être comprise entre 65 % et 75 % des recettes dégagées ;
  • Le principe d’une rémunération au pourcentage pour les professionnels de santé (15 % à 40 % selon les spécialités et les actes.) nous verrons que ce mode de rémunération ne satisfait pas franchement les médecins ;
  • Un loyer qui ne doit pas excéder 5% du Chiffre d’affaire ;
  • Enfin un rapport personnels administratifs / et praticiens qui doit être inférieur à 1/5 ce qui veut dire forcément plus de tâches de gestion pour les professionnels de santé.

Comme nous le voyons, dans ce qui est abordé plus haut, la leçon de l’efficience – coûts a été retenue par les concepteurs du modèle, toute la question est maintenant de savoir, si elle répond bien aux besoins identifiés en matière de santé (et si ceux-ci le sont bien par ailleurs…) et par ailleurs si les prestation proposées sont bien à même de remplir l’objectif de prévention et d’efficacité des soins et du suivi des patients, ainsi que les bonnes conditions de travail des professionnels de santé opérant dans ces centres. Ce sera l’objet de notre prochain article.