«Entendons-nous bien, je ne rêve pas de me fondre dans la masse, ni d'adopter les loisirs de mes pairs... Certains rêvent d'une console de jeux, d'un poney ou d'un prince charmant... Mon domaine à moi, ce sont les bibliothèques et les librairies...»
Louise est élève en Cinquième ... et ne se prend pas pour de la crotte ! Elle est très sûre d'elle, dans le sens où elle n'a jamais manqué d'amour, ses parents sont aux petits soins pour elle, ni d'accès à des loisirs comme la danse classique, la lecture, la chorale et le théâtre. Notre demoiselle est, en quelque sorte, élitiste. Même ses meilleures amies doivent la conforter dans son statut de fille brillante et admirable.
Détestable, la Louise ? Même pas. Car l'histoire va soudainement la malmener, avec l'arrivée d'une nouvelle élève dans sa classe. Elle s'appelle Manon, elle est douée et très intelligente. Par contre elle est issue d'un milieu modeste, Louise le sait, car les parents de Manon ont acheté sa robe de communion le jour du vide-grenier et depuis elle ne fait que la porter pour aller à l'école (comble du comble, elle joue aussi au foot avec !).
Louise est très snob, très prout-prout. Elle a pour habitude de mettre tous les adultes dans sa poche, d'être l'objet de leur admiration, une fille si jeune et déjà si cultivée... Battement de sourcils frénétique. Sauf qu'avec l'arrivée de Manon, on lui vole la vedette. Leur prof décide de lancer un projet d'opéra, en montant Carmen, un rôle sur mesure pour Louise, pense-t-elle... Han, han, c'est le début de la dégringolade !
Louise, donc, va perdre confiance en elle. Et comme c'est une jeune adolescente, sensible et vulnérable, elle ne va pas gérer la situation et donner à chaque petit événement une proportion démesurée. Tout le talent de Fanny Chiarello réside dans le fait d'avoir toujours su guider notre façon de penser, de ne pas détester cette héroïne bien prétentieuse, de cerner son mal-être, d'avancer dans cette histoire à tâtons, au rythme de la narratrice, et de savoir sourire devant ses raisonnements, parfois, saugrenus.
Encore une fois, l'histoire cherche à nous montrer que la culture est accessible à tous, non pas réservée à une élite, et qu'il ne faudrait surtout pas juger Louise, piquée de jalousie qu'une fille comme Manon soit son égale. Il y a chez elle un mélange de tendresse et de naïveté, pas seulement de la pédanterie, et puis de toute façon elle va apprendre à redescendre sur Terre. Bizarrement, avec son tempérament insupportable, Louise donne à cette lecture un caractère pétillant !
Prends garde à toi, par Fanny Chiarello
Medium de l'Ecole des Loisirs, 2013 - illustration de couverture : Gabriel Gay