Il ne fallait pas manquer ce film de Seann Penn qui est passé mardi soir et auquel j’avais consacré un plus long article en février 2008… Il raconte l’histoire vraie de Christopher MacCandless,
22 ans et promis à un brillant avenir. Alors qu’il est en passe d’intégrer la grande université de Harvard, il prend la route et abandonne tout. Le voilà lancé en direction de l’Alaska dont il
fait un motif obsessionnel, « the wild ».
Dakota, Colorado, Californie, route, rail, rapides, voitures, trains de marchandises, kayak… Aventure semée de rencontres et de
confrontations au bout de laquelle celui qui a choisi comme pseudonyme « Alexander Supertramp » entre en pleine fusion avec la nature âpre et sauvage d’Alaska où il devient un loup
d’abord enragé puis famélique…
En même temps que le récit d’une aventure haute en couleurs, le film offre un tableau très juste des Etats-Unis,
marqué par les fausses valeurs d’une politique de la promotion personnelle, d’une éducation fondée sur l’argent, d’une éthique qui érige la réussite professionnelle comme principe unique.
Dans ce contexte, le libre penseur apparaît toujours comme un marginal, un dérouté. Les immeubles, les voitures, la
densité du trafic, la rigueur de la loi et la présence obsédante de la police l’écrasent et le défient constamment. (Terrible image de Los Angeles au milieu du film…) Seule, la nature américaine
promet les grands espaces et un cadre propice à l’épanouissement et aux fantasmes de la vie sauvage, loin des interstates (le film montre les grands lacs, les torrents tumultueux du Colorado, les
massifs rouges du Grand Canyon, les rouleaux du Pacifique, les forêts d’Alaska et du Yukon cher à Jack London, souvent cité par Alexander Supertramp…)
La véritable motivation de Alexander Supertramp, c’est ce que London appelle « the Call of the
wild ». Ce magnifique roman qu’on traduit faiblement par « l’Appel de la forêt » et qu’on a encore trop tendance à considérer comme un roman pour enfants… Un enfant de collège,
avec bonbons, i.pod et portable dans les poches, peut-il aujourd’hui comprendre ce que c’est que le « call of the wild » ?
Alex l’a bien compris. Le film met en parallèle deux périodes : celle de la quête de l’Alaska et
celle de son séjour dans une carcasse de bus perdu au cœur de la nature.
Un Ecossais, John Muir, a posé il y a plus d’un siècle le principe selon lequel « Wilderness is a
necessity ». A partir de ce principe, il a créé les grands parcs de Yellowstone et Yosemite. Alex a trouvé que cet appel valait bien mieux que celui de la réussite sociale. La route qui le
mène en Alaska est semée de rencontres et de temps forts : le hippie et sa femme qui revivent en sa compagnie les heures fortes de leur jeunesse. Le vieux retraité qui veut faire de lui son
héritier et qui réapprend l’enthousiasme à ses côtés. La jeune fille sensible et artiste qui tombe amoureuse de lui… Le fermier qui tient une grosse exploitation et qui l’embauche pour un temps.
Tous sont charmés par ce garçon dont l’énergie les ébranle et dont la silhouette fugitive les ramène aussi jusqu’aux racines de leurs rêves.