John "Nostradamus" Brunner et le Zanzibar

Publié le 27 mars 2013 par Blabla
Aujourd'hui chez les terriens ... une geekette a découvert un écrivain étonnant.
Tous à Zanzibar, de son titre original Stand on Zanzibar, est un roman de science-fiction écrit en 1968 par un britannique, John Brunner.  Ce monsieur, qui a marqué la littérature SF tout comme ses comparses Frank Herbert (Dune), Isaac Asimov (Fondation), ou Philip K. Dick (Chroniques martiennes), pour ne citer qu'eux, se révèle à présent être un grand visionnaire, pour ne pas dire un voyant, un devin, bref, un Nostradamus moderne ... Car si on lit son livre aujourd'hui, on serait en droit de se dire "hey mais attends, c'est pas de la SF ça !". Oui, ça n'en n'est plus vraiment, en effet ... 

Avant toute chose, rappelons ce qu'est la science-fiction :
C'est un genre narratif principalement littéraire et cinématographique structuré par des hypothèses sur ce que pourrait être le futur ou ce qu'aurait pu être le présent voire le passé (planètes éloignées, mondes parallèles, uchronie, etc.), en partant des connaissances actuelles (scientifiques, technologiques, ethnologiques, etc.). Elle se distingue du fantastique qui inclut une dimension inexplicable et de la fantasy qui fait souvent intervenir la magie.Cette description générale recouvre de nombreux sous-genres, comme la hard science-fiction, qui propose des conjectures plus ou moins rigoureuses à partir des connaissances scientifiques actuelles, les uchronies, qui narrent ce qui se serait passé si un élément du passé avait été différent, le cyberpunk, branché sur les réseaux, le space opera, la speculative fiction, le planet opera, le policier/science-fiction et bien d’autres.Cette diversité de la science-fiction rend sa définition difficile. Mais, bien qu'il n'existe pas de consensus à propos d'une définition de la science-fiction (presque tous les écrivains ont donné leur propre définition), on admet généralement que certains mécanismes narratifs caractéristiques doivent être présents dans une œuvre pour que l'on puisse la classer dans ce genre. Ainsi, The Cambridge Companion to Science Fiction propose-t-il une synthèse de ces caractéristiques par la formulation de plusieurs réquisits dont l'absence semblerait interdire de parler de science-fiction.

Le roman Stand on Zanzibar de Brunner s'inscrit dans une tétralogie dite prospective, écrite entre 1968 et 1972, dans laquelle l'auteur dresse une fresque de l'avenir proche, celle du début du 21e siècle, avec le réalisme d'un reportage d'actualité. Il divise son propos en 4 thèmes principaux : la surpopulation démographique (Stand on Zanzibar - Tous à Zanzibar), la fracture sociale et la désagrégation des villes (The Jagged Orbit - L'Orbite déchiquetée), le destruction de l'environnement (The Sheep Look up - Le troupeau aveugle), les effets sociaux de l'informatique et des réseaux comme Internet (The Shockwave Rider - Sur l'onde de choc). L'époque de ces livres ? 2010, précisément.
Et c'est là où la chose est étonnante et où, en lisant ces livres on se demande s'il s'agit réellement de science-fiction. Car si cela en était à sa sortie, aujourd'hui ces livres ne font que décrire ce que nous vivons réellement. Une simple description de notre société actuelle ... écrite il y a un peu plus de 42 ans (oui, j'aurais pu dire précisément 45, mais 42 c'est quand même plus classe, et puis, en 2010, ça faisait 42 ans, na !). 
Voyons plutôt ce résumé :
En 2010, le nombre des êtres humains est tel que, s'ils se tenaient au coude à coude sur l'île de Zanzibar, ils la recouvriraient en entier (d'où le titre). La surpopulation entraîne la disparition de toute sphère privée, un contrôle génétique draconien et une anarchie urbaine généralisée. La pollution fait qu'à New York, des distributeurs d'oxygène sont à la disposition de ceux qui ont besoin de faire le plein avant de traverser les rues. La consommation de tranquillisants, pour limiter les nécessaires tensions sociales dues à la promiscuité, s'est généralisée.
Les radiations ont entrainé l'augmentation du taux des maladies héréditaires à un tel point que des mesures draconiennes sont prises : les individus porteurs sont automatiquement stérilisés et seuls se reproduisent ceux qui ont des caryotypes sains. L'eugénisme est développé. Évidemment, la liberté individuelle est résolument refusée.
À New York, Norman, un jeune Afro-Américain, travaille pour la toute-puissante General Technic Corporation dont le superordinateur Shalmaneser organise l'achat pur et simple d'un pays africain. Son compagnon d'appartement, Donald, apparemment un simple étudiant, est en fait recruté par les services secrets qui l'envoient s'emparer de la découverte d'un généticien d'un pays du tiers monde qui ferait de tous les nouveau-nés des génies prédéterminés.

Jusqu'ici, on est en plein dans la science-fiction, on est d'accord. Mais c'est en analysant certains détails (beaucoup de détails) qu'on se rend compte de la qualité de visionnaire de Brunner. Voici quelques uns de ces "détails". Rappelons que ce livre, Tous à Zanzibar, a été écrit en 1968 !
  • Le monde de Zanzibar est dirigé par un meneur populaire nommé Président Obomi. Une sonorité qui ne nous est pas étrangère, depuis 2008 ... Bon, ok, notre Obama ne dirige pas la planète entière, mais quand même, c'est assez étonnant pour être notifié.
  • La plus grande source d'instabilité et de violence vient des terroristes. Considérés comme la menace principale des États-Unis, ceux-ci projettent de s'en prendre aux gratte-ciels américains. Cela n'est pas sans rappeler un certain 11 Septembre 2001 ... 
  • Les États-Unis ne sont désormais plus en rivalité avec l'Union Soviétique mais avec la Chine. Ces deux superpuissances s'affrontent désormais sur le plan économique, commercial et technologique et non plus sur un plan militaire. Là, on ne peut pas faire plus clair et contemporain. 
  • Les Européens ont formé une union de nations pour améliorer leurs perspectives économiques et influencer le monde des affaires. La Grande-Bretagne, elle, reste en dehors de cette alliance et tend plutôt à se ranger du côté des États-Unis. Pareil, on connaît bien ... 
  • L’Afrique demeure loin derrière les autres continents en terme de développement. L’Israël pour sa part est toujours le centre des tensions du Moyen-Orient. Oui, bon, ok, avec Israël on ne prend pas trop de risque à parler de tension, mais tout de même. 
  • Les personnes homosexuelles et bisexuelles sont devenues monnaie courante et n'ont plus peur de s'afficher. Ah ça, c'est on ne peut plus d'actualité !
  • Un médicament pour améliorer les performances sexuelles a été mis sur le marché et on ose même en faire des publicités. Ouais, ne faîtes pas genre vous savez pas que la petite pilule bleue du bonheur est en vente depuis 1999 ... 
  • Le mariage est en déclin et la jeune génération préfère les relations courte-durée, sans engagement officiel. Oui et non, certes, mais il faut bien avouer que le taux de divorce ne cesse d'augmenter.
  • Les chaînes de télévision sont devenues globales grâce au satellite. Et il est même possible de regarder une émission en différée. Crévindiou, Brunner savait qu'on aurait des box avec le replay ! il est trop fort, vraiment !
  • Les sièges d'avion sont équipés d'écrans de télévisions sur lesquels les passagers peuvent visionner les news ou des vidéos.  Voilà voilà, que dire de plus ... 
  • Les documents informatiques sont générés par des imprimantes laser. Alors certes, le laser existait déjà en 1968, mais c'est bien plus tard, dans les années 80, que ses possibles utilisations pour le grands publics ont commencées à être mises en place, avec les CD notamment. Et vous savez tous que les imprimantes laser, c'est assez récent. Bon, par contre, Brunner n'a pas vu venir les imprimantes 3D ^^.
  • La cigarette a été marginalisée par les autorités tandis que la marijuana est en passe d'être décriminalisée. Certes, la Marie-Jeanne n'est pas encore la tasse de thé de la plupart des gouvernements, mais la disparition de la clope dans les lieux publics, elle est bien réelle. 

Et je ne parle là que du premier tome !
Prédictions ou juste bon sens et observations poussées, on ne le saura peut être jamais, mais ce qui est certains c'est que Brunner figure parmi les grands noms de la SF, et ce n'est pas pour rien.
Allez zou, j'crois que j'm'en vais aller m'acheter toute la saga tiens !