Coup d'essai du journaliste culture de France Inter, Frédéric Pommier, en tant qu'auteur dramatique. On ne parlera pas de coup de maître, mais son "Prix des Boîtes" qui nous est proposé à l'Athénée jusqu'au 13 avril seulement se révèle une intense et fort jolie partition sur la fin de vie (inspirée de personnages réels), simple et vraie, magistralement interprétée par Catherine Hiegel et Francine Bergé. A voir absolument.
Deux vieilles soeurs jamais mariées, sans enfant, vivent à quelques mètres l'une de l'autre en compagnie de leurs chats. Se voient quotidiennement. Partagent leurs déjeuners, dîners et souvenirs. S'aiment mais se chamaillent en permanence. Un jour la "grande" développe les premiers symptômes d'Alzheimer. La "petite" la prend en charge à son domicile. Se fait très vite aider d'une auxiliaire de vie, la maladie avançant à grand pas. Puis se résout à l'hospitalisation, avant de tenter d'adoucir comme elle peut les derniers moments de sa soeur, emmurée dans un silence régulièrement brisé par d'inexpliquables et insoutenables crises.
Ne sombrant jamais dans le pathos, Frédéric Pommier évoque avec justesse, fantaisie (car on rit beaucoup) et tendresse la maladie bien sûr, mais aussi l'entourage parfois intéressé des personnes vulnérables, les médecins davantages préoccupés par leurs parties de golf que par leurs patients, la mise sous tutelle qui vous dépossède plus souvent de vos biens qu'elle ne vous protège, l'inhumanité avec laquelle sont traités les malades dans les établissements médicalisés (réduits au rang d'objets), volés, violentés... Des situations toujours dépeintes de manière percutante et concise dans une superbe fluidité narrative qui nous interrogent pertinemment, sans donner de leçon, sur la façon dont on "prend soin" de nos aînés.
Les deux actrices saisissent la vérité de personnages parlant forcément à chacun d'entre nous. La décomposition physique et mentale de Francine Bergé est prodigieusement glaçante. D'une précision et d'une subtilité remarquables. A mesure que sa soeur s'éteint, Catherine Hiegel redouble d'intensité dans son combat usant (qui la tuera également) pour préserver dignité et humanité. En elle on sent l'amour, la douleur, la colère. Quelle puissance de jeu ! Et quel duo !
Francis Leplay (amusant médecin-golfeur), Sophie Neveu (impeccable tutrice sans âme), Liliane Rovère (auxiliaire de vie chapardeuse plus vraie que nature) et Raoul Fernandez (irrésistible faux ami changeant de sexe aux frais des vieilles dames) les accompagnent impeccablement dans une mise en scène de Jorge Lavelli aussi humble, élégante et poétique que l'écriture du journaliste.
Allez-y !
Photo : Cosimo Mirco Magliocca