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De la boîte verte à la boîte blonde

Publié le 15 avril 2008 par François Monti

Inconnu en francophonie, pas beaucoup moins en anglophonie – il n’a même pas de page wikipedia à l’heure où tout le monde en a une --, il pourrait simplement être un de ses innombrables soldats de l’ombre, compagnons de route des grands postmodernes et avant-poppers US des trente dernières années, de ceux dont on n’oubliera tout mais qui auront donné à l’époque où c’était nécessaire l’impression d’une vague créative qui portait les plus brillants éléments.Mais Toby Olson n’est pas tout ça et mérite sans aucun doute qu’on s’attarde un peu plus sur lui qu’on l’a fait jusqu’ici.

Né en 1937 – comme le Pynch’ – ce grand ami de Robert Coover s’est d’abord consacré à la poésie avant de publier son premier roman en 1976 sous le titre « The life of Jesus » -- biographie d’un homme prénommé Jésus comme tant d’autres dans le monde hispanophone et dont le récit de vie est en quelque sorte sous l’emprise de celui d’un Jésus bien plus célèbre. Sept ans plus tard paraît « Seaview », sans doute son titre le plus connu, celui pour lequel il reçu le prestigieux Pen / Faulkner Award ainsi que le Guggenheim fellowship et puis, en1986, « The woman who escaped from shame » -- jusqu’à aujourd’hui, seuls ces deux derniers titres étaient traduits. Depuis, six autres romans dont cette « Boîte blonde » qui arrive chez nous à travers la traduction de Bernard Hoeppfner publiée par les Editions passage du Nord / Ouest qu’on se réjouit de voir étendre son catalogue aux fictions anglo-saxonnes, en espérant qu’ils y abattent un travail aussi essentiel que celui abattu jusqu’ici avec les auteurs de langue espagnole.

Derrière le titre pointe déjà une interrogation – qu’est-ce que cette fameuse boîte – et elle sera suivie par de multiples autres, dont la moindre n’est pas celle de l’implication de Marcel Duchamp – c’est d’ailleurs une reproduction de son œuvre Etant donnés qui accueille le lecteur avant même la page titre. Le roman s’ouvre sur un mystérieux ballet meurtrier à Courbet -- Courbet dont on pourra comparer La naissance du monde à Etant donnés--, petite bourgade du désert de Sonora en 1949 : deux morts, plusieurs versions d’une même soirée qui va diriger le récit et sans doute la vie des personnages d’Olson de bout en bout. Etrange casting que celui de « La boîte blonde » : Roberto Martinez et Piston-brûlant, performers ambulant de démonstrations pornographiques live à l’époque du double meurtre, plus tard reconvertis respectivement en cultivateur et en prêtre ; Sandy Redcap, chercheuse pour le compte de Dick DeLay, auteur de science-fiction médiocre et aussi sexuée que sa vie ne l’est pas ; Jane Compton, archéologue présente à Courbet en 49, etc… Les personnages tour à tour étudiés et suivis par le narrateur, mais le livre est aussi divisé en deux parties – la première étant celle de la présentation, de l’élaboration, de l’essaimage de pistes et de question set la seconde celle de la quête – et en trois périodes temporelles : 1949, année du meurtre du génial musicien de la troupe de Roberto et d’un mystérieux homme cossu une nuit à Courbet, nuit dont les témoins du début ne cessent de se repasser le déroulement en boucle pour tenter d’interpréter les signes et de faire sens de ce qui reste incompréhensible ; 1969, année où tous les personnages se retrouvent pour tenter de résoudre le mystère de cette nuit fatidique et de l’étrange carte au trésor que le musicien bourré agitait dans le saloon de la dernière chance quelques heures avant d’être égorgé ; 2069, année où se déroule l’action du pénible roman de SF en court d’écriture par DeLay et dans l’intrigue duquel on retrouve les évènements de Courbet voire, qui sait, la réponse, la clé de l’énigme – et dont le héros débarquera dans le Courbet de 1969.

Mais quel est vraiment l’énigme ? La structure relativement complexe ne sert-elle pas à maintenir l’attention du lecteur sur les raisons du double-assassinat alors que l’intérêt du livre est définitivement ailleurs ? C’est de Duchamp qu’Olson parle et c’est certains thèmes de son œuvre qu’il développe derrière l’intrigue policière. Et d’ailleurs, la présence de MD et de Rrose Sélavy à Courbet en 1949 ainsi que les visites répétées – et descriptions subséquentes - à la salle qui abrite Etant donnés au musée de Philadelphie ne servent-ils pas eux-aussi de paravent mis entre les lecteurs et les résonances thématiques profondes pointées par Olson ? Tout comme les personnages cherchent les meurtriers et le trésor malgré la mémoire défaillante des protagonistes d’alors ou l’amateur d’art cherche ce qui se cache derrière l’œuvre de Duchamp, ne sommes-nous pas à la recherche du sens du roman malgré les embûches dressées par un auteur ?

Au fond, ce qui importe vraiment dans « La boîte blonde » n’est pas tant la quête ou le trésor ni même la clé de celui-ci, mais bien tout ce qui se passe autour, ces exhibitions, ce voyeurisme, cette tension sexuelle jamais assouvie sinon hors cadre,ces maladies, ces déchéances, ces morts et l’art qui reste. Tout ce qu’Olson voit dans Etant donnés. Excellent roman, aussi intrigant qu’un Duchamp .

Toby Olson, La boîte blonde, Editions passage du Nord / Ouest, 21€


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