Le député conservateur britannique Nick Herbert, invité par le think-tank libertarien Cato Institute à Washington D.C., explique pourquoi l’égalité pour les couples homosexuels est au cœur du projet de Big Society porté par le gouvernement de David Cameron. Extraits choisis.
Tribune de Nick Herbert au Cato Institute, Washington D.C., le 17.02.2010.
Mais je lisais également Conservatism in England de Hearnshaw, écrit avant la naissance de mon père en 1932. Celui-ci conclut « Aux conservateurs plus qu’à n’importe qui… revient la tâche de défendre la citadelle menacée de la civilisation et de maintenir le caractère sacré de la loi morale. » Les « révolutionnaires malavisés » du Professeur Hearnshaw n’étaient certes pas des activistes des droits des gays, mais son coup de clairon en faveur d’un conservatisme confessionnel reçoit beaucoup d’échos de nos jours.
La défense de l’égalité pour les homosexuels est-elle alors compatible avec le conservatisme ?
Aujourd’hui je voudrais expliquer pourquoi je crois que le conservatisme n’est pas entièrement compatible avec le principe d’égalité entre homosexuels et hétérosexuels… mais qu’une telle égalité est en fait un élément essentiel du conservatisme moderne. Je voudrais expliquer comment David Cameron a remodelé le Parti Conservateur au Royaume-Uni. Comment nous avons développé un programme conservateur progressiste afin d’assurer des buts sociaux importants par des moyens conservateurs. Comment nous avons fait de l’engagement à l’institution vitale du mariage une partie centrale de notre programme. Et pourquoi nous croyons que cette institution est renforcée, pas affaiblie, par l’extension de son champ aux relations de même sexe.
Je ne suis pas ici pour prêcher ou pour intervenir dans vos affaires. Mais je peux vous dire ce qui arrive à un parti lorsqu’il ferme ses portes à des pans de notre société et qu’il est réduit à son noyau d’électeurs. Ça n’est pas très amusant d’être dans l’opposition pendant treize ans. Et je peux vous dire ce qui arrive lorsqu’un parti rouvre ses portes et élargit son appel.
Un parti politique qui gagne devrait être ouvert à tous et ressembler un peu au pays qu’il espère gouverner. Dans l’histoire récente, le Parti Conservateur ne reflétait au Parlement qu’une section de notre société – hommes, blancs, actifs, costumes sombres et hétérosexuels.
Les dirigeants de notre parti ont alors reconnu le besoin de changer. Changer parce que nous sommes un parti national qui a besoin de pouvoir parler à et parler pour toutes les sections de notre société. Comme disait David Cameron lundi, « Tant que vous ne représentez pas chacun des citoyens de votre pays, vous ne pouvez être le parti d’une nation ».
Nous avons maintenant plus de candidates femmes, plus de candidats noirs ou des minorités ethniques et plus de candidats homosexuels. En fait, si aux prochaines élections nous obtenons à la Chambre des Communes une majorité d’un seul siège, nous aurons plus de députés ouvertement homosexuels que le Parti Travailliste. Le Parti Conservateur n’a pas reconnu tout seul qu’il y avait un besoin de changement : les candidats homosexuels ont été sélectionnés par les militants locaux – et pas imposés par les dirigeants.
Dans son premier discours à la Conférence conservatrice comme leader du parti, David Cameron a dit quelque chose d’extraordinaire. Défiant les critiques qui affirmaient que les leaders de partis ne pourraient plus exprimer une préférence morale pour l’institution, il parla de l’importance de l’engagement et du mariage comme fondement de notre société. Puis il ajouta : « et au passage, cela a un sens que vous soyez un homme et une femme, une femme et une femme, ou un homme et un autre homme. » Et lorsqu’il prononça ces mots, les délégués applaudirent. Non pas un frémissement d’applaudissement sans conviction, mais un éclatement spontané d’approbation. À ce moment-là, nous sûmes que le Parti Conservateur et la politique anglaise avaient changé.
David Cameron a mis le mariage au centre de notre profession de foi pour l’élection qui suivit, expliquant que la société était cassée, et que nous devions reconnaitre l’importance du mariage pour promouvoir un environnement stable dans lequel élever des enfants. Mais en promouvant le mariage, il n’a pas cherché à dénigrer ou exclure les homosexuels. Au contraire, nous avons reconnu que l’engagement et la stabilité sont importants dans toutes les relations.
Ceux qui s’opposent à la reconnaissance légale des partenariats homosexuels affirment souvent que les gays ont des modes de vie débauchés. Mais il y a peu d’incitations sociales du type que les conservateurs devraient naturellement soutenir pour permettre aux homosexuels de s’engager. Il y a peu de supports sociaux, aucune institution pour encourager la fidélité ou la monogamie et tellement peu de programmes religieux ou moraux pour guider les homosexuels dans ce qui peut être vu comme un mode de vie plus vertueux. C’est donc une bonne chose de reconnaitre l’engagement dans les couples gays.
Dans le même temps, nous devrions rejeter toute discrimination contre les couples homosexuels qui souhaiteraient adopter. Je crois que le meilleur arrangement parental est représenté par un bon père et une bonne mère, et que les enfants ne devraient jamais être traités comme une sorte de bien de consommation de valeur élevée. Mais l’idéal d’un père et d’une mère aimants et présents n’est souvent pas réalisé. Nous ne devrions donc pas essayer d’empêcher l’adoption aux couples de même sexe qui pourraient offrir l’amour et la stabilité qui sont absentes de tant de foyers.
Nous devrions éviter de considérer que quels que soient leurs talents, malgré la contribution qu’ils puissent rendre, il y a des choses que certains ne peuvent accomplir du fait de leur sexualité.
Le conservatisme progressiste
Je ne crois pas que le conservatisme devrait être un club fermé. Nous devons être ouverts à chacun parce que nous pensons que chacun doit avoir une chance. Le conservatisme a toujours été un principe qui unit. Nous sommes conservateurs parce que nous croyons à une défense forte et à un État nation, parce que nous croyons à la responsabilité et à la justice, parce que nous voulons renforcer la société et limiter l’État, parce que nous sommes sceptiques envers l’État et nous avons foi dans nos institutions et nos familles.
Il s’agit d’utiliser la philosophie et la politique conservatrices radicales pour servir véritablement des buts progressistes. Il s’agit de favoriser la démocratie, l’engagement et la responsabilité localement en rendant les pouvoirs aux municipalités, aux quartiers et aux individus. Il s’agit de poursuivre une politique familiale qui consiste à laisser les parents prendre la responsabilité de l’éducation de leurs enfants, leur permettre de créer leurs propres écoles afin de donner à chacun une vraie chance dans la vie. Il s’agit de développer des approches audacieuses pour combattre la pauvreté et l’inégalité sous toutes ses formes, par un engagement plus actif dans le bénévolat et l’encouragement d’une révolution dans la responsabilité sociale. Et il s’agit de reconnaitre que la société existe réellement, ce qu’on ne peut pas dire de l’État.
Si nous nous opposons à l’égalité des opportunités, qui devrait être un article de foi pour la Droite, elle devient le monopole de la Gauche, et pervertie par son projet d’intervention étatique, de dirigisme et de contrôle central, elle cesse d’être un moyen de libérer la voie pour laisser les gens avancer.
Consensus sur les questions homosexuelles
Au Royaume-Uni, les trois principaux partis assurent maintenant aux gays qu’ils peuvent voter pour eux. Comme souvent, au lieu de se féliciter de ce nouveau consensus, la Gauche l’a accueilli avec désarroi. Pendant plus d’une décennie, ils ont travaillé à construire un état clientéliste, où les groupes étaient redevables de leur générosité. Et maintenant que les élections approchent, ils affirment que nous n’avons pas changé. Mais il tombe sous le sens que nous avons changé. Je suppose, à mon échelle, que ma présence ici est une preuve de cela.
La vérité est qu’il y a des millions de gens que nous rejetons alors qu’ils partagent nos valeurs et veulent nous rejoindre. Les homosexuels ne sont pas la propriété de la Gauche ni d’aucun parti. Ils ne sont pas un groupe de pression ou une marchandise politique à acheter. Ce ne sont pas des réserves de voix. Les homosexuels sont motivés par les mêmes sujets que n’importe quels autres électeurs et ils voteront pour le parti politique qui représente le mieux leurs opinions.
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Morceaux choisis de la conférence du 17.02.10 de Nick Herbert au Cato Institute.
Traduction : Geoffrey B. pour Contrepoints.