Leçon de Jazz d'Antoine Hervé: " The Atomic Mister Basie "

Publié le 26 mars 2013 par Assurbanipal

Leçon de Jazz

d’Antoine Hervé

« The Atomic Mr Basie »

Paris. Auditorium Saint Germain.

Lundi 25 mars 2013. 19h30.

Antoine Hervé : piano, enseignement

Big Band du conservatoire du Xe arrondissement de Paris sous la direction de Pascal Gaubert.

 

La photographie d' Antoine Hervé est l'oeuvre de l'Eminent Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.

Les propos tenus ici par le professeur Antoine Hervé, Jazzologue, sont ceux que j’ai retenus et retranscrits. Toutes les erreurs, omissions et imprécisions sont miennes.

Count Basie est né à Red Bank dans le New Jersey en 1904. Il vivait dans un domaine dont son père était le gardien, celui du juge White (authentique !). Il savait soigner les chevaux et les monter. Il a pris des leçons de piano avec sa mère. Il voulut être batteur mais il renonça lorsqu’il rencontra Sonny Greer, LE batteur de Duke Ellington. Il fut animateur de radio, improvisant en direct avec l’orchestre à l’antenne. Voir le film « Radio Days » de Woody Allen pour comprendre cette ambiance et cette époque. L’orchestre de Basie était la « Machine à Swing ». Il faisait des head arrangements (arrangements de tête) c’est-à-dire des improvisations avec l’orchestre. 

Démonstration par le professeur Antoine Hervé qui lance un thème pour la section de saxophones, un autre pour les trombones, un troisième pour les trompettes. La rythmique enchaîne et c’est parti pour un Blues

De jour en jour, les musiciens s’appropriaient les morceaux en les jouant, les travaillant, les mémorisant. Démonstration de stride, cette pompe particulière aux pianistes de Jazz des années 20-30.

« The kid from Red Bank ». Ca swingue terrible, donne envie de danser, de taper des pieds et des mains mais le public reste sage et attentive. C’est la Leçon de Jazz d’Antoine Hervé, saperlipopette ! La rythmique (piano, guitare électrique, batterie, contrebasse de gauche à droite de l’orchestre) assure les thèmes, les variations alors que les cuivres relancent la machine. Si Antoine Hervé joue le rôle de Count Basie, il y a un chef d’orchestre qui dirige avec les mains, sans baguette, Pascal Gaubert. 

Basie arrive à New York en 1924. Il jouait dans des shows burlesques avec des girls, bref il vivotait. Il jouait à l’économie, avec très peu de notes mais très efficaces, très bien place rythmiquement. C’est pourquoi Thelonious Sphere Monk fut qualifié de disciple de Count Basie bien que leurs styles soient si différents (voir la video où Monk joue sous l’œil amusé et intéressé de Basie). 

« Shiny stockings » («  Bas brillants » en français), un swing implacable, une sensualité exacerbée comme l’indique le titre. Les bas, plutôt en soie qu’en nylon, merci. Ca swingue tranquille avec des effets de wah wah des trombones. Puis les pavillons s’ouvrent et ça sonne plus dur. Solo de trompette tranquille devant l’orchestre.

1925 : Basie continue de galérer. Il accompagne des chanteuses de Blues qui l’emmènent à Saint Louis, La Nouvelle Orléans, Chicago. Il participe à des rent parties : des fêtes où on boit, mange, joue chez l’habitant et où les contributions des participants servent à payer le loyer. Invitez vos voisins avant d’en organiser une chez vous !  Dans l’orchestre de Jazz, les violons sont remplacés par les saxophones. Ce sont eux qui donnent l’atmosphère romantique, sensuelle.

« Lil’Darlin » chanté en français par Henri Salvador sous le titre de « Count Basie » tout simplement (je vous ai trouvé la version en concert en 1958 avec l'orchestre de Count Basie, s'il vous plaît, lectrices exigeantes, lecteurs sélectifs). Le piano introduit. Une merveille de moelleux. Le tempo est extrêmement lent. Rien ne presse, rien ne stresse. Un trompettiste quitte sa place, va devant l’orchestre pour un solo, la main devant le pavillon pour un son wah wah. Il y a de longues plages sans piano. En club, le Count surveillait l’orchestre depuis le bar, ne s’asseyant à son piano que lorsqu’il le jugeait nécessaire. 

« Flight of the foo bird ». Morceau qui respire la bonne humeur, qui annonce l’avenir (le Be Bop) tout en restant classiquement compose en AABA. Forme très claire et très dansante. Les trompettes jouent avec des sourdines Harmon (surnommés sourdines Miles en hommage à Miles Davis qui en fit si bon usage) pour commencer. Les 3 sections de souffleurs sont composées ainsi de bas en haut de l’orchestre : une section d’anches avec deux sax alto, deux sax ténor, un sax baryton, deux sections de cuivres avec 4 trombones et 4 trompettes.

« Hay Burner », un morceau paysagiste qui a inspiré les musiques de western et de séries télévisées. En effet, cela évoque la marche des convois vers l’Ouest. Ca commence calmement, s’agite brusquement pour revenir calme l’instant d’après. Le voyage n’est pas de tout repos mais ça avance.

Fletcher Henderson a offert des arrangements à William « Count » Basie pour l’aider à se lancer. Basie jouait d’oreille. Puis il a rencontré Sammy Nestico, grand arrangeur. Avec l’orchestre, Antoine Hervé démontre la polyrythmie qui vient de la source africaine du Jazz puis l’homorythmie qui vient de sa source européenne. Démonstration de l’orchestre du pianissimo au fortissimo. Après avoir joué le morceau par extraits, l’orchestre le joue tout entier. « Straight ahead ».

La radio a lancé Basie et son orchestre. Après les avoir entendu, Lester Young (sax ténor) décida d’aller les rejoindre. Count Basie n’enregistra son premier album comme leader qu’à l’âge de 33 ans en 1937 chez Decca à Chicago. C’était tard. Herschel Evans, autre sax ténor, entra aussi dans l’orchestre. Lester Young est le père spirituel du Cool, jouant du sax ténor assis, le tenant à l’horizontale. Hershel Evans avait lui un son « velu », viril. Le contratse entre les deux faisait la richesse du son des sax de l’orchestre. 

« In a mellow tone » (Duke Ellington). Le Comte de Basie respectait le Duc d’Ellington et réciproquement. La preuve, ils ont réuni leurs orchestres pour un album commun «  The first time ! The Count meets the Duke » (1961) vivement recommandés à tous les amateurs de Swing, à toutes les amatrices de cuivres rutilants. 

Dans les années 40-50, Count Basie comme Duke Ellington souffrit de la concurrence du Be Bop et des combos (small combinations : petits groupes). En 1956, le Newport Jazz Festival programma les grands orchestres de Count Basie et Duke Ellington qui repartirent de plus belle. Ils tournent encore dans le monde entier bien que leurs leaders et fondateurs soient morts. 

En 1958, l’orchestre enregistra « The Atomic Mr Basie » (avec un champignon nucléaire sur la pochette) arrangé par Neal Hefti, qui fit un triomphe. L’orchestre joue, tiré de cet album, « Duet », un duo de trompettes avec sourdine Harmon devant l’orchestre. Ca fait bien longtemps que je n’ai pas écouté cet album, qui figure dans ma discothèque, mais un thème de Basie arrangé par Neal Hefti est inoubliable. 

Dans chaque section de souffleurs, il y a un chef de section qui relaie les consignes du chef dans l’orchestre et les plaintes des musiciens vers le chef, comme le premier violon dans l’orchestre : la paie, les horaires, la musique, les répétitions, les concerts. Sauf qu’en classique, les musiciens peuvent virer le chef (comme Sergiu Celibidache viré du Berliner Philarmoniker puis, vingt ans plus tard, de l’Orchestre National de France) alors qu’en Jazz le chef crée l’orchestre pour lui, pour jouer sa musique et qu’il vire les musiciens qui posent problème comme Duke Ellington le fit envers Charles Mingus (Mingus raconte sa version des faits dans son autobiographie « Moins qu’un chien ») . 

En 1976, Count Basie eut une crise cardiaque ce qui ralentit sa carrière. Il mourut en activité en 1984, dans sa 80e année ce qui est un âge fort respectable pour un Jazzman. Le professeur Hervé nous explique les riffs, ces phrases répétitives mais pas lassantes qui gravent la musique dans les cerveaux des auditeurs. Exemple avec « Jumpin at the Woodside », toujours aussi efficace.

Après le Comte de Basie, le Duc d’Ellington. Antoine Hervé reviendra sur la scène de l’Auditorium Saint Germain, avec le Big Band du conservatoire du Xe arrondissement de Paris dirigé par Pascal Gaubert, le lundi 15 avril 2013 à 19h30, pour expliquer les secrets de fabrication d’un autre compositeur franc-maçon, comme Mozart et Louis Armstrong, Duke Ellington. It don’t mean a thing if it ain’t got that swing ! A comparer avec les Leçons de Jazz sur Duke Ellington données par le professeur Antoine Hervé en trio et en solo.

 

RAPPEL

Girl talk “, tire aussi de l’album “ The Atomic Mr Basie “, chanté en français par Claude Nougaro sous le titre “ Dansez sur moi “.  Superbe solo de saxophone alto par Baptiste Herbin, jeune musicien dont j’ai déjà entendu parler mais que je n’avais pas encore écouté. A tort manifestement. 

La Leçon de Jazz d’Antoine Hervé a de plus en plus de succès. Pour ce soir, m’avaient rejoint Mademoiselle L, Mademoiselle A, Madame G qui elle-même avait convié Monsieur S et Madame G à la rejoindre. La salle de l’Auditorium Saint Germain était pleine et je parie qu’elle le sera pour Duke Ellington le lundi 15 avril 2013 à 19h30. Pour autant, après juin 2013, les Leçons de Jazz d'Antoine Hervé, à Paris (elles se donnent dans toute la France, y compris Outre Mer) auront lieu dans une autre salle qui reste à déterminer. Comme spectateur, j’espère que les fauteuils y seront aussi confortables que ceux de l’Auditorium avec autant de place pour les jambes. Les élèves sont plus sages et mieux disposés pour écouter les leçons de Jazz du Professeur Antoine Hervé lorsque les conditions d’étude sont bonnes.

Prêts à décoller grâce à l'orchestre de Count Basie? Le Count lance lui même le show. Lectrices danseuses, lecteurs danseurs, échauffez vous. C'est parti! " Air Mail Special ".