Le Jury populaire en correctionnelle est apparu en Septembre 2010 lorsque
Nicolas Sarkozy a annoncé qu’il voulait « rapprocher le peuple de la
Justice ».
Louable intention en apparence, même si personne n’a été dupe sur les
motivations profondes de Sarkozy, qui n’avait qu’une idée en tête, compenser le
laxisme présumé ou réel des juges.
Je ne sais pas pourquoi, mais je me méfie toujours lorsque quelqu’un en
appelle au peuple contre telle ou telle « élite ». Le peuple auquel on
prête toutes les vertus, alors qu’il n’est ni plus ou moins qu’un assemblage
plus ou moins représentatif de gens comme vous et comme moi, voire même pire
(que moi en tout cas), et dont nous savons pertinemment qu’il ne dispose pas
que de vertus.
En l’occurrence ce n’est évidemment pas l’intervention de quelques personnes
tirées au sort qui va modifier sensiblement l’opinion que le citoyen a de la
Justice. Certes, pour la toute petite minorité désignée, on peut probablement
considérer que l’expérience est très instructive sur la nature humaine mais il
parait tout à fait illusoire d’imaginer qu’elle puisse permettre de rapprocher
Le Peuple de la Justice.
De plus, et sur le principe même, puisque les jurés sont parfaitement
incapables de juger selon le Droit, cela revient à faire une place plus
importante à l’émotion. Or, et même si les Juges ont une certaine liberté par
rapport au Droit, une des forces d’un système judiciaire moderne, est qu’ils
sont censés prendre le recul nécessaire pour ne pas juger dans l’instant, dans
l’émotion. Même s’ils doivent considérer chaque cas différemment, les Juges,
surtout au pénal, opèrent au nom de la Société et sur la base du Droit, et non
pas au nom de leurs propres sentiments ou idéologie ou sur la base de leurs
seules émotions.
Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas mettre des « gardes-fous »
afin d’éviter que des juges fassent de grosses erreurs de jugement comme dans
l’affaire d’Outreau, mais pas de cette manière.
Enfin, dernière raison pour approuver l’abrogation de cette mesure, c’est
son cout qui pèse sur une Justice qui manque déjà cruellement de moyens, et la
lourdeur qu’elle induit avec en corollaire l’allongement des délais de Justice
pourtant déjà également fort critiqués.
En ce qui concerne les peines plancher, elles aussi imposées par Nicolas
Sarkozy afin d’obliger la Justice à plus de « sévérité », la question me
semble très différente.
Rappelons que le principe de la « peine plancher» institué en 2007 et
élargi en 2011, prévoit une peine minimum pour les délits commis par des
récidivistes (2007) ou s’il y a eu violences « graves » (2011). Pour
autant, les Juges disposent d’une certaine latitude puisqu’ils peuvent
prononcer des peines inférieures, sous réserve qu’ils les justifient notamment
en détaillant les garanties de réinsertion du condamné.
Madame Taubira justifie l’abolition de la peine plancher sous le double
prétexte qu’elle «réduit la liberté d'appréciation des magistrats» et
qu’elle ne serait en rien efficace pour lutter contre la récidive. Les deux
affirmations semblent discutables.
La peine plancher se veut être une marque de fermeté affirmée haut et fort.
En clair, un signal destiné aux délinquants les avertissant qu’en cas de
récidive, la punition sera plus forte. Comment vérifier l’efficacité d’un tel
signal ?
Et même si elle est probablement faible, pourquoi la Société ne pourrait pas
affirmer que la responsabilité du délinquant augmente en cas de récidive et
qu’en conséquence, pour un délit donné une peine minimum doit être
appliquée.
A contrario, abolir les peines plancher, n’est-ce pas envoyer le signal
inverse, un signal de laxisme. Et même si comme le dit Madame Taubira, les
délinquants n’en tiennent pas compte, un tel symbole est-il heureux vis-à-vis
de la population qui a déjà tendance à considérer, à tort ou à raison, que la
Justice fait trop souvent preuve d’une indulgence coupable.
Quand à la réduction de la « liberté d’appréciation des magistrats »,
elle est certainement réelle, mais dans quelle mesure ? Puisqu’ils en ont
la possibilité, je ne doute pas qu’à chaque fois qu’un magistrat aura souhaité
déroger à cette peine plancher, il l’aura fait. Autant la disparition des Jurés
populaire en correctionnel me semble être une mesure de bon sens, autant
l’abolition des peines plancher me semble relever d’une part d’une remise en
cause systématique de la politique dite « sécuritaire » de Nicolas
Sarkozy et d’autre part d’une idéologie qui amène à toujours excuser l’individu
et minimiser sa responsabilité au détriment de celle supposée ou réelle de la
société.