La Fondation Henri Cartier Bresson présente aujourd’hui la collection Howard Greenberg, qui dénombre beaucoup de photos très connues. Mais qui est-il ? Et comment se constitue une collection ? Cette dernière comporte on le verra une unité et raconte avant tout une histoire.
Roman Vishniac, old ghettoC’est avec intérêt et passion qu’Howard Greenberg pratique la photographie. Son regard expérimente, apprend, et remet en cause les choses qu’il perçoit. Cette curiosité est celle qui nourrit son goût pour les images. Pourtant il abandonne la pratique photographique en1870, avec l’intime conviction qu’ « elle représente tout ce qui compte pour lui ».
Il essuie à ce moment là un refus d’une galerie new yorkaise qui lui inocule par là même le doute sur son activité. Par moment, il a l’impression aussi que toutes les grandes images ont déjà été prises. Pourtant son intérêt pour les images ne se tarit pas, ainsi il trouve dans le métier de galeriste la place qui lui convient. Il monte alors sa propre galerie à Woodstock dans laquelle il expose avant tout ce qu’il apprécie, loin d’une dimension trop commerciale.
Puis un jour alors qu’il avait fait une bonne vente, il considère une des photos, et se dit que si personne ne l’achète il le fera lui-même. C’est ainsi qu’il débute sa collection. Celle-ci se construit très progressivement, et surtout dans les 30 dernières années de sa vie. Il est conscient qu’on peut lui reprocher de garder les meilleures images pour sa collection, au lieu de les exposer, mais il reconnait que l’acquisition est difficile et coûteuse. Certaines photographies lui ont ainsi échappé.
Margaret Bourke-White LandsaleSe présentant lui-même comme un humaniste, il décrit sa photo comme étant le reflet de la vie des gens. Sa collection tourne autour des artistes du 20ème siècle. Il accorde une grande importance à ce qu’il appelle « le bon tirage de la bonne image trouvé au bon moment ». Comme Henri Cartier-Bresson parlait du « moment décisif », il parle de ce moment magique capté et saisi par le regard du photographe. A cela il y adjoint la notion de tirage qu’il juge essentielle parce qu’il la considère comme la restitution de la vision de l’artiste. Pour exemple, le tirage d’une grande simplicité des « Trois mineurs gallois » d’Eugène Smith utilisé pour la reproduction dans Life, et qui l’a beaucoup plus attiré que tous les autres qu’il avait pu avoir dans les mains. Le tirage est pour lui l’empreinte du regard. Ce nous permet de reconsidérer cet aspect de la photo, par delà l’image brute (que nous pouvons nous-mêmes trouver sur le web ou photographier avec un quelconque appareil).
les trois mineurs gallois, Eugene SmithSa collection est l’oeuvre d’une vie. On y lit l’unité que l’on explique sans doute par l’aspect très humain et très vécu des différentes images. Si l’on s’y intéresse de près, on voit cohabiter deux approches qui nous sont présentées en introduction : « l’aspect expérimental de la photographie qui s’interroge comme médium (Sudek, Kinszki, Rodchenko) et l’aspect documentaire, porté par sa fonction d’enregistrement du réel (Evans, Lange, Smith) ».
Déjeuner Rockfeller Center, Hamilton WrightParce qu’elle pose la question de la constitution d’une collection, et que l’on voit à quel point une collection raconte une histoire et reflète la passion de son possesseur, l’exposition est captivante. On peut ainsi s’amuser à rapprocher d’un des deux aspects qui motive l’acquisition des photographies, chacune d’entre elles. Puis rapidement on est pris par la force de ces dernières, touchés par les personnages ou par les situations. On revoit avec bonheur les photos de Franz Capa, les jumelles de Diane Arbus, ou le déjeuner en haut du Rockfeller Center d’Hamilton Wright.
Repaire de bandits, Jacob RiisEt on découvre avec plaisir certaines images très fortes, pleines de vie : l’entrée du ghetto de Roman Vishniac, ou le repaire de bandits de Jacob Riis ou les deux femmes sur le seuil d’une maison à Landsdale en Arkansas de Margaret Bourke-White ou le Couloir de Roy DeCarava qui en dit ceci « Si je ne devait choisir qu’une seule photographie, je pense que ce serait « Hallway », tout simplement parce que c’est une de mes premières photographies un peu distancée (…) Elle me ramenait à tout ce que j’avais expérimenté dans mon enfance ».
A toutes les images s’ajoutent parfois les mots des photographes, dont le propos est souvent très juste et illustre la discipline artistique même. Josef Sudek dit ainsi « Tout ce qui surgit, mort ou vif, aux yeux d’un photographe inspire prend mystérieusement différentes formes : un objet vient à la vie grâce à la lumière ou a à ce qui l’entoure. Et si le photographe est un peu talentueux, il pourra en faire quelque chose – j’imagine que cela s’appelle la poésie ».
A voir :
Howard Greenberg Collection
à la Fondation Henri Cartier Bresson
Jusqu’au 28 avril
2 impasse Lebouis
75014 Paris