Pour faire suite à ce premier billet au sujet des émeutes de la faim, replantons une fois encore le décor… et ce à partir du constat unanime des nombreux articles publiés depuis quelques jours…
Au Kenya, le prix de la nourriture a connu presque les mêmes niveaux spectaculaires de croissance. On met en garde contre les risques d’anarchie si rien n’est fait…
En Egypte, on se bat pour obtenir quelques galettes de pain, à cause de la flambée des cours du blé.
Des tensions sociales et des émeutes contre la vie chère éclatent un peu partout, comme au Cameroun, en Côte d’Ivoire et en Mauritanie, où des incidents se sont produits.
En Thaïlande, des gardes armés surveillent les rizières pour protéger les récoltes contre les voleurs.
Le Cambodge et le Vietnam ont interdit ou réduit leurs exportations pour préserver leur marché national.
Au Mexique, le gouvernement libéral, confronté à la colère populaire (”sans maïs, pas de pays”), a dû intervenir pour contrôler le marché du maïs.
En Egypte, au Maroc, au Burkina Faso, au Cameroun, en Mauritanie et en Côte d’Ivoire, la police est intervenue pour détruire les barricades érigées par les familles en colère qui ont de plus en plus de mal à se nourrir…
Ce second volet essaye de faire le point sur les causes d’une telle crise et les quelques solutions éventuellement envisageables…
AP/B.K.Bangash - Une Pakistanaise d’Islamabad en pleurs après avoir évoqué une récente flambée des prix qui ne lui permet plus de subvenir aux besoins de sa famille.
Insécurité alimentaire: qui sont les responsables ?
Au banc des accusés, parmi les facteurs responsables de cette insécurité alimentaire, on retrouve plusieurs éléments ne relevant pas tous d’un effet conjoncturel.
En premier lieu, citons la demande accrue des pays émergents (Chine, Inde, Brésil…): la démographie et le niveau de vie y augmentent très rapidement. Les “besoins” ont suivi la hausse, stimulant la consommation, si bien que les personnes qui vivaient de peu auparavant sont devenues de gros consommateurs. La production agricole n’a pu suivre une telle poussée de demande.
En 2007, la production de céréales a augmenté et elle devrait encore progresser en 2008, selon la FAO. Mais la demande mondiale est en forte hausse, si bien que les stocks mondiaux s’amenuisent d’une année sur l’autre. Pour le secrétaire général du Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes (Ciheam), Bertrand Hervieu, “le plus surprenant, c’est l’explosion de la demande des pays émergents comme la Chine et l’Inde. Elle se rapproche des standards internationaux avec une consommation de viande et de lait en hausse”. Les besoins en alimentation du bétail se trouvent aussi sollicités.
La réduction des surfaces cultivées et l’urbanisation croissante expliquent aussi les difficultés actuelles.
Les conditions climatiques et le réchauffement planétaires sont également responsables: sécheresse et inondations détruisent les récoltes. Sans parler de la hausse des prix de l’énergie, qui se répercute sur le prix des intrants (semences, pesticides, engrais). La hausse des prix du pétrole pèse aussi sur les coûts du transport si bien qu’en un an, la facture céréalière des pays importateurs a crû de 56 %.
L’usage accru des agro-carburants utilisant oléagineux, canne à sucre ou céréales réduit les surfaces destinées à l’alimentation. Chaque année, ce sont 100 millions de tonnes de céréales utilisées pour la fabrication de ces carburants que certains croient être “verts” par défaut… Désormais, aux Etats-Unis, le cours du maïs et du pétrole suivent la même évolution.
Et, comble de l’histoire, de nombreux pays en difficulté alimentaire qui tablent sur la production d’agro-carburants pour pallier la hausse des prix du pétrole. Nous allons donc voir les Philippines étendre les surfaces de canne à sucre à cette fin (objectif: 5% d’éthanol intégré à l’essence ordinaire en 2009). Même le Sénégal a récemment parié sur les agro-carburants… Un pari de plus en plus dénoncé par les institutions comme l’OCDE, mais que les gouvernements n’entendent pas… même en France… soit-disant exemplaire avec les mesures décidées lors du Grenelle…….
Enfin, n’oublions pas les marchés financiers et la spéculation, qui ont profité des tensions pour jouer les prix agricoles à la hausse: ils ont placé des capitaux sur ces marchés devenus un refuge contre les fluctuations du dollar ou contre l’inflation renaissante.
A noter: le cas d’école que représente le riz, dont le prix a augmenté de 30 % en deux semaines: comme l’explique l’article de Laetitia Clavreul et Alain Faujas pour le Monde, “ce petit marché subit les aléas climatiques de l’Australie et les réactions protectionnistes de la Thaïlande, du Vietnam, de l’Inde, de l’Egypte, etc. Les fonds d’investissement en ont donc fait un ” véhicule ” spéculatif de choix depuis trois mois. Aux Philippines, à Madagascar, au Sénégal, la colère populaire enfle“.
Depuis plus d’une décennie également, les institutions internationales (OMC, Banque Mondiale, FMI) ont poussé les pays africains à développer les cultures d’exportation. Nous sommes sans doute allés trop loin. Beaucoup trop loin.
Au-delà des émeutes…
On pourrait presque parler, en riant jaune, de second effet Kiss Cool…car au-delà des peuples criant famine, “les pays eux-mêmes sont plus ou moins fragilisés, selon leurs dépenses pour les importations de blé, de riz ou de maïs, bases de l’alimentation mondiale. Parmi eux, ceux que la FAO appelle les pays à faible revenu et déficit vivrier (PFRVD), souvent situés en Afrique, sont dans des situations très difficiles. Si le volume de leurs importations pourrait légèrement diminuer en 2008, du fait de bonnes récoltes, l’envolée des céréales et du fret devrait tout de même alourdir leur facture de 35 %, pour la deuxième année consécutive. Et de 50 % en Afrique, notamment au Maroc, au Lesotho et au Swaziland. A la fin de la campagne 2008, ces stocks devraient avoir perdu encore 5 %, et leur volume devrait être le plus faible depuis 1982. La diminution des stocks de blé devrait être particulièrement importante, estime la FAO. Ce qui explique que la tension sur les prix devrait continuer“, précisent encore Laetitia Clavreul et Alain Faujas.
Qui plus est, les prix records de la nourriture sont battus alors que les productions agricoles battent elles aussi des records: cela signifie donc que les prix resteront élevés. Au regard des éléments évoqués ci-dessus, il semble bien que la pénurie des ressources naturelles relève plus d’un changement structurel que d’une situation purement cyclique…
Cela représente aussi un défi pour les modèles d’analyse de l’ONU, qui se sont rarement confrontés à “des situations où il y a de la nourriture, mais où les gens n’ont pas de quoi se la payer”. L’étude des effets du fonctionnement des marchés mondiaux sur la malnutrition devrait donc être accélérée.
Que faire donc?
Certains pays importateurs de denrées, afin de se prémunir contre les risques de pénurie, négocient directement des accords commerciaux bilatéraux. Citons la Libye - sur le point d’en conclure un avec l’Ukraine “qui lui garantira que 100 000 hectares seront réservés à produire des céréales destinées à Tripoli” rappelle cet article du Monde. Il en va de même entre l’Inde et le Kazakhstan, entre l’Egypte et la Syrie (d’un type différent pour ce dernier: en échange de riz égyptien, Damas fournira du blé au Caire).
“Des remèdes à double tranchant” soulignent Laurence Clavreul et Alain Faujas. “Pour sécuriser leurs approvisionnements en denrées à prix accessibles aux consommateurs, les Etats, quand ils en ont les moyens, ont pris différents types de mesures, en jouant sur la production, les exportations ou les importations. Mais les marchés agricoles étant très petits (seulement 17,2 % des volumes totaux de blé sont échangés sur le marché mondial, 12,5 % du maïs, 7 % du riz), chaque décision crée, par ricochet, davantage de tensions ailleurs.”
AP/Aaron Favila - Manifestation à Manille, aux Philippines, contre la hausse des prix du riz - le 2 avril 2008.
Naturellement, il s’agit d’initiatives que n’approuve pas la FAO: “ce n’est pas avec des décisions unilatérales que le problème se réglera”, affirmait Jacques Diouf fin janvier. Pour le directeur de la FAO, “nous pourrons faire face aux besoins alimentaires d’une population qui doit admettre les 9 milliards à l’horizon 2050” si les pays prennent des décisions stratégiques en matière d’alimentation mondiale, mais collectivement!
“Dans les pays développés, 2 à 5 % de la population non seulement nourrissent la population entière, mais exportent. Donc si dans les pays déficitaires nous faisons les investissements appropriés, en infrastructures et en technologies, et surtout si nous investissons au niveau des agriculteurs pauvres, qui sont les plus nombreux, et qui ont des marges de croissance de productivité et de production importantes“, nous devrions y arriver!
Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) envisage pour sa part “des interventions alternatives”, telles que la distribution d’argent liquide, de bons alimentaires, ou la mise en place de “filets de secours sociaux”… Sachant qu’il est d’usage d’éviter de distribuer de l’argent en raison de la corruption souvent très présente dans les pays en développement… L’ONU envisage également, selon Philippe Bolopion, de débloquer des fonds d’urgence pour l’achat de bétail, de semences ou d’outils agricoles… Même si “les Nations unies disposent d’une expertise toute relative dans ces domaines”, rendant cette option assez vulnérable.
Dans un article co-signé par Jean-Pierre Tuquoi, Laurence Caramel, Laetitia Clavreul et Hervé Kempf, on comprend aussi que les “les organismes génétiquement modifiés (OGM) ne peuvent pas aider à résoudre la crise alimentaire. Les cultures en sont en effet concentrées aux Etats-Unis, au Canada, au Brésil et en Argentine, et il s’agit essentiellement de soja et de maïs destinés à l’alimentation animale. Les firmes promouvant les OGM n’ont pas cherché à développer des variétés adaptées aux pays tropicaux affectés par l’insécurité alimentaire. Ils ne constituent pas pour elles des marchés intéressants.” A moyen terme, si ces mêmes auteurs considèrent que leur utilité est incertaine, il ne faut pas oublier non plus les effets liés à l’usage d’engrais produits par les mêmes firmes semencières (cf. Monsanto).
;), a dû intervenir pour contrôler le marché du maïs.
En Egypte, au Maroc, au Burkina Faso, au Cameroun, en Mauritanie et en Côte d’Ivoire, la police est intervenue pour détruire les barricades érigées par les familles en colère qui ont de plus en plus de mal à se nourrir…
Ce second volet essaye de faire le point sur les causes d’une telle crise et les quelques solutions éventuellement envisageables…
AP/B.K.Bangash - Une Pakistanaise d’Islamabad en pleurs après avoir évoqué une récente flambée des prix qui ne lui permet plus de subvenir aux besoins de sa famille.
Insécurité alimentaire: qui sont les responsables ?
Au banc des accusés, parmi les facteurs responsables de cette insécurité alimentaire, on retrouve plusieurs éléments ne relevant pas tous d’un effet conjoncturel.
En premier lieu, citons la demande accrue des pays émergents (Chine, Inde, Brésil…): la démographie et le niveau de vie y augmentent très rapidement. Les “besoins” ont suivi la hausse, stimulant la consommation, si bien que les personnes qui vivaient de peu auparavant sont devenues de gros consommateurs. La production agricole n’a pu suivre une telle poussée de demande.
En 2007, la production de céréales a augmenté et elle devrait encore progresser en 2008, selon la FAO. Mais la demande mondiale est en forte hausse, si bien que les stocks mondiaux s’amenuisent d’une année sur l’autre. Pour le secrétaire général du Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes (Ciheam), Bertrand Hervieu, “le plus surprenant, c’est l’explosion de la demande des pays émergents comme la Chine et l’Inde. Elle se rapproche des standards internationaux avec une consommation de viande et de lait en hausse”. Les besoins en alimentation du bétail se trouvent aussi sollicités.
La réduction des surfaces cultivées et l’urbanisation croissante expliquent aussi les difficultés actuelles.
Les conditions climatiques et le réchauffement planétaires sont également responsables: sécheresse et inondations détruisent les récoltes. Sans parler de la hausse des prix de l’énergie, qui se répercute sur le prix des intrants (semences, pesticides, engrais). La hausse des prix du pétrole pèse aussi sur les coûts du transport si bien qu’en un an, la facture céréalière des pays importateurs a crû de 56 %.
L’usage accru des agro-carburants utilisant oléagineux, canne à sucre ou céréales réduit les surfaces destinées à l’alimentation. Chaque année, ce sont 100 millions de tonnes de céréales utilisées pour la fabrication de ces carburants que certains croient être “verts” par défaut… Désormais, aux Etats-Unis, le cours du maïs et du pétrole suivent la même évolution.
Et, comble de l’histoire, de nombreux pays en difficulté alimentaire qui tablent sur la production d’agro-carburants pour pallier la hausse des prix du pétrole. Nous allons donc voir les Philippines étendre les surfaces de canne à sucre à cette fin (objectif: 5% d’éthanol intégré à l’essence ordinaire en 2009). Même le Sénégal a récemment parié sur les agro-carburants… Un pari de plus en plus dénoncé par les institutions comme l’OCDE, mais que les gouvernements n’entendent pas… même en France… soit-disant exemplaire avec les mesures décidées lors du Grenelle…….
Enfin, n’oublions pas les marchés financiers et la spéculation, qui ont profité des tensions pour jouer les prix agricoles à la hausse: ils ont placé des capitaux sur ces marchés devenus un refuge contre les fluctuations du dollar ou contre l’inflation renaissante.
A noter: le cas d’école que représente le riz, dont le prix a augmenté de 30 % en deux semaines: comme l’explique l’article de Laetitia Clavreul et Alain Faujas pour le Monde, “ce petit marché subit les aléas climatiques de l’Australie et les réactions protectionnistes de la Thaïlande, du Vietnam, de l’Inde, de l’Egypte, etc. Les fonds d’investissement en ont donc fait un ” véhicule ” spéculatif de choix depuis trois mois. Aux Philippines, à Madagascar, au Sénégal, la colère populaire enfle“.
Depuis plus d’une décennie également, les institutions internationales (OMC, Banque Mondiale, FMI) ont poussé les pays africains à développer les cultures d’exportation. Nous sommes sans doute allés trop loin. Beaucoup trop loin.
Au-delà des émeutes…
On pourrait presque parler, en riant jaune, de second effet Kiss Cool…car au-delà des peuples criant famine, “les pays eux-mêmes sont plus ou moins fragilisés, selon leurs dépenses pour les importations de blé, de riz ou de maïs, bases de l’alimentation mondiale. Parmi eux, ceux que la FAO appelle les pays à faible revenu et déficit vivrier (PFRVD), souvent situés en Afrique, sont dans des situations très difficiles. Si le volume de leurs importations pourrait légèrement diminuer en 2008, du fait de bonnes récoltes, l’envolée des céréales et du fret devrait tout de même alourdir leur facture de 35 %, pour la deuxième année consécutive. Et de 50 % en Afrique, notamment au Maroc, au Lesotho et au Swaziland. A la fin de la campagne 2008, ces stocks devraient avoir perdu encore 5 %, et leur volume devrait être le plus faible depuis 1982. La diminution des stocks de blé devrait être particulièrement importante, estime la FAO. Ce qui explique que la tension sur les prix devrait continuer“, précisent encore Laetitia Clavreul et Alain Faujas.
Qui plus est, les prix records de la nourriture sont battus alors que les productions agricoles battent elles aussi des records: cela signifie donc que les prix resteront élevés. Au regard des éléments évoqués ci-dessus, il semble bien que la pénurie des ressources naturelles relève plus d’un changement structurel que d’une situation purement cyclique…
Cela représente aussi un défi pour les modèles d’analyse de l’ONU, qui se sont rarement confrontés à “des situations où il y a de la nourriture, mais où les gens n’ont pas de quoi se la payer”. L’étude des effets du fonctionnement des marchés mondiaux sur la malnutrition devrait donc être accélérée.
Que faire donc?
Certains pays importateurs de denrées, afin de se prémunir contre les risques de pénurie, négocient directement des accords commerciaux bilatéraux. Citons la Libye - sur le point d’en conclure un avec l’Ukraine “qui lui garantira que 100 000 hectares seront réservés à produire des céréales destinées à Tripoli” rappelle cet article du Monde. Il en va de même entre l’Inde et le Kazakhstan, entre l’Egypte et la Syrie (d’un type différent pour ce dernier: en échange de riz égyptien, Damas fournira du blé au Caire).
“Des remèdes à double tranchant” soulignent Laurence Clavreul et Alain Faujas. “Pour sécuriser leurs approvisionnements en denrées à prix accessibles aux consommateurs, les Etats, quand ils en ont les moyens, ont pris différents types de mesures, en jouant sur la production, les exportations ou les importations. Mais les marchés agricoles étant très petits (seulement 17,2 % des volumes totaux de blé sont échangés sur le marché mondial, 12,5 % du maïs, 7 % du riz), chaque décision crée, par ricochet, davantage de tensions ailleurs.”
AP/Aaron Favila - Manifestation à Manille, aux Philippines, contre la hausse des prix du riz - le 2 avril 2008.
Naturellement, il s’agit d’initiatives que n’approuve pas la FAO: “ce n’est pas avec des décisions unilatérales que le problème se réglera”, affirmait Jacques Diouf fin janvier. Pour le directeur de la FAO, “nous pourrons faire face aux besoins alimentaires d’une population qui doit admettre les 9 milliards à l’horizon 2050” si les pays prennent des décisions stratégiques en matière d’alimentation mondiale, mais collectivement!
“Dans les pays développés, 2 à 5 % de la population non seulement nourrissent la population entière, mais exportent. Donc si dans les pays déficitaires nous faisons les investissements appropriés, en infrastructures et en technologies, et surtout si nous investissons au niveau des agriculteurs pauvres, qui sont les plus nombreux, et qui ont des marges de croissance de productivité et de production importantes“, nous devrions y arriver!
Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) envisage pour sa part “des interventions alternatives”, telles que la distribution d’argent liquide, de bons alimentaires, ou la mise en place de “filets de secours sociaux”… Sachant qu’il est d’usage d’éviter de distribuer de l’argent en raison de la corruption souvent très présente dans les pays en développement… L’ONU envisage également, selon Philippe Bolopion, de débloquer des fonds d’urgence pour l’achat de bétail, de semences ou d’outils agricoles… Même si “les Nations unies disposent d’une expertise toute relative dans ces domaines”, rendant cette option assez vulnérable.
Dans un article co-signé par Jean-Pierre Tuquoi, Laurence Caramel, Laetitia Clavreul et Hervé Kempf, on comprend aussi que les “les organismes génétiquement modifiés (OGM) ne peuvent pas aider à résoudre la crise alimentaire. Les cultures en sont en effet concentrées aux Etats-Unis, au Canada, au Brésil et en Argentine, et il s’agit essentiellement de soja et de maïs destinés à l’alimentation animale. Les firmes promouvant les OGM n’ont pas cherché à développer des variétés adaptées aux pays tropicaux affectés par l’insécurité alimentaire. Ils ne constituent pas pour elles des marchés intéressants.” A moyen terme, si ces mêmes auteurs considèrent que leur utilité est incertaine, il ne faut pas oublier non plus les effets liés à l’usage d’engrais produits par les mêmes firmes semencières (cf. Monsanto).
Notons enfin que l’ONU pourrait adopter une position claire claire sur la question de la reconversion de terres agricoles pour produire des agro-carburants. Un “crime contre l’humanité” dénoncé en octobre 2007 par Jean Ziegler (rapporteur des Nations unies sur le droit à l’alimentation). Pour le moment néanmoins, ni l’ONU ni ses agences humanitaires ou environnementales n’ont adopté de position définitive sur la question…
En attendant, certains se débrouillent, comme aux Philippines, où les détenus de la colonie pénitentiaire d’Iwahig sont mis à contribution : ils vont transformer en rizières plusieurs milliers d’hectares de leur prison. Située au pied de la montagne d’Iwahig, la prison du même nom possède 26 000 hectares de terrain, dont 150 sont consacré à l’agriculture. Afin d’accroître la production, 6 000 hectares de plus devraient être consacrés à la riziculture, les quelque 3 000 prisonniers servant de main-d’œuvre. Les centres pénitentiaires disposent de grandes surfaces cultivables, d’énormes quantités d’eau grâce aux forêts tropicales et d’une main-d’œuvre de réserve grâce aux prisonniers désireux d’offrir leurs services, si bien que cette solution est favorisée par le gouvernement philippin… en faisant peut être appel aux semences GMA Super Rice, une variété hybride capable de produire jusqu’à 12,5 tonnes de riz commercialisable par hectare, soit nettement plus que la moyenne nationale de 4 tonnes à l’hectare…
++Articles cités++
- Asie du Sud-est: la flambée des prix du riz inquiète les pays de la région, Courrier International du 28 mars 2008
- Philippines: du riz sous haute surveillance, Courrier International, 4 avril 2008
- L’aide publique recule à nouveau, Le Monde, 4 avril 2008
- Matières premières agricoles: des hausses de prix explosives, Laetitia Clavreul et Alain Faujas, Le Monde, 5 avril 2008
- Afrique: les émeutes contre la vie chère se multiplient, Courrier International, Revue de presse du 7 avril 2008, Anne Collet
- Inflation de pauvretés, El Watan, 8 avril 2008
- M.Diouf: “nous pourrons faire face aux besoins alimentaires d’une population qui doit atteindre les 9 milliards en 2050″, Le Monde, 10 Avril 2008
- Emeutes de la faim: un défi inédit pour l’ONU, Philippe Bolopion, Le Monde, 12 avril 2008
- Les fausses explication de la crise alimentaire dans la presse, CADTM
- Kenya: priorité à la lutte contre la crise alimentaire, Courrier International, 14 avril 2008
- L’Afrique Piégée par la flambée des prix des aliments, Philippe Bernard et Jean-Pierre Tuquoi, Le Monde, 5 avril 2008
- Le retour des ventres creux, Eric le Boucher, Le Monde, 12 avril 2008
++A voir et revoir++
- Le film “We feed the World”, résumé ici et pédagogiquement expliqué là.
- Le documentaire “Notre Pain Quotidien”
- “Le cauchemar de Darwin” n’était pas mal non plus…