Traduction de Robert Amutio
Roman - 135 pages
Editions Les Allusifs - 17 avril 2008
A cinq ans, un petit garçon de Colombie assez solitaire, regarde son entourage en observant sans concession le monde des adultes. Il y a ceux qui rient pour de faux, ceux qui posent des questions idiotes, et puis il y a ses parents. Ses parents, ils se séparent, et tout est différent dès lors qu'il va vivre avec sa petite soeur et leur mère deux années d'errance de ville en village, de grand-mère en oncle. Deux années vont passer pendant lesquelles il fera l'expérience de la violence dans les cours des nouvelles écoles hostiles, de l'isolement, et, également, de cette sensation qui revient périodiquement le troubler qu'un fantôme rôde dans les forêts alentours, le fantôme du père absent.
Les oreilles du loup c'est un roman court dont les chapitres sont des fragments de vie de ce jeune garçon qui parle peu, qui s'invente un imaginaire animalier de tous ces humains. Exempt de dialogue, le roman est le monologue intérieur de cet enfant qui subit avec tristesse, déception, incompréhension, parfois humour, les réactions de ses semblables. Antonio Ungar parvient avec magie à retranscrire des pensées enfantines - mais non naïves - avec une si grande justesse que cela résonne en nous. Il y a de l'universel dans ce regard naissant.
Extrait : "Je pleure, et quand je n'ai plus de larmes, je me retourne et je vois que papa est beaucoup plus fatigué que le véritable, qu'il est plus vieux. Je voudrais que papa soit là, mon papa, le véritable, pas ce vieux type défait. Alors le vieux type, l'air très sérieux, comme si tous les muscles de son visages étaient douloureux à force de sérieux, se met aussi à pleurer en essayant de continuer à conduire et de me cacher ses grandes larmes transparentes."L'harmonie qu'il souhaite c'est celle du passé, celle de ses parents amants, de sa soeur éternellement rieuse, de ses lieux auxquels il est attaché, du vent, de cette nature familière. Quand tout cela disparaît ou est modifié, ses repères du quotidien basculenté, mais en lui tout est intact, et il s'y raccroche à ce bonheur. A ses côtés sa soeur, plus jeune, restera presque toujours gaie et rieuse sous sa protection, et leur mère retrouvera peu à peu le sourire, sûrement grâce à l'homme gros qui est venu une fois chez eux...Pour Les oreilles du loup, l'écrivain s'est affranchi de certaines habitudes de narration conventionnelles, ne nommant pas les personnages, très peu les lieux, pour mieux se consacrer à une transcription des pensées, exercice hautement difficile tant celles-ci peuvent être aléatoires et se précipiter en occultant certains éléments et en en révélant d'autres sous-jacents.On passe un moment suspendu dans des souvenirs d'enfance et avec la délicatesse de ce garçon sensible qu'Antonio Ungar a su faire penser pour nous sous une plume précise et rêveuse. [merci Marie-Anne]
Rencontre avec l'écrivain ce jeudi 17 avril 2008 à Paris