Quatrième de couverture des Éditions Gallimard: Je suis Sadiq. Tout le monde m’appelle Sad. Entre tristesse et cruauté, la ligne est mince. Eve est ma raison, mais elle prétend ne pas le savoir. Quand elle me croise, son regard me traverse sans s’arrêter. Je disparais. »Dans le quartier déshérité de Troumaron à Port-Louis, île Maurice, la vie des adolescents s’est transformée en un véritable champ de bataille. Depuis que les usines ont fermé en dévorant les rêves de leurs parents, ils ont appris à se construire une identité par défaut. « Nous avons compris que personne ne pouvait nous donner des ordres. Plus personne ne pouvait nous regarder dans les yeux sans frémir. À partir de ce moment-là, chacun s’est mis à vivre à sa façon, sans obéir aux règles. Les règles, c’est nous qui les faisons. »Comment survivre sans trébucher quand on a dix-sept ans ? Sad, Eve, Clélio et Savita se relaient pour décrire la violence quotidienne, ultime résistance des désespérés, et la réalité du piège qui se referme lentement sur eux. Entre les pères et les mères asphyxiés par l’échec, les garçons à la soif rageuse qui croient gagner leur liberté en semant le désordre et les filles coupables d’être trop attirantes dans cet univers de constante hostilité, c’est leur avenir tout entier qui est condamné. « Je ne crois en rien. Mais je souffre quand même. »Aux antipodes des dépliants touristiques et des clichés, servie par une écriture à la violence à peine contenue et un suspense tout en finesse, Ananda Devi raconte avec brio l’île Maurice du XXIe siècle.
Mon avis:Je ne connaissais pas cette auteure( et quelle erreur!!),j’ai « croisé » sa route suite à un voyage à l’Ile Maurice qui m’avait laissé perplexe.Perplexe dans le sens où je m’attendais à l’image idyllique que les cartes postales renvoient de l’ile sœur.De plus,les gens autour de moi n’avaient de cesse de vanter ses mérites:l’accueil,les plages magnifiques,la propreté de l’ile…..Moi je ne serai pas aussi catégorique,j’ai vu une Ile Maurice aux deux visages où la richesse et la pauvreté se côtoient sur le même trottoir.Aussi,à mon retour je voulais savoir,comprendre (enfin essayer) le paradoxe mauricien.Après quelques recherches,je suis tombée sur un blog recensant tous les romans parlant de l’Ile Maurice.Un est particulièrement sorti du lot d’autant plus que son titre était loin de laisser indifférent il s’agit bien sûr de Ève de ses décombres.Par la suite,je l’ai emprunté à la médiathèque et j’ai embarqué pour une allée dans l’enfer de Troumaron en compagnie de Savita,Clélio,Ève et Sad.
Dans la vie,il y a des choses qu’on sait d’instinct qu’elles vont nous plaire ou pas.Avec les livres c’est pareil,certes on peut se tromper quelquefois mais la plupart du temps alors que le livre se tient devant nous et que nous n’en avons pas lu une seule ligne,nous savons pertinemment que l’histoire va nous secouer,nous remuer les tripes.Et là on se demande non sans une certaine excitation,je le lis ou pas?Et si c’était trop d’émotions pour un seul livre,pour une seule personne?Heureusement pour vous et pour moi,je l’ai ouvert.Je n’avais pas encore lu la première page que je voulais déjà prendre mon stylo pour prendre quelques notes.Il y a une telle force,une telle violence et une telle énergie qui se dégagent de ce livre que s’en est presque contaminant.L’auteure Ananda Devi nous fait partager le quotidien tragique d’adolescents mauriciens survivant à Troumaron.Troumaron la poubelle à ciel ouvert,le lieu de tous les paumés,de toutes les perditions.Le récit se fait à travers quatre personnages:Ève la prostituée,Savita sa meilleure amie,Clélio l’enragé et Sad le poète.Ève nous apparait comme un ange déchu,elle n’est plus qu’un corps,un corps qu’elle offre sans lutte aucune.Sad représente peut-être l’optimisme(peu présent dans ce livre),il écrit sur les murs de sa chambre l’histoire de sa vie et celle de ses amis.Il se fait un devoir de sauver Ève par amour mais pas seulement,car la sauver elle le sauve lui aussi.Mais y arrivera t-il?Clélio ne connait que la colère,il est né il a grandi dedans alors comment peut-il en être autrement?Savita veut elle aussi sauver Ève,elle rêve d’une vie loin de Troumaron loin de cette détresse de cette misère humaine.Les mots d’Ananda Devi choquent interpellent par leur brutalité et leur réalisme.Dés le début,on sent que l’histoire va mal se finir mais qu’importe car pour une fois,la parole est donnée aux oubliés,aux opprimés,aux miséreux.Aux invisibles que les journaux télévisés,les dépliants touristiques et les cartes postales ignorent effrontément.Oui,le silence n’est plus d’or la délicatesse non plus et bien que Ève de ses décombres relève de la « fiction »,après l’avoir lu je suis convaincue que vous regarderez l’Ile Maurice sous un angle nouveau,neuf.En tout cas c’est tout le mal que je vous souhaite et j’espère aussi que cette histoire vous changera comme elle m’a changée.
Le « mot » de la fin:Ève de ses décombres vous bouleverse vous écœure vous révolte.Vous n’en sortez pas indemne mais à coup sûr plus fort plus grand.
Ma note:20 sur 20.