L’art contemporain revendique volontiers l’héritage des « maudits » et des scandales du passé. Et cependant, « artistes » et laudateurs d’aujourd’hui ne réalisent pas que leurs scandales ne combattent plus les tenants de l’ordre dominant, mais ne constituent en fait qu’un outil de plus de la domination bourgeoise. Par ce qu’il prétend dénoncer, l’« art » dit « dérangeant » participe de la domination libérale, capitaliste, oligarchique et ploutocratique, à la destruction du sens collectif au profit de sa privatisation, à cette démophobie qui a remplacé dans le cœur d’une certaine gauche la haine des puissants et des possédants. Cet « art » dit « dérangeant » est en parfaite harmonie avec ces derniers.
Épargnons-nous un discours qui, trop abstrait, serait rejeté par les concernés, les défenseurs de cette pitrerie libérale-libertaire nommée « art contemporain ». Prenons donc quelques exemples, quelques « scandales » ou actions représentatives de ces dix dernières années. En 2002, l’Espagnol Santiago Sierra fait creuser 3000 trous (3000 huecos, en castillan) à des ouvriers africains pour un salaire dérisoire afin de, nous apprend-on, dénoncer l’exploitation capitaliste, revendiquant une « inspiration contestataire axée sur la critique de la mondialisation, de l’exploitation de l’homme par l’homme, de l’inégalité des rapports Nord-Sud et de la corruption capitaliste. Il n’hésite pas à faire intervenir dans ses performances des sans-papiers, des prostituées, des drogués et à les rémunérer pour leur présence », apprend-on en effet, par exemple sur le site d’Arte TV [1]. Exploiter pour dénoncer l’exploitation : à ce titre, on pourrait bien aller jusqu’à voir un artiste supérieur en Lakshmi Mittal, par exemple.
En 2009, le costaricien Guillermo Habacuc Vargas (cf. site personnel) organise, pour l’inauguration d’une expo à Milan, un banquet préparé avec la sueur des immigrants (littéralement : la nourriture contenait la sueur collectée des immigrants qui l’avaient préparée). Deux ans plus tôt, il s’était fait connaître parce qu’il aurait laissé mourir un chien, cela constituant une « œuvre » (la réalité de l’évènement – le galeriste a annoncé par la suite que le chien avait en fait été libéré – s’est effacée derrière la rumeur mondiale, qui fit l’affaire de ce médiocre). Fin 2012, le Belge Jan Fabre provoque un violent scandale – qui lui vaut d’ailleurs des coups et menaces physiques – pour un lancer de chats dans l’hôtel de ville d’Anvers. Pourquoi cette « performance » ? Pour un hommage au cliché Dali Atomicus…
Tenons-nous en à ce court inventaire pour l’instant : d’autres exemples suivront.
Merde aux petites gens : les élites contre le peuple
Qui donc dérange l’art dit « dérangeant » ? Que cherche-t-il à déranger ? Sont-ce les oppresseurs qui sont visés ? Bien sûr que non. Les dominants (le système capitaliste et ses organisateurs, le marché de l’art, les institutions validatrices et promotrices de l’art, les bourgeois cons-sommateurs de ce non-art con-tant-pour-rien), habitués aux registres de la parodie, de la provocation, de l’outrance, se satisfont du renouvellement des pitreries et des gesticulations.
Ceux que visent les provocations de l’art contemporain, dans bien des cas, sont surtout les gens ordinaires, ceux que les merdias appellent les « anonymes » parce que leur donner un nom, un droit à s’exprimer, est hors de question pour ces fameux « démocrates » – entendre le mot davantage au sens du parti politique américain capitaliste et libéral, qu’au sens antique et étymologique. Ce sont bien les « non-initiés » aux prétendus arcanes de l’« art » contemporain qui sont visés, les personnes extérieures à cet incestueux milieu, à ces coquetteries conceptuelles de bourgeois et de larbins wannabe. Pourquoi « déranger » ces gens ordinaires ? Parce qu’ils seraient dangereux ? rétrogrades ? secrètement puissants ? Parce qu’ils porteraient en eux le-germe-de-la-Bête-immonde-qui-rappelle-les-heures-les-plus-sombres-blablabla ?
Rapporté à l’énorme puissance financière, médiatique et symbolique du milieu – bourgeois – de l’art contemporain et de ceux qui le défendent, c’est pourtant dérisoire. C’est aussi piteux et veule que l’attitude des « éditocrates », cette bavarde racaille de naintellectuels médiatiques, à l’endroit des dominés et des « anonymes » (fermeté, mépris ou indifférence) [2]… mais toujours serviles devant le Capital et la ploutocratie libérale. Car n’est-il pas connu que les classes laborieuses sont des classes dangereuses, réactionnaires et mal éduquées ? Et que, à l’inverse, les grands patrons, les décisionnaires économiques et la jet-set politique sont dans le camp du Bien et du Progrès, celui qui se réunit en club de gens bien éduqués, au Siècle et qui toujours dira non à la Bête-immonde-et-aux-heures-les-plus-sombres ? D’ailleurs, les ploutocrates bien éduqués tels que Pinault ou Cartier, ne sont-ils pas de gentils progressistes amoureux de l’art et de la culture, comme l’atteste leur fondation ?
À la vérité, il y a que les gens ordinaires, les classes populaires, les campagnards, les banlieusards, mais encore les personnes de conviction (religieuse, politique, patriotique, culturelle…) ne méritent pas le respect – ni pour les policaillons arrivistes, ni pour les fonctionnaires validateurs de l’ââârt d’État, ni pour les pirates de la ploutocratie mondialisée… ni pour les « artistes » dits « dérangeants », communiant dans le mépris du peuple avec les maîtres du monde.
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