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Voici trois ans, le disque du baryton-basse (en fait plus basse que baryton) gallois avait surpris par sa thématique originale, tout simplement car le génie et le talent de Bryn Terfel ne connaissent pas de limites. Son regard en couverture, charbonneux, façon "bad boy" intemporel, était déjà en lui-même terrifiant.
Bryn Terfel a une voix d'une noirceur presque enchanteresse. Sympathique et convivial, pas star pour trois sous, d'une simplicité exemplaire, un rien cabotin tout de même (nous étions tous venus non pour un classique récital mais bien pour assister à son one man show), voici, en quelques clips, une belle brochette des plus fameux anges maudits, traîtres, manipulateurs, cyniques, arnaqueurs, vicieux du répertoire lyrique.
Le programme choisi par l'artiste nous le montre sans tapage ni fausse minauderie dans des personnages rodés sur scène qui lui vont comme un gant: haineux et frustré Scarpia, ici comme dopé au Viagra (son désir secret pour Tosca l'amène au plus grandiose et apocalyptique blasphème dans un lieu saint), sournois, fielleux, un tantinet débridé Iago, Mefistofele aux inflexions d'airain. Kaspar du Freishütz, au phrasé très délié, tétanise par sa sobre et sombre éloquence...
Quelques œillades complices, quelques gestes évocateurs mettront le public, prêt à vendre son âme, dans sa poche.
Avec une intelligence diabolique (lapsus révélateur) le géant colore et nuance chaque figure du vice, chaque soupir de la corruption la plus ignoble avec une rare délectation, entraînant chœur (qui sonne par moment comme la phalange des Arènes de Vérone au grand complet), orchestre et public complice dans une orgie de perversité volubilement partagée.
Notre puissant chanteur sait également diversifier toutes les facettes de la roublardise, de la séduction malsaine, dans une subtile et très étudiée projection du texte et de la note. Dulcamara, Sporting Life, Mackie, roués, faussement enjôleurs, unissent de belle manière la manipulation à l'arnaque foraine.
Un seul bis. Un standard de Broadway (Javert des "Misérables") qui renvoie aux oubliettes les autres titulaires du rôle. Légèrement pingre le gallois... non ?
Sous la direction efficace, attentive et mesurée de Gareth Jones, le Philharmonique de Monte-Carlo, brillant comme toujours, joue le jeu, s'amuse, boit de l’œil et de l'oreille l'imposante vedette et se montra encore une fois plus qu'un simple fond sonore ou faire-valoir.
Un rien précipitées peut-être les ouvertures de Verdi et Mozart, mais plaisir de gourmet avec la "Danse macabre" de Saint-Saëns. Inoubliable duel "virtuosement", "funèbrement" acrobatique entre le premier violon (de la mort comme le voulait le compositeur?) et son complice timbalier, machiavélique comme pas deux, qui nous entraîne aux porte des enfers, en voiture première classe, mine de rien, sourire en prime.
Un récital couleur de souffre qui nous mène aux portes de l'enfer....
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