Si ce livre est paru alors qu’une exposition « Edward Hopper » drainait des milliers de visiteurs au Grand Palais, Béatrice Courraud n’a pas attendu cet évènement pour être séduite par les tableaux de ce peintre américain. Elle en témoigne ici sous la forme d’un « poème-ballade » inspiré de vingt-neuf peintures listées en fin de volume. Plus qu’une description ou d’un commentaire de ces œuvres, Béatrice Courraud a choisi de les accompagner poétiquement, donnant libre cours à sa propre sensibilité. Tout au long de la « ballade » résonnent des chansons − Presley, Gainsbourg, Mitchell −, des poèmes, et les vers parfois empruntent la langue anglaise. « Où êtes-vous Edward Hopper ? » « Entre absence et oubli », dans l’immobilité de scènes figées, dans l’attente improbable, dans le vide, entre apaisement et angoisse, entre mélancolie et sérénité, entre lumière et ombre…Alors, face aux personnages statiques des tableaux hopperiens, Béatrice Courraud imagine des mouvements de vie, anime des échanges verbaux, invente des déplacements dans l’espace, s’échappe des cadres rigides clôturant les toiles. Parce que, ainsi que le souligne Claude Ber dans sa préface, « la peinture fait écrire » (…) « comme si à émouvoir, à mettre en mouvement le mot, la toile l’emplissait de quelque chose d’elle. » Sans doute la question « Où êtes-vous Edward Hopper », à défaut de réponse, peut-elle se formuler aussi : « Où êtes-vous Béatrice Courraud ? » Là, tout près, dans une proximité non feinte, presque une communion intime, loin du tumulte des files d’attente devant le Grand Palais. Ce petit livre, à n’en pas douter, constitue le meilleur billet d’entrée dans l’univers d’Edward Hopper.
[Alain Helissen]
Béatrice Courraud, Où êtes-vous Edward Hopper ?, édition Les Cygnes.