Le PS éliminé au premier tour, l’UMP élu de justesse face au FN au second
tour. Les cauchemars vont envahir l’esprit des principaux présidentiables dans les mois à venir. Le syndrome de l’Oise…
L’UMP pas plus souriante que le PS
Pourtant, l’examen des résultats du second tour du 24 mars 2013 devrait aussi diffuser cette étrange
impression de cauchemar à l’UMP. Si le second tour s’était soldé par un duel inégal entre Florence Italiani (FN) et Jean-François Mancel, député UMP sortant (invalidé le 25 janvier 2013), soutenu
également par la gauche, et si l’issue prévisible a bien eu lieu, à savoir la réélection de Jean-François Mancel, il n’y a eu que huit cents voix d’écart entre les deux candidats. L’UMP ne doit
donc son élection que de justesse, avec 51,4%.
La différence était pourtant très large au premier tour : Jean-François Mancel avait eu 40,6% et
Florence Italiani 26,6%, et normalement, la candidate du FN ne devait avoir aucune réserve de voix.
Il faut bien sûr relativiser les leçons d’une élection partielle, d’autant plus que la personnalité de
Jean-François Mancel (65 ans), président du conseil général de l’Oise pendant près de vingt ans (du 1er avril 1985 au 31 mars 2004), ancien secrétaire général du RPR, n’est pas exempte
de reproche en terme de gestion.
Par ailleurs, l’Oise est un département particulièrement attrayant pour le FN et dans la 2e
circonscription, Jean-François Mancel avait été battu par la candidate socialiste (Béatrice Marre) en juin 1997 à l’occasion d’une triangulaire au second tour à cause de la présence du FN. Le 17
juin 2012, il avait été réélu de justesse déjà (avec seulement soixante-trois voix d’avance) dans une triangulaire avec la candidate du FN, Florence Italiani, qui avait recueilli 22,3% (soit
légèrement moins qu’au premier tour, tant en % qu’en nombre de voix).
Enfin, la très forte abstention, tant au premier tour (67,2%) qu’au second tour (65%) de cette élection
partielle doit bien sûr tempérer les conclusions que certains voudraient définitives. D’autant plus qu’une autre législative partielle s’est déroulée au même moment à Wallis-et-Futina qui a donné
une large majorité à la gauche, avec une forte participation (75,7%), mais il n’y avait aucun candidat ni de droite ni du centre.
Le vrai problème, l’incapacité à mobiliser l’électorat
Pour autant, c’est bien l’abstention des élections socialistes qui a empêché Lionel Jospin d’atteindre le second tour de l’élection présidentielle le 21 avril 2002. Et rien d’autre. L’incapacité du PS à mobiliser ses troupes pour défendre son champion.
Or, l’UMP, à peine sortie d’une grave crise interne, n’est pas mieux servie dans la mobilisation de son électorat. La présidente du Front national Marine Le Pen, c’est de bonne guerre, n’a donc pas tort de crier qu’une victoire au second tour dans un scrutin
majoritaire était désormais possible, même en présence de seulement deux candidats. Une configuration qu’elle verrait bien pour l’élection présidentielle de 2017 en reprenant le vieil objectif de
son père : éliminer la gauche au premier tour, et éliminer la droite au second tour.
Au contraire du 17 juin 2012 où Florence Italiani avait plafonné à son score du premier tour, ce 24 mars
2013, elle a quasiment doublé son nombre de voix entre le premier et le second tour, ce qui permet à Marine Le Pen de fanfaronner dès les résultats connus : « Notre candidate a pulvérisé les capacités de progression face au candidat du système, comparativement aux élections de juin dernier. ».
Mais là aussi, il faut relativiser : en nombre de voix, Florence Italiani n’a pas réuni plus de voix
qu’en juin 2012, mais a juste su mobiliser au second tour son électorat à moitié dormant au premier tour. En effet, la moitié de ses électeurs de juin dernier ne s’étaient pas déplacés au premier
tour mais ont vu, par ce duel symbolique, une occasion de donner un sens à leur vote du second tour.
A priori, Jean-François Mancel n’a pas réussi à faire le plein de ses propres électeurs de juin dernier. Mais
le plus grave, d’un point de vue politique, c’est qu’il ne semble pas y avoir eu beaucoup d’électeurs de gauche à se reporter sur le candidat UMP.
C’est cette idée qui pourrait donner un boulevard à Marine Le Pen en 2017 : le PS et l’UMP ne sont plus
capables de mobiliser leur propre électorat et la mécanique du front républicain ne fonctionnera plus
comme le 5 mai 2002. Le Front national serait donc un parti capable d’être majoritaire, au même titre que
le PS et l’UMP.
Un contexte très défavorable
Il faut dire aussi que la démission surprise de Jérôme Cahuzac (le 19 mars) et la mise en examen surprise de Nicolas
Sarkozy (le 21 mars), qui sont des symptômes finalement normaux d’une démocratie saine (la justice égale pour tous), n’ont pas apporté une image très rassurante des deux principaux partis de
gouvernement dans un contexte de crise économique majeure.
Un autre sujet de satisfaction pour Marine Le Pen est sans aucun doute que le match, qu’elle avait déjà gagné
en 2012, contre le (co)président du Front de gauche Jean-Luc Mélenchon, a été de nouveau largement gagné
dans cette partielle. En effet, la surenchère dans la démagogie ne favorise que son aile droite, droite extrême, au détriment de son aile gauche, gauche radicale. Le 17 mars, le candidat
mélenchoniste (Pierre Ripart) n’avait même pas recueilli deux mille voix (avec 6,6%) soit 30% de moins que le 10 juin 2012.
Le seul chemin : construire ensemble
Si le Président François Hollande, connu pour ne jamais rien décider, laissait entrevoir ce jeudi 28 mars 2013 sur France 2 qu’il se satisferait de ce climat politique, il donnerait à Marine Le Pen,
plus vite que prévu, des perspectives prometteuses mais inquiétantes.
Pourtant, s’il y a bien une chose qui exaspère les électeurs et qui les incite à rester chez eux lors des
scrutins, c’est lorsqu’on les prend pour des imbéciles.
Or, c’est à peu près ce que fait le PS en refusant d’admettre qu’il conduit aujourd’hui une politique
sensiblement équivalente à celle du quinquennat précédent (retour à l’équilibre budgétaire, renforcement
de la compétitivité, TSCG, refonte du code du travail, Grand Paris, politique de la sécurité, politique industrielle, etc.) qu’il cherche à emballer dans un clivage droite/gauche dépassé, avec une phraséologie socialiste qui ne dupe plus personne et quelques projets sociétaux
qui hérissent la droite (comme le mariage des couples homosexuels ; Jean-François Mancel s'y était
déclaré en 2011).
Le courage en politique, c’est d’aller au-delà de ces clivages totalement archaïques et anachroniques, et de bâtir enfin une grande coalition, celle qu’avait conduite
le chancelier Schröder il y a une dizaine d’années et qui a permis à l’Allemagne de redémarrer son industrie et donc son économie. À situation exceptionnelle, majorité exceptionnelle. C’est
l’unité nationale que prône depuis plusieurs années François Bayrou.
Ce n’est qu’en impliquant tous les partis gouvernementaux dans la recherche des meilleures solutions,
indiscutables dès lors qu’un consensus aurait été établi, au-delà des luttes politiciennes sans intérêt, que les électeurs auront le sentiment qu’on les respecte et, dès lors, seront prêt à
participer à l’effort national par leur soutien.
Cela fait plus de trente ans que le PS tient un langage décalé. Maintenant qu’il est (à nouveau) au pouvoir,
c’est lui qui a l’initiative pour enfin parler vrai, et rassembler vraiment.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (25 mars
2013)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Analyse détaillée du programme du
FN.
Démagogie
populaire.
Procédé
sournois.
Marine Le
Pen.
Marine et
Giulia.
Marine Le Pen
vs Jean-Luc Mélenchon.
Le Pen au 2e tour ?
Le front républicain ?
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/sueurs-froides-dans-l-oise-132999