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RD CONGO: Mars non festive pour la femme congolaise

Publié le 25 mars 2013 par Podcastjournal @Podcast_Journal
PLAN DU SITE Abonnez-vous à nos flux par rubriques! "Ce fossé assez grand entre les victimes - dont le nombre ne fait que s’accroitre - et les cas traités en justice inquiète au plus haut point et interpelle tout Congolais". Ce message est celui du docteur gynécologue Denis Mukwege*, médecin directeur de l’hôpital de Panzi.
Après son retour au pays suite à la tentative d’assassinat contre sa personne à Bukavu, le docteur Mukwege a, dans une conférence animée au Centre Wallonie Bruxelles de Kinshasa, profité de l’auditoire - qu’il draine avec Colette Braeckman (la journaliste et écrivaine belge qui a écrit sur lui "L’homme qui répare les femmes") et la ministre du genre, femme et famille Geneviève Inagosi Kasongo -, pour parler des souffrances des femmes congolaises. Ils émettent le vœux d’un Congo sans violence mais aussi vantent les capacités congolaises et proposent une riposte efficace à ce problème qui ne fait que durer.

Dans cette série de conférences qui les réunit avec les femmes et les médecins, la presse et même les autorités étatiques et para-étatiques, Denis Mukwege, souvent appuyé par la ministre Inagosi ont dû trouver des mots qu’il fallait, des paroles justes pour exprimer les douleurs qu’endurent les femmes congolaises à l’est et surtout dans des zones de conflits partout au pays. Le docteur Mukwege appelle le Congolais à se réveiller et à stopper l’essor des propos et des lobbies diffamatoires vis-à-vis du Congolais dans la zone euro et aux Amériques. Pour lui, les Congolais qui ont gagné la guerre d’Assossa, de Saio, qui ont capturés plus de 1500 officiers italiens à Addis Abeba pendant la seconde Guerre mondiale, existent encore et peuvent faire partie d’une forte armée. Les Congolais sont capables, de se diriger et de faire des exploits, il leur faut seulement la paix et l’unité.
Parlant de la balkanisation du Congo démocratique, le lauréat du prix des Nations Unies pour les droits de l’homme, interpelle le Congolais sur une distraction qui lui ferait perdre son unité. Il met en garde la communauté internationale, artisan numéro un de ce plan de balkanisation, sur les retombées dévastatrices qu’entrainerait la scission de la RDC. Pour Denis Mukwege, le point positif de la zaïrianisation est ce mélange des cultures et ethnies congolaises voulu par le président Mobutu. Au conférencier de préciser dixit: "D’un mariage muluba et mukongo naissent des enfants de quelle tribu? Ayant grandi dans l’espace swahili suite aux mutations professionnelles, les enfants s’unissent aux bashi et barega, puis les petits-enfants auront quelles origines si c’est n’est que congolaise?" Ceci prouve à suffisance que l’aventure de la balkanisation de la RDC créerait des complications identitaires et des métissages sans racines qui se retrouveront dans des régions où ils y sont à moitié originaire et cela ne créerait rien d’autre que l’ingouvernabilité dans la partie scindée, d’où le chaos. Ici, en médecin directeur de l’hôpital, il commence par saluer le travail que son équipe et lui-même n’ont cessé de réaliser au profit des femmes violées à l’hôpital de Panzi, sans exiger un seul rond et salue l’apport des bailleurs des fonds internationaux. Il profite de l’auditoire pour introduire la notion de one shop ou le guichet unique qui élargit le travail de Panzi dans tous les hôpitaux généraux de références du pays et permet une prise en charge complète des victimes des viols sans engagements d’un seul rond.

En abordant le risque de la balkanisation, Denis Mukwege, lance le débat sur une guérison définitive des cas de viols et violences sexuelles commis à l’est du pays. Pour lui, la démarche ne dois pas consister à soigner sans fin, mais aussi, il serait important de toucher le problème à sa source. "Dans tous les actes de génocide, le viol diffère la mort mais ne l’empêche jamais", dit-il. "On a trop sacrifié la paix pour la justice et la justice pour la paix, mais l’on a récolté des négociations diverses qui n’ont fait que gratifier les auteurs de viols au grand mépris des victimes", poursuit-il. Pour lui, après plusieurs années d’exercice en qualité de gynécologue, il n’a jamais vue une recrudescence aussi accrue des violences avec des cas inimaginables comme ceux qu’il est appelé à soigner ces jours-ci. Il souligne les séquelles: fistules traumatiques vaginales et anales, créées par des brûlures, blessures par baïonnettes ou l'esclavage sexuelle en présence des membres de famille, mais aussi des troubles psychosociaux profonds et le rejet des femmes et les enfants issus du viol par la société. Il précise que "les raisons ou les causes de ces viols, on les connait assez bien". L’entrée des réfugiés hutu rwandais en 1994 en est la principale cause, ensuite vient l’enrôlement des enfants dans l’armée entre les périodes de 1996 et 2005 en Ituri et dans l’ancienne province du grand Kivu. Les enfants qui ont été dans le temps des Kadogos ayant l’arme en main et tenue militaire avec pour mission de tuer sans pitié, sont aujourd’hui des adultes sans éthique militaire qui n’ont que la violence comme seule méthode d’agissement. Enfin, il y a les multiples restructurations de l’armée, la police et les services de sécurité en général. Le brassage, le mixage, la réforme, les multiples intégrations des forces négatives dans l’armée loyaliste n’ont eu rien d’autre comme effet majeur que d’introduire au sein de l’armée républicaine des combattants et militaires non formés déontologiquement et même à la limite de la discipline militaire. Chose qui accroit sensiblement les cas des viols et violences dont sont auteurs les éléments des troupes. A tout ceci devra s’ajouter une absence d’une justice réparatrice et responsable. "En RDC aujourd’hui", dit le docteur, "il n'est pas surprenant de se réveiller un matin de voir l’ancien violeur d’une femme au quartier retourner vivre dans sa proximité, suite aux défaillances de la justice. Les auteurs sont souvent impunis et pour les autres les jugements sont bien rendus mais aucune indemnisation ne suit. De cause à effet, les plaies des viols restent non soignées d’où inutile de faire travailler les médecins car la vraie guérison, les patients devront l’avoir ailleurs. Dans les décisions politiques, économiques et des populations."
Pour illustrer sa conclusion, le docteur revient sur ce témoignage: "J’ai traité pendant longtemps une femme vieille de 80 ans, qui avait été violée par plusieurs hommes en présence de son jeune gendre; après que son opération ait été un succès, la vieille femme a refusé de quitter l’hôpital et donc de retourner chez elle. Quand je lui demande pourquoi elle ne voulait pas rentrer chez elle, elle me dit en swahili est-ce possible que je sois en mesure de regarder encore mon jeune gendre dans les yeux après ce qui s’est passé?"

Denis Mukwege illustre clairement le fait que ces viols sont aussi utilisés comme des armes à destruction massives et des armes de guerre. D’où sa demande expresse de l’installation d’un tribunal pénal spécial pour la RDC, dans lequel la CPI jugerait les crimes commis. De cette conférence, l’homme qui répare les femmes - comme l’appelle affectueusement Colette Braeckman dans son tout dernier ouvrage publié récemment - se veut à la fois le gardien de la société, l’interpellateur et l’homme qui dit non aux violences. Son leit-motiv "until the violences stops" (en français jusqu’à ce que les violences cessent), se veut un rassembleur qui devra unir Congolaises et Congolais à cette cause commune et faire preuve d’unité vis-à-vis des oppresseurs.

En terme de stratégies de sortie, Denis Mukwege invite tout le monde à s’approprier le nouvel accord cadre, signé à Addis Abeba entre le gouvernement et les différents belligérants de la crise congolaise sous les auspices de l’Onu. Ici il souligne l’alinéa premier, qui revient sur la formation d’un état de droit par une armée restructurée et forte. Il pense qu’on ne pourra jamais construire le Congo, mettre fin à toute forme de viol et violence si nous continuons à avoir une armée faible, qui est la passoire de n’importe quel aventurier. Le Congo uni et sans violence est possible, si les Congolais se prennent en charge.

* Depuis quinze ans, Denis Mukwege, médecin chef à l'hôpital de Panzi (Sud Kivu), soigne gratuitement des femmes victimes de violences sexuelles. Vagins détruits et âmes mortes. Le gynécologue recoud et répare. Il écoute aussi, prie quand il le peut, se révolte souvent. Pour son combat, il a reçu de nombreux prix, dont celui des droits de l'homme des Nations Unies en 2008, ainsi que le prix international Roi Baudouin, en 2011. Si en quinze ans, l’hôpital de Panzi a reçu et soigné 40.000 femmes violées dont un quart de... Podcast (1.54 Mo) Mercredi 20 mars, de violents affrontements ont éclaté entre les communautés musulmane e... Podcast (267.47 Ko)

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